Dans une conférence donnée à la bibliothèque nationale, Michel ONFRAY décrivait un « fascisme de lion et un fascisme de renard ». Le premier, ancienne formule, s’avançait casqué, botté, esthétisait la politique. Le second s’appuie sur la manipulation, la ruse, l’exploitation insidieuse, le contrôle sournois.
La façon dont les pouvoirs en place maltraitent les protecteurs de la nature et des animaux et protègent les lobbies thanatophiles illustre le fascisme de renard.
Les faits éloquents tout autant que censurés par les médias parlent, avec témoignages multiples et concordants et vidéos probantes à l’appui.
La torture des taureaux suscite une salutaire indignation chez les gens de mieux, continuateurs de ceux qui abolirent les solides traditions du passé faites de superstitions, de cruauté, de mépris des droits de la personne.
Les opposants à la corrida sont présentement majoritaires, mais la classe politique se trouve en décalage avec cette aspiration abolitionniste.
Aussi, les militants de la cause animale, ignorés par les législateurs, manifestent très pacifiquement, mais bruyamment, aux abords ou dans les arènes sanglantes.
Pas une seule agression physique ne peut être reprochée à un quelconque militant animaliste à l’encontre des spectateurs et organisateurs des spectacles de mort.
En revanche, ces militants subissent des coups, des insultes, des menaces de mort innombrables lors de ces démonstrations d’opposition.
Coups de poings, coups de pieds lorsqu’ils sont à terre, femmes frappées, outragées, excitations verbales à les dévêtir, à leur couper un doigt, invitation à tuer un militant au sol et tout ceci en présence de forces de l’ordre dont la mission exclusive est de neutraliser les contestataires de la « tradition ».
Aucun amateur de torture n’a jamais été poursuivi pour violences, appels aux meurtres et au viol, malgré la gravité de ces faits réitérés, dépeints par tous les témoins et enregistrés grâce aux moyens modernes de captation des images.
Quant aux contestataires de la mort spectacle, ils se voient judiciairement inquiétés pour des infractions improbables, jamais poursuivies par ailleurs et laborieusement exhumées par un Etat partial pour les besoins de réprimer, non pas des délits, mais des opinions qui dérangent.
Ainsi, une commune des PYRENEES CENTRALES, MAUBOURGUET, fut le théâtre le 23 août dernier, de ce scandale moral, politique et juridique.
Les protecteurs des animaux vinrent crier leur hostilité à la corrida à l’occasion d’une séance publique de tortures et mises à mort de jeunes taureaux.
Pacifiques, non violents, ces femmes et ces hommes furent victimes d’agressions odieuses de la part des spectateurs, des organisateurs du jeu cruel et des forces de l’ordre, alors qu’eux-mêmes ne frappèrent personne et s’en tinrent à leurs habituels slogans.
L’un des associatifs, victimes des violences, se trouve convoqué devant le tribunal correctionnel de TARBES pour trois infractions désuètes :
- Organisation d’une manifestation non déclarée ;
- Entrave à la liberté du travail ;
- Utilisation d’un mégaphone en violation d’un arrêté municipal.
En France, le principe est la liberté de manifestation. Certes, toute manifestation doit être déclarée par son organisateur préalablement. Elle n’a pas à être autorisée mais peut être interdite par arrêté spécial susceptible de recours devant le juge administratif.
Qui sont les organisateurs de la manifestation, à MAUBOURGUET, le 23 août ?
Ceux qui promurent la corrida de MAUBOURGUET.
Vinrent à cette manifestation, d’une part, des amateurs de sang attirés par la perspective de jouir d’une agonie, et, d’autre part, des opposants à cette torture.
Les uns voulaient se délecter de la souffrance infligée.
Les autres voulaient exprimer leur nausée face à cette barbarie.
Les opposants ne répondaient pas à un mot-d’ordre émanant d’une quelconque officine, mais se mobilisèrent sur les réseaux dits sociaux.
Ils appartenaient à plusieurs mouvements de défense du vivant. Des membres de notre CONVENTION VIE ET NATURE furent présents et reçurent leurs hématomes dispensés par les pro-torture.
Spectateurs critiques, s’il vous advenait, en groupe, d’aller siffler un spectacle quelconque, sachez qu’en vertu du « fascisme de renard » vous pourriez vous retrouver devant un tribunal correctionnel pour avoir conspué une pièce de théâtre, un orateur ou un chanteur.
Le fascisme de renard prohibe la contestation et humilie la fonction judiciaire en la réduisant à n’être que l’auxiliaire d’une répression idéologique .
En 1832, lors de la sortie d’une pièce de Victor HUGO, des incidents se produisirent avec cris et gesticulations, perturbations et organisations de commandos de romantiques contre les classiques. Ce fut la bataille d’HERNANI.
Les « fascistes de renard » y auraient trouvé des occasions de délits caractérisés.
Mais ceux qui frappèrent un ami des bêtes avec une barre de fer, ceux qui arrachèrent les cheveux des femmes et leurs portèrent des coups au visage ne comparaîtront pas devant un quelconque tribunal.
« Selon que vous serez pour ou contre l’arriération, vous serez protégés ou déférés au tribunal correctionnel ».
Ainsi, en 1999, un commando agricole saccagea le bureau de la ministre de l’environnement, Dominique VOYNET, des chasseurs en colère caillassèrent en 2000 le député Vincent PEILLON en baie de SOMME, d’autres chasseurs dévastaient le mobilier urbain de VALENCIENNES en 2008 et des voyous contre nature incendièrent en cet été 2014 un poste d’observation d’oiseaux en Charente Maritime. Les amateurs de corrida brutalisent et blessent leurs opposants en totale impunité !
Quel est ce pays où règne ainsi une criante inéquité ?
Où sont les esprits honnêtes, les consciences éclairées qui sauront distinguer, d’un côté, une indignation morale face à l’abjection de la torture et, d’un autre, des agresseurs brutaux répondant par des coups à des slogans ?
Un pays souffrant d’un fascisme de renard imposé par des groupes de pressions relayés par l’appareil d’Etat accable l’indigné et protège la brute primaire.
On me rapporte que lors d’une altercation, un propagandiste de la torture tauromachique adressa à un abolitioniste cette étrange menace :
«Toi, tu finiras en prison ».
Cette invective prouve qu’entre fascisme de renard et fascisme de lion existe une proximité psychologique.
Certains regrettent explicitement le bon vieux temps du franquisme, de la prison pour délit d’opinion et de l’instrumentalisation du judiciaire pour éliminer les gens de mieux dont l’unique tort est de dénoncer les injustices du temps.
Faisons confiance à la sagacité et à la probité des juges de ce pays pour que les tribunaux ne deviennent pas les complices de règlements de comptes idéologiques.
Le débat entre partisans et adversaires de la mort spectacle relève de la tribune, là où s’affrontent les idées, pas des tribunaux.
A ceux qui menacent de prison leurs adversaires, je réponds :
Vos noms et vos mémoires finiront dans la vaste poubelle de l’Histoire, avec ceux qui défendirent naguère ces traditions autrement séculaires que furent les combats de gladiateurs, les ordalies, les bûchers, le racisme, la traite esclavagiste, l’absolutisme, le bagne et la peine de mort.
La corrida, par-delà les paravents des impostures, fumigènes verbeux, n’est jamais que la torture durant vingt minutes d’un herbivore pour la jouissance d’un public sadique.
Comme ils aimeraient, les nostalgiques du franquisme, que cette vérité ne puisse être énoncée sous peine de prison.
La valeur d’une société comme d’un individu se mesure à leur degré d’empathie.
Gérard CHAROLLOIS