Une République sous réseaux : la preuve par l'affaire Beynac

L’Europe offre des exemples de démocraties mâtures dans lesquelles les gouvernants se soumettent à l’état de droit et dans lesquelles les peuples exigent une absolue probité des ministres et présidents.
Dans ces pays, les élus ne s’imaginent pas au-dessus des autres citoyens, mais inversement s’imposent davantage de rigueur morale dans la conduite de leur vie publique.
La vie privée doit demeurer opaque pour garantir la liberté. La vie publique doit se soumettre à une transparence totale pour garantir la probité.
Dans une société exemplaire, les dirigeants politiques estiment que leur élection leur confère moins de privilèges que de devoirs.
Une élection ne constitue pas une onction divine des temps de l’obscurantisme. Un élu ne représente qu’une majorité bien relative et souvent bien éphémère.
Et il y a la France, pays quasi monarchique dans ses mœurs !
Ici, il advient que de vrais journalistes, ceux qui font des investigations et qui ne se limitent pas à propager servilement les « vérités officielles », révèlent les dessous malodorants des collusions entre la classe politique et le monde des affaires.
Mais le public n’a pas toujours l’odorat sensible et considère la turpitude comme un mal inhérent à tout pouvoir.
Derrière un projet autoroutier, de grands aménagements ou des projets de carrières, que de compromissions et de conflits d’intérêts !
Méditez sur le scandale de l’A69 et que dire d’un bureau d’études et d’une société d’extraction qui se rencontrent dans le même projet contre Nature, parce que l’un est dirigé par l’épouse et l’autre par le mari !
Que dire de ces maires qui font opiner par leurs amis conseillers municipaux en faveur de projets éoliens dont ils sont bénéficiaires ?
Ils auraient refusé ces lèpres dans leurs paysages si leurs biens fonciers n’étaient pas promis à de juteuses retombées financières personnelles.
En ce pays, les petits intérêts sordides de l’argent roi sont mieux gardés que la biodiversité.
Voici, à nouveau, l’affaire BEYNAC qui restera sans doute dans l’Histoire de la république un édifiant moment.
Résumons pour ceux qui ignoreraient ce feuilleton local.
En Dordogne, un élu local veut passionnément, ardemment et obstinément une déviation routière avec deux ponts de franchissement sur la rivière Dordogne.
Au départ, sa volonté n’a rien d’original ni de scandaleux.
Le 29 janvier 2018, il obtient d’une préfète l’autorisation de réaliser son grand ouvrage et, sans attendre les recours diligentés par les associations de protection de la Nature, conduit à marche forcée son chantier.
Mais le Conseil d’Etat, statuant en référé le 28 décembre 2018, ordonne l’interruption des travaux.
Puis, la justice administrative condamne au fond le projet, en premier degré, en second degré et en cassation par le conseil d’état.
Elle ordonne même la démolition des éléments de travaux hâtivement édifiés.
Par la suite, la collectivité territoriale est condamnée à verser deux millions d’euros d’astreinte, pour retard à démolir.
Il est, hélas, banal qu’un élu local aime le bitume et il ne saurait lui être reproché d’exercer tous les recours juridictionnels pour valider l’autorisation d’asphalter, de bétonner, d’artificialiser, puisque son esprit pâtit d’un formatage à oeuvrer au nom du « désenclavement », du « développement durable » et bien sûr « très écologiquement responsable ».
Les élus locaux ignorent trop souvent l’impératif de zéro artificialisation nette et l’exigence de sauvegarder la Nature.
Donc, rien de dérogatoire aux us et coutumes locales jusqu’à l’arrêt définitif du Conseil d’Etat qui, le 29 juin 2020, mettait un point final à la querelle de la déviation de BEYNAC.
La suite, en revanche, révèle les dessous d’une république bien peu exemplaire.
L’élu veut toujours sa chère route, nonobstant la décision définitive du juge, seul compétent pour dire le droit et trancher les litiges.
Il dépose un nouveau projet, identique à celui censuré par la juridiction suprême.
Et voilà, la classe politique et Emmanuel MACRON en personne, mobilisés pour satisfaire l’élu local.
Le chef de l’état aurait même interrogé une autre élue locale pour savoir ce qu’elle pensait de cette affaire.
Or, il n’y a plus rien à en penser puisque la justice a définitivement tranché.
Mais les prestidigitateurs de la république recommencent et les juristes du ministère sont priés de trouver une astuce pour satisfaire le président du département, un « petit élément nouveau » qui n’existe pas, pour duper le juge ou pour lui permettre de feindre de l’être.
Une enquête publique a eu lieu du 9 juillet au 9 août.
Les avis négatifs, contre la déviation, sont semble-t-il majoritaires, mais qu’importe !
Quel crédit attacher à ces enquêtes publiques ?
Trop d’enquêteurs publics opinent quasi systématiquement pour les projets débattus.
Bientôt, le préfet, qui est le représentant local de l’état, autorisera la déviation que le juge administratif a condamnée.
Voilà qui n’aurait pas lieu dans une république impartiale et qui contraste avec la rigueur morale des sociétés du Nord de l’Europe.
Une décision de justice, dans une république exemplaire, s’impose à tous lorsque les voies de recours ont été épuisées.
La France reste un état féodal avec à sa tête un monarque et des ministres qui semblent, en cette affaire, ignorer ce que veut dire l’autorité de la chose jugée.
Comment tout ceci finira-t-il ?
Le juge aura le dernier mot puisque les associations devront défendre la Nature, l’intérêt général, la dignité de la république bien malmenée par l’état central.
Qu’attendent les politiques en cette pitoyable affaire ?
Peut-être qu’à l’instar de la mentalité de la classe politique, le juge cesse de rendre des arrêts pour ne rendre que des services.
Peut-être, plus cyniquement, que les gouvernants feignent de gratifier un président de département en espérant secrètement que le juge les déchargera d’un refus politiquement embarrassant.
Après tout, les juges ne sont-ils pas là pour être maudits par ceux qui maudissent le droit ?
Chez ces gens-là, on ne sait jamais !
Amis lecteurs, si vous connaissiez le poids et la nuisance des lobbies !
En ce pays, ils font leurs lois, bien souvent, contre le bien public.

 

 

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