Il n’y a pas de liberté sans sécurité puisque la menace, la peur, le risque de perdre la vie abolissent tout.
Depuis plus de vingt ans, par les attentats des G. I. A. Algériens, en France, en 1995, par ceux d’Al kaïda aux USA, puis à LONDRES et à MADRID, la civilisation est attaquée par le djihadisme.
Les assassinats du 7 janvier et du 13 novembre 2015, s’inscrivent dans cette déjà longue série d’agressions d’un fanatisme religieux en guerre contre la liberté, la raison, l’émancipation des personnes.
Face à ces assassins forcenés, l’État doit assurer la sécurité des citoyens et empêcher les tueurs de nuire.
Le défi est de garantir cette sécurité, tout en améliorant sans cesse les libertés publiques que combattent les fous de dieu.
Renoncer à la liberté d’expression, de manifestation, d’aller et de venir offrirait la victoire aux obscurantistes pour lesquels ces libertés sont les apanages du diable, des mécréants.
En conséquence, il fallait, d’une part déclarer un état d’urgence immédiatement après les attentats terroristes, d’autre part circonscrire les mesures attentatoires aux libertés à l’objectif défini : lutter contre le djihadisme.
S’il advenait qu’un préfet, qu’un ministre, qu’une quelconque autorité publique instrumentalisent la « guerre » contre le djihadisme pour entraver les actions politiques ou syndicales, il y aurait forfaiture.
Aujourd’hui, il devient absurde de prolonger du 26 février au 26 mai prochain l’état d’urgence qui doit demeurer un état d’exception, une situation juridique éminemment provisoire.
Prolonger l’état d’urgence au seul motif que le risque terroriste n’a pas disparu revient à le rendre indéfini dans le temps.
Certes, ce risque terroriste demeure élevé. Mais il l’est depuis des années et le restera encore longtemps, bien au-delà du 26 mai prochain.
L’élimination souhaitable de l’État Islamique, en Irak et Syrie, ne fera pas disparaître un djihadisme qui l’a précédé et qui lui survivra.
Si la France devait vivre sous l’empire de l’état d’urgence aussi longtemps que perdurera un danger djihadiste, il faut en changer la dénomination et en faire un état, sinon permanent, du moins pérenne pour plusieurs années.
Par ailleurs, le droit pénal à l’intérieur du pays, l’action militaire à l’extérieur, constituent les vrais remparts contre les assassins et non l’état d’urgence.
Reste que les membres de la classe politique doivent jouer, ici comme ailleurs, leur rôle de comédiens.
Il ne suffit pas de faire, mais d’abord de faire semblant d’agir.
Si, ce qui demeure hélas possible, un nouvel attentat intervenait dans les mois à venir, les gouvernants pourront dire qu’ils se battent contre les tueurs et ont eu bien raison de proclamer durablement l’état d’urgence.
Même sur les plus cruels sujets, le spectacle prévaut sur l’efficacité.
En novembre, j’aurais voté l’état d’urgence.
Aujourd’hui, je refuserais ce détournement d’un instrument institutionnel à des fins de gesticulations politiciennes.
A toutes les époques de l’Histoire humaine, des « causes » suscitèrent des « radicalisations » qui ne sont que les manifestations de psychopathies de certains individus.
De nos jours, les psychopathes trouvent dans l’islamisme une occasion d’assumer leurs pulsions thanatophiles.
La lutte contre cette dérive meurtrière passe bien sûr par les armes puisque les assassins ne laissent pas le choix.
Mais, à plus long terme, le défi est culturel.
Un peuple ne peut accéder à une démocratie sereine, s’élever à de vrais débats d’idées, à des options débattues contradictoirement, qu’en congédiant le religieux de la sphère politique.
Aussi longtemps que dieu fera la loi au Moyen-Orient, ces peuples soumis souffriront des guerres inexpiables et de la servitude qui est davantage celle de l’inculture que celle de tel ou tel dictateur.
Avons-nous encore l’énergie pour défendre la liberté avec la sécurité et pour assumer la bataille culturelle ?
Entre ceux qui sont tout disposés à abdiquer la liberté pour la sécurité, (à droite), et ceux qui n’osent pas affronter un obscurantisme sous prétexte qu’il émane des damnés de la terre, (à gauche), l’évolution en cours paraît bien préoccupante.
La liberté, la raison, l’émancipation, l’universalité des droits, le respect du vivant valent bien notre engagement par-delà les peurs et les conformismes.
Gérard CHAROLLOIS