Si la chasse endeuille nos automnes, comme l’énonçait Marguerite YOURCENAR, nombre de contemporains, bien éloignés de ce loisir, considèrent avec indifférence une activité cantonnée au « rural profond » et pratiquée par une fraction vieillissante et en cours de marginalisation de la population.
Or, la controverse n’intéresse pas que la protection animale, la sauvegarde de la biodiversité, la sécurité des promeneurs pacifiques, les principes démocratiques fondamentaux bafoués par la mainmise d’un lobby sur l’appareil d’Etat.
La chasse est un problème éthique essentiel, touchant aux racines de l’être.
Bien sûr, le fait de traquer un animal, être sensible, de le soumettre à la morsure des chiens, de lui éclater les organes par des jets de plombs, de lui broyer les os par une balle, de le poignarder ou le noyer, comme dans la chasse à courre, constituent des actes de cruauté.
L’acceptation de la chasse implique nécessairement la négation du caractère sensible de l’animal, son abaissement au rang de chose dénuée de tout intérêt légitime à ne pas être soumis à la violence, aux sévices, à la maltraitance.
La chasse se révèle incompatible avec la prise en compte de l’unité profonde du vivant, de la reconnaissance qu’entre l’humain et les autres êtres existent des différences de degrés et non de nature, données acquises depuis la publication de « l’origine des espèces », par DARWIN en 1859.
La chasse représente par ailleurs la négation des préoccupations écologiques puisqu’elle a d’ores et déjà abouti à une artificialisation de la faune. Elle s’exerce sur des animaux d’élevage lâchés par millions pour alimenter le stand de tirs et au détriment des espèces sauvages et en particulier prédatrices, celles qui régulent les équilibres faune et flore.
Pour justifier leur guerre faite aux animaux, les propagandistes du loisir invoquent la prolifération des sangliers, thème complaisamment repris par la presse mais qui condamne plus qu’il ne disculpe la chasse. Car, ce sont les chasseurs qui ont favorisé la présence du sanglier dans des régions où il était naguère absent.
Enfin, le monde de la chasse révèle la médiocrité de la « classe politique » de ce pays qui adopte une indigence morale honteuse face à ce loisir.
Les successifs gouvernants doivent, contre la volonté de l’immense majorité des citoyens, louer le chasseur, lui offrir des avantages et privilèges exorbitants du droit commun.
La France pâtit d’une chasse excessive, mal contrôlée, riche de tolérances, de dérogations, de structures corporatistes aboutissant à une confiscation de l’espace rural et de la faune par une infime minorité, moins de 2% de la population, moins d’un million d’adeptes aujourd’hui.
Ces données sont connues et si souvent exposées par nous et occultées par la presse débile.
Point n’est besoin de développer la cruauté de la chasse contre l’animal, sa nocivité à l’encontre de la biodiversité, la veulerie de certains élus face à un lobby.
Je voudrais évoquer ici ce qui fait de ce loisir un révélateur de l’état d’une société.
Par son rituel guerrier, son recours aux armes à feu, sa banalisation de l’acte de tuer, son apprentissage de l’émoussement émotionnel face à la mort d’autrui, la chasse en dit beaucoup sur l’homme.
Nul n’est impunément chasseur.
Pour l’être, il faut célébrer la mort et l’ériger en activité récréationnelle, détester la vie.
Mort d’un oiseau migrateur, d’un lièvre, d’une biche ou d’un tétras, occasionnellement d’un ours pyrénéen, mort d’un animal qui palpite, aspire à la vie, redoute à l’instar du chasseur pour lui-même, la souffrance.
C’est une école de violence ritualisée, banalisée, ludique et en notre temps sans aucune nécessité vitale.
Qu’il me soit permis de me répéter, mais aussi longtemps que l’homme traitera l’animal comme une chose, il traitera, à l’occasion, ses semblables comme des bêtes.
La chasse a beaucoup à voir avec la guerre, puisqu’elle est une guerre sans risque faite à des êtres sans défense.
Pourquoi certains hommes aiment-ils la chasse, la guerre, la violence ?
Quelle part d’ombre, quelle frustration, quelle haine d’eux-mêmes et d’autrui les animent lorsqu’ils vont transformer un être vivant en cadavre sanglant ?
La force mauvaise qui habite le guerrier et le chasseur existe encore et fait planer sur nos sociétés l’ombre de tous les massacres, de tous les crimes innombrables dont l’homme s’est rendu coupable.
Avec la chasse, condamnons plus qu’un loisir.
Fustigeons l’instinct de mort et la haine de la vie qui trouvent si aisément de bons prétextes pour s’exercer sur d’autres hommes.
Abolir la chasse, c’est abolir à la fois la peine de mort et la guerre.
Utopie ! éructeront les résignés conformistes.
Non, cela pourrait être le monde de demain, au même titre que celui d’aujourd’hui dépasse bien des utopies d’hier.
C’est ici le formidable combat de Eros contre Thanatos.
C’est le combat du biocentrisme contre les aspirations à l’anéantissement d’une vie quelle qu’elle soit.
Gérard CHAROLLOIS
Jacques Saint Germain
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