La presse relate que lors d’une réunion du « comité grands prédateurs » à MENDE, en présence du préfet de la LOZÈRE, une horde d’éleveurs furieux vint menacer, injurier, molester les fonctionnaires de police qui protégeaient la réunion.
Le préfet crut devoir céder à cette poignée d’excités, bêlant leur haine de la Nature, en autorisant la chasse des loups, au nombre de trois dans le secteur.
Je me souviens qu'en 1980, lors du lancement du parc national du MERCANTOUR, 12 ans avant le retour du loup, avoir attiré l’attention sur les dangers pour la nature d’un soutien public et artificiel d’un élevage ovin de montagne.
50% des revenus de ces éleveurs proviennent de subventions publiques.
Certains, de très bonne foi et bien intentionnés pour la Nature, pensaient que le pâturage maintiendrait des espaces ouverts en montagne et que cela pourrait être profitable pour la biodiversité.
Mon avis était que le bilan global serait négatif pour la Nature, les inconvénients l’emportant sur les avantages écologiques.
D’abord parce qu’il faut laisser la Nature en libre évolution et que si le devenir des milieux est un reboisement, il faut s’en réjouir.
Le pâturage deviendrait vite un surpâturage préjudiciable pour la végétation, les sols et la santé des animaux tant ceux d’élevage que de la faune par le risque avéré et réalisé d’épizooties.
Surtout, je connais trop l’hostilité viscérale de certains individus pour la Nature et la pusillanimité des décideurs face aux milieux agrocynégétiques.
Pour eux, tout est profit, « gibier » ou « nuisible ».
La Nature doit être domestiquée, exploitée, anthropisée partout et systématiquement : pas de place pour les espèces sauvages.
Le problème est culturel.
Que pense cette frange agrocynégétique ?
« Nos ancêtres ont combattu la nature pour la dominer et nous devons poursuivre une approche destructrice. Ils ont anéanti le loup et pas question de le laisser revenir ».
Ici contre le loup, ailleurs contre l’ours ou le lynx, partout contre le renard, ces hommes virilistes poursuivent leur guerre d’extermination, d’aseptisation de la Nature.
Le politiquement correcte, donc lâche, veut que cela ne se dise pas.
On feint de mettre sur le compte des préjudices matériels et économiques, les gesticulations contre les loups, les ours, les lynx et tout le reste.
Or, la question n’a rien de social ou d’économique.
Mais, me dira-t-on, ces éleveurs perdent des moutons du fait de la prédation par la faune ! Vous devriez les comprendre car ce sont des pertes de revenus outre, au-delà des indemnisations publiques généreuses, un stress face aux attaques de troupeaux.
Il faut savoir qu’en Italie et en Espagne vivent des milliers de loups et des éleveurs de moutons, nous ne rencontrons pas des nervis excités pour attaquer les préfectures, les mairies et les réunions de concertations.
Comment font les éleveurs de moutons dans les Abruzzes en Italie et dans le parc national de Picos de Europa en Espagne ?
Pour élever des moutons, des chèvres, des poules ou tout autre animal domestique et concilier cet élevage avec la pérennité de la biodiversité, il suffit, durant la nuit, de les rentrer à l’abri des prédateurs et des intempéries.
Le renard (je l’expérimente depuis trente ans) n’ouvre pas la porte d’un poulailler et le loup celle d’une bergerie.
Mais nos éleveurs en colère refusent culturellement de s’adapter à la présence heureuse des grands prédateurs.
Ils ne veulent pas instaurer les pratiques d’élevage de leurs collègues Italiens et Espagnols.
Ils laissent leurs troupeaux sans protection nocturne.
Et surtout, ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient accepter la présence de loups que leurs ancêtres firent disparaître.
Si la France possédait une classe politique et un corps administratif responsables, l’Etat tiendrait un langage pédagogique face aux délires contre nature de certains agrocynégétiques.
Mais ce pays souffre du syndrome de la tourterelle du MÉDOC.
Je décris ici le symptôme du mal.
Dans les années 1980, le conseil d’état ayant annulé les arrêtés ministériels qui autorisaient la chasse en mai des tourterelles des bois migratrices dans le MÉDOC, les préfets de Gironde, les successifs ministres de l’intérieur, des cohortes de petits élus locaux tolérèrent le braconnage redoutant que l’application du droit mette la région à feu et à sang.
Les 2.000 adeptes de ces tirs de printemps s’organisaient en pseudo-commandos, barrant les routes et en appelant en termes colorés à la révolution au nom des « traditions ».
Ce sont les associations (merci ami Allain BOUGRAIN-DUBOURG) qui durent se substituer à l’ÉTAT défaillant pour faire dissoudre ces groupements de braconniers et faire appliquer la loi.
Qu’en résulta-t-il ?
Une insurrection dans le MÉDOC ? Une marche sur BORDEAUX des fusillots enragés ?
Rien, un langage clair, ferme et pédagogique vient à bout de bien des erreurs.
Le malheur de ce pays ne tient pas à son infime minorité de tartarins hauts en couleurs qui jouent aux guerriers pour tuer de pauvres animaux, mais à une classe de décideurs médiocres persuadés que rural est synonyme d’arriéré.
Or, les populations des campagnes ne sont ni meilleures, ni plus mauvaises que celles des villes.
Comme l’énonçait un humoriste lors de la guerre de la tourterelle : « Tout Médocain n’est pas un médocon ».
Alors, messieurs les ministres, préfets et autres sénateurs, cessez d’insulter le peuple qui vaut mieux que cela, ce peuple qui à 80% veut le retour du loup.
Gérard CHAROLLOIS