Depuis 1983 et le ralliement de François MITTERAND à la société de Marché, la gauche vit une douloureuse agonie.
Avant 1981 et sa victoire éphémère, elle voulait « changer la vie », offrait l’espérance de plus de justice, de liberté, de défense de la nature.
En mai de cette année-là, un secrétariat d’état à la protection de la nature était créé et confié au regretté Alain BOMBARD que j’ai connu et qui eut la témérité d’annoncer l’abolition de la chasse à courre. Cette audace entraîna son éviction du gouvernement, dès le mois de juin, car à l’ELYSEE, dans l’entourage du président de la république, sévissaient des hommes de l’ombre liés à la mafia cynégétique, hommes qui devaient par ailleurs donner au régime une odeur affairiste désagréable.
En fait de « changement de la vie », le parti dit socialiste promut l’économie de Marché, la rigueur pour les citoyens et les profits pour ceux du « mur de l’argent ».
Les événements actuels représentent l’aboutissement de ce suicide moral et politique de ceux qui n’osent plus affronter leur vrai ennemi, « ennemi masqué, jamais candidat aux élections, gouvernant le monde : la finance ».
En faisant, en moins arrogant, la politique de leurs adversaires conservateurs sans avoir eu l’habileté d’appeler le leader centriste pour accomplir la besogne, ils accréditent le sentiment populaire d’un « tous pareils ».
Le système formellement démocratique interdit l’alternative en proclamant qu’il n’y a pas d’autre choix que le culte servile du Marché, de la compétition féroce, de la concurrence. Le système totalitaire aboutit à vider l’alternance de toute portée pratique.
Celui qui vous dit que son choix est le bon peut être un homme vertueux et de vérité.
Celui qui vous dit que son choix est le seul est nécessairement un homme dangereux.
Après tout, le sort des hommes politiques n’est point l’essentiel, pas plus que l’écume résume l’océan.
Regardons vers les sommets, là où il n’y a pas d’encombrements.
Ce qui est préoccupant dépasse le cadre national et les péripéties subalternes des petites ambitions égotistes.
Le système dit capitaliste, qu’il serait plus juste de qualifier d’économie libérale, correspond à un vice fondamental de l’humain : la cupidité.
Son succès planétaire s’explique par cette parfaite adéquation avec la nature profonde de l’homme.
« Enrichissez-vous » est une devise qui ne peut que plaire et flatter la pulsion d’accaparement irrépressible de l’espèce.
Mais, en amplifiant cette tare, en en faisant un impératif absolu, le système touche à ses limites et prépare la chute.
Point n’est besoin de revenir sur les dégâts considérables infligés à tous les milieux terrestres par l’exploitation frénétique des ressources.
Les moins progressistes des conservateurs admettent l’existence de ces pollutions et de ces déprédations qu’ils tentent de minimiser lorsque leurs firmes et leurs intérêts financiers personnels sont en conflit avec la préservation.
Le libéralisme économique, en maximisant les profits, détruit le vivant, interrompt l’aventure terrestre de l’évolution.
Je voudrais ici, par-delà ces agressions contre la terre, mentionner le malaise éprouvé par les peuples aliénés par la culture « libérale ».
« Enrichissez-vous », dogme des économistes libéraux frustre la plupart des sujets du Marché et laisse un goût d’insatisfaction.
C’est en effet un peu court pour donner un sens à la vie de chacun.
Le système génère des castes et un très petit cercle de privilégiés de la finance qui ne peuvent perdurer dans leurs privilèges qu’en acculturant les peuples via le contrôle des médias.
Il faut donc repenser une société qui atteint ses limites matérielles et morales.
Concrètement, rompant le bourrage de crâne distillé par les médias, propriétés des forces d’argent, disons clairement l’évidence que les entreprises privées, temples des libéraux, n’ont pas pour objectif de créer richesse et emploi, contrairement à l’assourdissante propagande, mais uniquement des profits.
Si le profit passe par un vrai progrès, tant mieux, mais si le profit exige un saccage de la nature, une suppression massive d’emplois, l’abolition des garanties offertes aux salariés par le droit du travail, tant pis.
Le profit est leur horizon indépassable.
Sans profit, une entreprise privée disparaît et il ne convient pas de faire grief aux adorateurs de l’entreprise d’aspirer au profit puisqu’il est l’oxygène de ces entités économiques.
Le parti politique des entreprises privées militera pour la déréglementation du droit de l’environnement et du droit du travail pour « libérer les forces vives » et assurer « une libre concurrence avec les pays esclavagistes ».
Le parti de l’argent et des entreprises sacrifiera les services publics et ceux qui y trouvent un emploi pour accroître les profits, oubliant que l’objectif de tout pouvoir devrait être de satisfaire les besoins des êtres vivants et non le Marché.
J’ai déjà expliqué comment les oligarques de la finance empêchent les peuples de comprendre ces faits par la maîtrise des moyens d’information.
Présentement, observons, à titre d’illustration de cette aliénation, qu’en réponse au mécontentement actuel, au rejet de l’équipe gouvernante, les Français risquent fort d’en revenir aux zélateurs inconditionnels du Marché, de l’entreprise privée, de la déréglementation, ce qui prouve l’efficacité du contrôle des « cerveaux disponibles ».
Cette option régressive ne fera qu’aggraver le malaise civilisationnel contemporain et tournera le dos à l’issue de secours.
Ce qu’il convient de faire :
Reprendre la maîtrise de l’économie, la plier à l’intérêt supérieur du vivant, rétablir une économie mixte avec un secteur «spéculatif, un secteur coopératif et un secteur nationalisé, rendre aux peuples souverains la maîtrise de la monnaie pour un financement autonome du bien public, concevoir une croissance purement qualitative au service du mieux-être et non du profit de quelques parasites sociaux accapareurs.
Revaloriser le travail, moyen d’épanouissement individuel, en en réduisant le temps (semaine de quatre jours), et en offrant à chacun une grande souplesse dans l’organisation de sa carrière professionnelle avec la fin des retraites couperets, la possibilité de cessassions progressives d’activité.
N’oublions pas que le travail de chacun est au service, d’une part de l’usager du service public ou du client et, d’autre part, de celui qui l’exerce et qui doit y trouver une source de réalisation de sa vie.
Les hommes politiques confinent au nauséabond lorsqu’ils veulent réduire les emplois publics, révélant ainsi que, pour eux, les humains ne sont jamais que des variables d’ajustement pouvant être sacrifiés aux intérêts des oligarques de la finance.
Derrière un emploi public, il y a une femme ou un homme qui gagne en une vie de dévouement ce qu’un privilégié du « premier cercle » gagne en un mois d’inutile présence dans les conseils d’administration des firmes.
Mais, ça, vous ne le lirez pas dans votre quotidien, propriété des rois du béton et de l’armement.
Une société nouvelle passera avec la nature un contrat assurant le maintien de la biodiversité et le respect de la sensibilité des animaux.
Une société nouvelle devra congédier la violence, la cruauté, le mépris de l’autre, tout ce qu’ignore ce monde infernal dominé par la pulsion de mort.
Gérard CHAROLLOIS