Lorsque j’avais 11 ans, je me souviens que dans la cour de récréation, nous substituions aux guerres entre cowboys et Indiens des affrontements entre montagnards et girondins (oui, on faisait de l’Histoire) et Américains contre Russes (soviétiques à l’époque).
J’étais Américain.
Je ne suis plus en âge de jouer à ces jeux puérils, hélas, et une vie d’études m’a appris toute la complexité du monde et plus encore de l’esprit humain.
A l’école nationale de la magistrature, le professeur de psychiatrie BENESECHE classait les pathologies mentales selon la nomenclature du temps en une simple formule : « Nous, les névrosés ».
Chaque époque génère ses pathologies collectives que les malades, plus vulnérables, traduisent en symptômes majeurs.
Nous n’assistons plus à la grande hystérie théâtralisée à la Salpêtrière au 19ème siècle par CHARCOT.
Nous vivons le temps de la paranoïa, c’est-à-dire de l’idée délirante, syndrome favorisé par le flot d’informations dont les cerveaux se trouvent gavés.
Incapables de faire le tri, les esprits s’embrouillent et l’onirisme flambe.
Que surviennent une pandémie, une guerre, un cataclysme, les plus vulnérables quittent la route et sombrent dans cette paranoïa ambiante.
Les juifs, les francs-maçons, les américains, telle ou telle société secrète, aussi mystérieuse qu’omnipotente et malfaisante, empoisonne et stérilise les gens, surveille tout le monde, veut nuire à tous dans des desseins sataniques, pédophiliques ou autres horreurs.
Le philosophe Michel ONFRAY a décrit ce phénomène dans un petit livre sur le syndrôme de DON QUICHOTTE.
Le héros de CERVANTES prenait les moulins à vent pour des géants à combattre.
Pour l’humain victime d’une « névrose paranoïde », le réel, les faits et l’objectivité disparaissent au profit de l’imaginaire, du fantasme sensationnel.
L’esprit se déconnecte de l’objectivité du monde.
Quand bien même l’idée est absurde, fantaisiste et manifestement contraire à l’analyse logique, elle devient vérité religieuse accessible aux seuls initiés, ceux qui savent ce que l’on cache à tout le monde.
"Les écologistes lâchent des vipères par hélicoptère.
Les gouvernants dispersent des produits stérilisants dans les moteurs d’avion.
Les vaccins contiennent des puces électroniques permettant de suivre les gens qui deviennent tellement importants que les maîtres du monde doivent s’assurer à chaque instant de leurs faits et gestes.
Tel laboratoire met au point une arme biologique destinée à tuer les seuls citoyens d’une nation sans affecter les autres humains".
L’assassin, l’agresseur apparent devient la victime et ses victimes se muent en coupables.
DON QUICHOTTE est parmi nous.
Les moulins à vent ne sont pas des moulins à vent et on nous cache tout, ce sont des géants.
Le réel n’a pas lieu, ce n’est qu’un mirage, un mensonge.
Ce qui est n’est pas.
Que de travail pour nos experts en science du cerveau !
Mais au fond, la société consumériste ne trouve-t-elle pas son compte à laisser proliférer le délire ?
Pendant que les braves gens un peu marginalisés accusent les juifs, les francs-maçons ou les Américains d'une coterie secrète pédophilique de projets sataniques, l’exploitation du monde prospère.
Donner en pâture de l’irrationnel interdit d’analyser objectivement et sérieusement les blocages, injustices, crimes contre l’arbre, l’animal et l’homme.
Un doux rêveur, fut-il décalé, marginal, réfractaire ou délirant, inquiètera moins l’ordre injuste qu’un esprit lucide qui sait que le réel a lieu et qu’il faut le changer.
Pendant que DON QUICHOTTE attaque les moulins à vent, il ignore les maux du temps.
Un bon névrosé ne fait pas peur aux pouvoirs.
Il baigne dans son délire sectaire et ne fera jamais la révolution nécessaire.
En cela, oui, il y a bien manipulation non pas du réel mais de sa perception par les « décalés » pour reprendre une terminologie sociologique.
La révolution nécessaire est celle qui mettra le vivant au centre des valeurs et qui récusera la chasse et la guerre.
Toutes les guerres, celle des USA contre l’Irak en 2003 que je fustigeais dans mes chroniques du temps, celle du dictateur POUTINE contre l’Ukraine en ces jours de deuil, je les condamne sans réserve.
Rien ne justifie que l’on tue et l’assassin, quel qu’il soit, reste un assassin.
La fin ne justifiant jamais certains moyens, celui qui use du meurtre nie la primauté de la vie.
Ami lecteur, va toujours aux faits avant d’opiner « pour » ou « contre ».
Garde-toi de l’esprit de système qui dicte a priori ton jugement.
Les faits sont têtus et donnent toujours tort à ceux qui les ignorent.
Que de brillants intellectuels se sont fourvoyés au siècle précédent, fascinés, les uns par le fascisme, les autres le soviétisme ou maoïsme !
Que de crimes cachés sous le tapis de l’adhésion obstinée !
Pour sauver la vie, il faut d’abord connaître, comprendre les faits et agir en conséquence.
A propos : la France possède un président qui veut confier la faune à l’infime minorité des chasseurs.
Et ça, ce n’est pas DONQUICHOTTESQUE, hélas !
C’est le réel.
Gérard CHAROLLOIS