Le sénat, riche de notables conservateurs, rend un rapport sur la chasse.
Il avait été saisi d’une pétition générée par des jeunes amies de Morgan KIM tué accidentellement chez lui par un chasseur, dans le LOT.
Belle innocence de la jeunesse qui ignore ce qu’est le sénat !
Cette chambre conservatrice est la chasse gardée des lobbies les plus archaïques.
Rien ne pouvait sortir de bon de personnages connus pour leurs idées très réactionnaires.
Après diverses auditions des pétitionnaires et d’animateurs associatifs ou inversement cynégétiques, ces sénateurs exposent le fruit de leurs travaux dont l’amertume était plus que prévisible.
Ils commencent par donner un gage au lobby en érigeant en délit (et pourquoi pas en crime ?) ce que ces gens-là appellent « l’entrave à la chasse ».
Il convient tout d’abord de s’interroger sur une telle infraction.
Que veut dire entraver la chasse ?
Où finit la critique du loisir de mort, la manifestation publique de l’opinion abolitionniste et où commence le délit d’entrave ?
Le 3 juin 2010, le gouvernement FILLON (vous savez l’amateur de chasse et de courses automobiles) créait déjà une contravention d’entrave à la chasse, infraction qui ne semble pas avoir rencontré un grand succès en jurisprudence.
Les sénateurs délirent fort en proposant de punir de peine d’emprisonnement, à l’instar du vol, de l’abus de biens sociaux, la manifestation d’hostilité à la guerre sans honneur faite à la Nature.
Ils confinent au ridicule.
Sauf à supposer que des militants opposants à la chasse, par définition pacifiques et non violents, agressent physiquement des chasseurs, je ne conçois guère la possibilité pour un tribunal de sanctionner « l’entrave à la chasse » si elle n’est qu’une manifestation publique d’opposition.
Une telle incrimination se heurterait à des normes juridiquement supérieures.
Ainsi que je le soulignais en 2010, la chasse devient la seule activité de loisir et récréationnelle au monde à rechercher une protection spécifique auprès de ses servants politiciens.
Aucun sport, aucun spectacle ne bénéficie d’une telle mesure liberticide.
Or, les jeunes filles qui avaient saisi le sénat voulaient que cessent les homicides générés par la chasse, que des jours sans chasse soient institués, que des distances de tirs aux abords des habitations soient édictées.
Yannick JADOT et Jean-Luc MELENCHON préconisaient des dimanches sans chasse.
Réponse des politiciens du sénat : il faut protéger les chasseurs par un obscur délit d’entrave à la chasse et non leurs victimes !
Combien de chasseurs ont-ils été tués, blessés, mutilés, violentés par des non-chasseurs ?
Ah, si le ridicule pouvait tuer !
Par-delà cette aberration juridique, les sénateurs ne proposent ni jour sans chasse, ni distance de tirs pour la protection des habitations, Ni aggravation des sanctions pour chasse sur le terrain d’autrui et violation du droit de propriété par les chasseurs.
Ces politiciens suggèrent pusillanimement de mieux former les chasseurs à la sécurité, de leur interdire la chasse en état d’alcoolisation et de les soumettre à un examen d’aptitude physique.
Attention, amis lecteurs, tout ceci n’est pas loi.
Ce n’est qu’un rapport et les ultra-réactionnaires à l’assemblée nationale, pas nécessairement majoritaires, ne parviendront sans doute pas à imposer le stupide délit « d’entrave à la chasse », texte inapplicable.
Je l’ai souvent écrit, au risque d’ulcérer le chasseur inconnu : la chasse est un loisir d’essence ultra-réactionnaire.
Non, je ne dis pas que tout chasseur émarge à l’idéologie autoritaire, ultra-réactionnaire, brutale et méprisante des droits et des libertés.
Nombre de chasseurs agissent par habitude, par mimétisme, parce que leurs pères le faisaient.
Cette force de l’habitude crée une accoutumance et dispense d’examiner de manière critique le fond du problème.
La chasse est d’essence ultra-réactionnaire en ce qu’elle banalise l’acte de mort, qu’elle implique l’amour des armes à feu, des rituels quasi-guerriers, du goût de la domination, de la possession, de la soumission de ses victimes : « le gibier ».
C’est une école d’appréhension du vivant sous une forme de préemption de la vie, certes animale, mais de la vie tout de même.
C’est la mort érigée en simple jeu, en pur loisir et ainsi banalisée.
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que les options politiques, morales, sociologiques se recoupent et discriminent les hommes face à cet acte de mort.
Les soutiens à la chasse s’accroissent avec la dérive réactionnaire des individus et le sénat conservateur nous en offre ici une édifiante illustration.
Non, tout chasseur n’est pas fasciste et il y en a pour récuser la violence, mais la dose réactionnaire d’un politique peut se mesurer à son positionnement par rapport à la chasse ou à la tauromachie (viva la meurte)..
J’entends un lecteur m’approuver tout en s’inquiétant de voir un leader prétendument de gauche faire présentement l’apologie de la chasse.
Ami, relis l’Histoire est tu verras que certains leaders que l’on croyait de progrès ont bien mal fini !
Sans doute qu’eux aussi n’étaient pas contre la chasse.
Comme l’écrivit LAMARTINE : « l’homme n’a pas deux cœurs. Un pour l’animal et un pour l’homme. Il en a un ou n’en a pas ».
Hélas, le respect de la vie et la compassion pour toute souffrance n’habitent pas l’esprit de tous les humains.
Il y en a trop pour écraser l’humble, le faible, le fragile « le gibier » !
La chasse est en politique ce qu’est le réactif pour le chimiste.
Elle révèle les bien mauvais sentiments.
Ce loisir n’est pas réformable. Il est incompatible avec les valeurs d’un véritable humanisme impliquant l’empathie envers tout être souffrant.
La chasse doit être abolie.
Et le sénat conservateur tout autant !
C’est un impératif moral, écologique et désormais démocratique, car nous sommes majoritaires.
Malgré l’incrimination de l’entrave à la chasse, la vie et la liberté de pensée et d’expression seront toujours défendues par les gens de mieux.
Gérard CHAROLLOIS