le 9/10/2012
Monsieur le Président,
Je viens de lire la lettre que vous avez adressée hier, 8 octobre 2012, au président de la Fédération Nationale des Chasseurs, M. Bernard Baudin - par ailleurs
Conseiller général UMP du 7ème canton de Nice.
Vous lui écrivez : « Je connais l'importance du monde de la chasse pour l'équilibre de notre territoire, qu'il s'agisse de sa connaissance des milieux naturels
et de la faune sauvage et plus généralement de sa contribution à l'activité et à l'emploi dans les zones rurales. (…) La ministre de l'Écologie (…) veillera
à ce que vous soyez pleinement associé à la concertation sur tous les sujets où votre rôle est reconnu au-delà du seul champ de la biodiversité. » Et vous
concluez : « Je suis moi-même tout à fait prêt à m'entretenir avec vous sur la participation de votre organisation aux initiatives à mener pour favoriser
l'égalité des territoires et promouvoir la ruralité. »
Je vous avoue que je suis très étonné par cette lettre. J'ai l'impression, hélas, que vous n'avez pas une vraie connaissance de ce qui se passe, justement,
dans les territoires ruraux : une infime minorité, parce qu'elle se promène en arme et en bande sur des terrains communaux et, le plus souvent sans autorisation
sur des terrains privés, prend en otage le reste des « utilisateurs » de la nature : promeneurs, vététistes, ramasseurs de champignon, pique-niqueurs en
forêt, botanistes, amoureux. En campagne, quand quelques chasseurs organisent une battue, tout le monde doit s'empresser de revêtir un gilet fluo et de
s'enfuir pour ne pas se faire canarder. Ce n'est pas acceptable.
La réalité, c'est qu'aujourd'hui moins de 2% de la population – la seule milice en arme autorisée par l'État – prend quotidiennement en otage les 98% restants
des Français.
La réalité, c'est que les chasseurs ne connaissent rien à l'écologie, à la biodiversité, à la gestion des territoires, ni même à la faune sauvage : ce qui
les intéresse, c'est de tirer sur tout ce qui bouge, et, généralement, sur du gibier d'élevage.
C'est une idée reçue de dire que le monde de la chasse défend l'environnement. Vous êtes trop intelligent pour croire à cette propagande du lobby des armes.
J'imagine que votre position n'est donc que politique. Sauf que là aussi, vous faites erreur : les communes où on compte le plus de chasseurs sont celles
qui votent majoritairement à droite et surtout à l'extrême droite. Etudiez les chiffres dans le Var, et vous verrez.
Je suis donc choqué que vous invitiez à l'Élysée le représentant des chasseurs. Vous en avez le droit, bien sûr, car vous êtes le garant de la communauté
nationale. Mais dans ce cas, invitez aussi, un autre jour, les représentants des Français anti-chasse - par exemple M. Pierre Athanaze, président de l'ONG
ASPAS. Cet homme-là, oui, est un véritable écologiste. Ou M. Gérard Charollois, président de l'ONG Convention Vie et Nature. Ces personnes vous expliqueront
que l'animal sauvage n'est pas seulement un gibier et que la nature n'est pas un stand de tir. Et que la chasse n'est pas un moyen de promouvoir la ruralité,
bien au contraire.
Et puis, s'il vous plaît, faites un beau geste qui permettra de rattraper un peu ce qui, aujourd'hui, ressemble de votre part à une soumission à un lobby
: demandez à notre Ministre de l'Écologie, Mme Delphine Batho (je lui envoie une copie de cette lettre) de renouer avec une décision de Mme Dominique Voynet
qui, à l'époque, avait trouvé un écho très favorable auprès des Français : rétablissez ce « jour sans chasse » qui permettait aux citoyens de profiter
de la nature une fois par semaine sans risquer de se faire plomber par les amis de M. Baudin. Et deux jours, le mercredi et le dimanche, seraient encore
mieux. En fait, ce qui serait démocratique, ce serait d'ouvrir 2% du temps à la chasse, le vrai poids de ce lobby archaïque. Une demi-journée par semaine.
Vous ne risquez rien à le décider : les chasseurs ne voteront jamais pour vous.
J'espère que vous me tiendrez personnellement au courant des décisions que vous prendrez à ce sujet et, dans l'attente, je vous prie d'agréer, Monsieur
le Président, l'assurance de mes meilleurs respects.
Bernard Blanc
Adhérent CVN