Pour un état impartial ou tout simplement honnête

 J’ai toujours vénéré ces hommes du passé qui, dans l’oubli de leur confort et de leurs intérêts, se sont exposés aux foudres des pouvoirs pour atteindre une société plus humaine, plus douce, plus apaisée, une société fondée sur la raison et le respect des droits et libertés.
Avec l’âge, j’ai appris que cet idéal n’est qu’un horizon vers lequel il faut marcher en sachant qu’il est inaccessible.
La France et l’Europe d’aujourd’hui sont-elles des états de droit, des démocraties impartiales ?
Hélas, des lobbies tirent les ficelles de marionnettes politiques lâches et médiocres et les décideurs administratifs privilégient trop souvent l’ordre inique sur la justice et l’état de droit.
Pensons à la cellule Demeter de la gendarmerie mise en place par un ancien ministre de l’intérieur pour obéir aux injonctions de la FNSEA aux prises avec de redoutables végans, les successifs arrêtés illégaux pris par le ministère de l’écologie pour couvrir le braconnage malgré plusieurs annulations d’arrêts identiques précédents par les juridictions administratives, aux détournements massifs de fonds publics en faveur de la bastille chasse, à la partialité de trop d’élus et de hauts fonctionnaires en mal de carrièrisme au service des intérêts économiques au détriment des intérêts du vivant.
Que valent les enquêtes d’opinion publique qui révèlent que 80% des Français veulent des dimanches sans chasse, la protection des loups, l’abandon des néonicotinoïdes et du glyphosat ?

Je ne reviendrai pas sur le pusillanime rapport des sénateurs pro-chasse saisis d’une pétition de 122.000 personnes pour plus de sécurité face à la chasse et qui, en réponse, rêvent de pénaliser « l’entrave à la chasse ».
Ces sénateurs ont toutefois osé proposer que le taux d’alcoolisation prohibé pour la conduite automobile soit à l’avenir appliqué aux porteurs de fusils.
Scandale dans la féodalité cynégétique, désormais sociologiquement marginale, habituée aux génuflexions veules des politiciens !
Comment oser insinuer qu’un chasseur pourrait consommer de l’alcool ?
Un automobiliste, oui, c’est potentiellement un ivrogne dangereux lorsqu’il tient son volant, mais un chasseur qui promène son fusil est un seigneur intouchable !
Une automobile est dangereuse, pas une arme à feu et un chasseur est un sage abstinent, toujours sobre.
Il y a des parlementaires pour délirer sur ces thèmes et regretter l’audace irrévérencieuse de leurs collègues.
Les sénateurs ont ainsi manqué de respect à sa majesté cynégétique.
Le président de la république, monarque électif dans nos institutions d’un autre âge, laissera-t-il passer cette offense à son ami, le grand chasseur en chef ?
Mais si la chasse illustre jusqu’à la caricature les dérives népotiques et corrompues de la république, j’en rencontre bien d’autres variantes.
Tous les hommes politiques et décideurs se gargarisent d’écologie.
Ils parlent d’or et agissent de plomb.
L’argent passe avant la vie et les intrigues des intérêts l’emportent sur le bien public.
Pour le climat, pour la biodiversité, il est urgent d’ordonner un moratoire sur ces grands travaux qui déménagent la Nature.
Effrayant ce qu’un kilomètre de route tue d’amphibiens, de reptiles, d’oiseaux, de petits mammifères !
Il est temps d’arrêter le massacre des innocents.
Une affaire clochemerlesque, en Périgord et non en Beaujolais, agite l’opinion et occupe périodiquement les médias.
Le président du département de la Dordogne veut tracer une nouvelle route dans la vallée de cette belle rivière pour dévier la circulation d’un village historique, BEYNAC.
Les protecteurs de la Nature locaux, dont la Sepanso entre autres, s’opposèrent à ce projet d’infrastructure au nom de la préservation du site et de la biodiversité.
Autorisé par un préfet, le chantier débuta et le président du département, très pressé de mettre le juge administratif devant le fait accompli, poussa le chantier.
Les travaux furent interrompus par une décision du conseil d’état statuant en référé.
Puis, les juridictions annulèrent l’arrêté préfectoral et ordonnèrent la démolition du chantier entrepris trop hâtivement.
Bien que cette décision définitive remonte à décembre 2019, le président du département refuse d’exécuter l’arrêt de la cour administrative de Bordeaux, validé par un arrêt du conseil d’état.
Il dépose un nouveau dossier auprès du préfet pour obtenir, en violation criante de la chose jugée, l’autorisation d’achever un chantier dont la justice ordonne la démolition.
Que croyez-vous qu’il arriva ?
Si, inversement, un arrêt de justice approuvait un ouvrage quelconque, une déviation, par exemple, et qu’une association de protection de la Nature déposait un dossier étayé entre les mains d’un préfet pour contester l’ouvrage, celui-ci répondrait poliment, en cinq lignes, qu’une décision juridictionnelle a tranché une fois pour toute, au fond, le litige et qu’il ne lui appartient pas de réformer un arrêt.
Or, le préfet de la Dordogne instruit la requête de l’homme politique depuis quatre mois.
À ce stade, je ne ferai pas grief au préfet d’ignorer la chose jugée puisqu’il n’a pas pris de décision, mais l’évidence de la réponse trop différée crée un malaise.
Dans ce dossier, il n’y a qu’une pièce qui vaille : l’arrêt des juges, tout le reste n’est que fumigène : des embarras bien relatifs de la circulation dans un site touristique au mois d’août, de modestes falaises à consolider !
Que valent, d’une manière plus générale, les décisions de justice face aux influences de lobbies et notabilités, potentats et réseaux ?
Ami lecteur, si les cours te donnent tort et que tu as épuisé toutes les voies de recours, toute autorité administrative, tout juriste consulté t’exposeront qu’il n’y a plus rien à faire et que nul ne peut contrevenir à un arrêt définitif.
Tu es citoyen d’un état de droit.
Dans un état de droit, les tribunaux disent le droit.
Ainsi, la volonté démocratique, les avis scientifiques, les arrêts des cours de justice pèsent bien peu face aux groupes de pressions.
Il a fallu des centaines de décisions des juridictions pour contraindre l’état à réduire le temps d’ouverture de la chasse de quelques semaines.
Combien de victimes faudra-t-il pour abolir la chasse, au moins le dimanche ?
Combien de rapports du GIEC faudra-t-il pour contenir la boulimie de bitume et de béton de certains élus locaux et des promoteurs insatiables ?
Le problème est que ce pays compte des féodalités, des bastilles, des centres d’intérêts puissants bien relayés dont il vaut mieux ne pas contrarier les exigences pour faire carrière, pour ne pas déplaire, pour ne pas affronter des corporations, des copinages et relations trop influentes.
Alors, notre temps attend ses Condorcets et de sages révolutionnaires pour marcher résolument vers un horizon démocratique, impartial, un état honnête où aucune injustice ne saurait prévenir un désordre.
Les banlieues sont des zones de non-droit.
Sans doute, mais que dire du rural profond ?
Oui, la maison brûle mais les incendiaires au nom de la chasse, des pesticides agricoles, des grands travaux inutiles attisent le feu.

Gérard CHAROLLOIS

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