Biosphère et écologie politique : la survie de notre espèce est devenue une lutte sociale




Un point de vue sur notre destinée collective par Yves DACHY - entomologiste, Président d’une association de naturalistes et militant anticapitaliste.
20 juillet 2014
« Il faut d’emblée poser la question : que voulons-nous ? Un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature ? Il vaut mieux tenter de définir, dès le départ, pour quoi on lutte et pas seulement contre quoi. »

1. Des violences de la nature et de la chance

Limités par des caractères élaborés en coévolution avec les autres espèces, l’environnement solide, les eaux et l’atmosphère, et confrontés à des cataclysmes bouleversant la biosphère à de nombreuses reprises, les mammifères occupent aujourd’hui la seule planète habitable du système solaire [2]. Vulnérables mais chanceux, nos ancêtres ont résisté à de nombreuses convulsions de la nature depuis la fin du Cambrien (il y a 545-500 millions d’années), période marquée par l’apparition des Chordés, ancêtres des Vertébrés d’où se sont dégagés les mammifères. Depuis lors, cinq crises environnementales graves se sont déroulées, avec des événements paroxystiques où notre lignée a frôlé la disparition à au moins deux reprises : il y a 245 et 66 millions d’années.

L’installation de l’homme sur Terre ne fut pas un jeu d’enfant !

Dans les huit derniers millions d’années, une crise climatique transforma l’Est africain en savane à la suite d’une modification du régime des moussons. Ce changement climatique local réduisit numériquement la population pré-humaine. En plus de la perte d’un couvert arboré, ils étaient confrontés à un mode de vie dangereusement précaire. La recherche d’une nourriture suffisante et la défense contre les prédateurs appelaient de nouvelles adaptations. Étalée sur des milliers d’années, la réponse fut un développement du cerveau, une bipédie adaptée à la marche et à la course, unique chez les Primates et remarquablement économe en énergie, une disposition du système veineux dans les pieds facilitant à chaque pas le reflux du sang vers le cœur, une denture omnivore et une position du buste et du trou occipital favorisant l’observation de l’environnement et le repos des muscles du buste et des cuisses en position debout. Nous, Primates, étions devenus définitivement bipèdes en libérant nos bras pour de nouvelles activités.

À ces transformations biologiques et morphologiques se sont ajoutés l’apprentissage d’armes et d’outils nouveaux ainsi que l’invention d’un langage support de culture, de mémoire et de diffusion des connaissances. Ces événements, où une pression de sélection agissait au quotidien, ont permis de nouveaux progrès qui allaient se diversifier. Citons sommairement : découverte de nouvelles ressources alimentaires et de techniques pour y accéder comme le bâton à fouir pour la recherche des tubercules, invention de techniques de pêche, fabrication de paniers et de sacs, usages techniques et plus seulement alimentaires de matières d’origine animale (peaux, tendons, os), chasse et défense collectives, divers usages du feu qui fut une grande découverte technologique de l’humanité, organisation tribale, et peut-être, déjà, les premières constructions défensives contre les prédateurs et les intempéries. Dans le dernier million d’années, nos ancêtres procédaient à des actions symboliques ou économiques comme enterrer leurs morts, porter des bijoux et se farder, échanger des marchandises.

Au bout de cette évolution sociale, notre espèce avait opéré une rupture majeure avec la prééminence de l’inné sur l’acquis, en accroissant nos capacités cognitives et nos facultés d’apprentissage. Désormais, les grands prédateurs, cauchemars de nos ancêtres, avaient des raisons de se détourner de nous. Mais surtout, nous avons évité le piège de la spécialisation dans une niche écologique. Cette démarche aurait été une impasse, comme c’est le cas pour les autres hominidés récemment disparus ou actuellement vivants : chimpanzés, bonobos et gorilles, réfugiés dans des forêts qui rétrécissent sous l’action de cet autre hominidé : l’homme !

Il s’en suivit un nouveau choc évolutif qui conduisit à des comportements sociauxannonçant les civilisations à venir. Pour la première fois, des hommes se rassemblaient au-delà des familles et formaient des groupes organisés et armés, occupaient des sites annonçant l’apparition des villes, fabriquaient des armes de jet plus efficaces, inventaient des pièges, disposaient de spécialistes fabricants d’outils et d’une hiérarchie organisant les activités sociales. Ces progrès, qui ont joué sur des milliers d’années, ne sont pas tous clairement datés par les archéologues, mais présentent l’enchaînement des événements qui se sont succédé sur deux millions d’années, avec une nette accélération dans les 100.000 dernières années. Notre espèce est d’apparition très récente. Connue depuis près de 120.000 ans en Afrique (35.000 ans en Europe), Homo sapiens a émergé d’un buissonnement de variétés (les Néanthropiens) dont certaines ont subsisté jusqu’à nos jours, possibles surgeons pour de nouvelles espèces si sapiensne s’était pas étalé sur les continents en commençant un brassage des populations dans les derniers millénaires.

Avec désormais des capacités cognitives comparables à celles de l’homme contemporain, nous étions prêts pour une aventure sociale décisive : la conquête de la planète !

Marcher et penser

Quittant leur berceau africain, plusieurs migrations successives sont arrivées au Moyen-Orient, porte ouverte vers l’immensité de l’Europe et de l’Asie. Des groupes devenus sédentaires ont développé il y a environ 12.000 ans la domestication de plantes et d’animaux (blé et mouton notamment) dans la région que les archéologues nomment le « Croissant fertile » aux alentours du Tigre et de l’Euphrate (actuel Irak).

Le sorgho fut probablement la première graminée sauvage exploitée en Afrique de l’Est depuis 100.000 ans, et plus récemment domestiquée. Mais la grande trouvaille fut la domestication du blé (une graminée), qui n’a cessé d’augmenter le rendement de ses récoltes. D’autres groupes humains réussiront en Chine la domestication du riz (une autre graminée), puis du maïs en Amérique centrale (encore une graminée). Aujourd’hui, 75 % de la nourriture repose sur la culture de plantes modifiées par les pratiques culturales, et quatre d’entre elles (blé, riz, maïs, sorgho) sont les principales sources de l’alimentation humaine.

Ingénieux, nous devenions capables d’aborder la diversité des climats, de l’équateur au cercle arctique. La capacité de stocker des ressources alimentaires et de les protéger des parasites permit une sédentarisation favorisant un accroissement de la population, source de nouvelles migrations. En diversifiant nos territoires, nous cessions d’être menacés en tant qu’espèce par une crise locale, comme ce fut le cas pour la civilisation minoenne en Méditerranée, brisée par des séismes, des éruptions volcaniques et des invasions il y a 3.000 ans. De même, les pasteurs du grand Sahara, qui fut humide et verdoyant, chassés par la désertification durent se réfugier près des côtes environ 5.000 ans avant notre époque.

Nous venions de gagner un nouveau combat par notre capacité de résister aux crises écologiques, épidémiologiques ou climatiques en nous étendant sur plusieurs continents. Notre espèce était devenue pérenne et résistante à des crises et à des particularités régionales parfois extrêmes (volcanisme, désertification, environnement glacial) qui ne pouvaient plus menacer la totalité de notre espèce. Elle montrait aussi des capacités de modifications physiologiques comme l’adaptation à l’altitude par modification des caractéristiques sanguines des montagnards des Andes et des plateaux himalayens.

Une assurance vie : la sédentarisation

Passé l’état incertain de chasseurs-cueilleurs, les groupes humains n’étaient plus des êtres faibles et mal armés, grappillant leur nourriture et craignant encore les prédateurs aux crocs blancs. Nous devenions capables de développer une activité agricolecollectivement planifiée, ce fut la révolution néolithique, premier âge des cultivateurs et puissant facteur de sédentarisation. Cette nouveauté s’est transmise lentement à l’ensemble de l’Europe et du reste du monde avec le même résultat : une augmentation de la productivité du travail et une meilleure garantie de sécurité alimentaire et sociale. Pour la première fois, une répartition des ressources, la constitution de provisions et une protection collective des femmes gestantes, des malades et des blessés étaient possibles. C’est alors qu’apparurent les premières guerres pour s’approprier le produit du travail d’autrui, conflits impossibles quand les chasseurs-cueilleurs consommaient au jour le jour le produit de leurs collectes. Jusqu’au début du XXe siècle, il existait encore des groupes de chasseurs prénéolithiques notamment en Asie, Australie et Amérique du Sud. Avec l’accès à la propriété d’objets et de territoires convoitables, des guerres ont subsisté jusqu’à nos jours. Aux XIXe et XXe siècles, les habitants de la Tasmanie ou de l’extrême Sud argentin, par exemple, qui ne connaissaient pas les métaux, furent décimés jusqu’au dernier par les arrivants d’origine européenne.

En Europe, notre lignée retrouva son cousin Homo neandertalensis dont nous avions divergé vers 700.000 ans. Avec d’autres hominidés récemment éteints en Europe de l’Est, les archéologues ont trouvé des indices de cohabitation entre néandertaliens etsapiens, dont il subsiste des traces lisibles dans notre ADN. L’homme de Neandertal disparut dans le contexte de la dernière glaciation, sans qu’on sache s’il fut victime du retour d’un climat tempéré ou d’une confrontation avec Homo sapiens.

Aboutissement d’une longue évolution ponctuée de crises dangereuses, notre espèce, survivante et seule, se voyait confier le destin d’une planète luxuriante qui l’avait générée, pour le meilleur et pour le pire.

Une Terre sous influence

La ronde presque circulaire de la Terre (saisons peu marquées) autour de son étoile et la faible inclinaison de son axe (bonne répartition de l’énergie solaire) font de notre planète un astre idéal pour la stabilité des biotopes. Un Soleil régulier à longue durée de vie comme 60 % des étoiles, gravitant loin du trou noir central dans une zone tranquille, à égale distance de deux bras denses et tumultueux de la galaxie, permit que la planète ne subisse pas d’intenses chocs thermiques, électromagnétiques ou gravitationnels.

L’étoile la plus proche du système solaire, Proxima Centauri, est une naine rouge (12 % de la masse du Soleil) située à la distance respectable de 4,22 années-lumière du Soleil. Elle ne deviendra pas une géante rouge, n’explosera pas et s’éloignera du système solaire dans 33.000 ans. Aucun astre observé dans notre environnement galactique ne se dirige vers le système solaire. Aucun nuage de poussière et de gaz ne se trouve à proximité du Soleil. Les astronomes ont beaucoup de garanties qu’aucune influence dangereuse d’origine galactique ne viendra interférer avec le système solaire dans les millénaires à venir. Pour toutes ces raisons exceptionnelles, notre espèce est parvenue à son état actuel.

Désormais, des modifications graves affectant la surface de la planète – à l’exception de désastres naturels localement catastrophiques – ne pourront avoir qu’une origine anthropique ! Cela conforte la nécessité d’une organisation sociale internationale et internationaliste en opposition totale aux ravages capitalistes.

La vie en société favorise des évolutions et des révolutions

Dans cette deuxième décennie du XXIe siècle, la mince pellicule gazeuse qui nous héberge présente une température moyenne annuelle proche de 15°C au niveau de la mer, température moyenne qui fut brusquement modifiée en hausse au XXe siècle par les émissions carbonées de gaz à effet de serre. Elle garantit une large bande tempérée humide dans chaque hémisphère, où 70 % de la surface continentale de la planète est défrichée, cultivée, urbanisée. Les gaz de l’atmosphère arrêtent la plupart des rayonnements solaires, notamment ultraviolets, ainsi que les rayons cosmiques très énergétiques. Ces émissions dégradent l’ADN, favorisent les mutations délétères des cellules (cancers) et accélèrent le vieillissement des individus. Notre atmosphère assure une météorologie globalement favorable à l’agriculture sur la majorité des terres émergées et cultivables. Elle garantit une espérance de vie compatible avec l’établissement de sociétés humaines capables d’évolutions culturelles et technologiquessur des millénaires.

Nous ne sommes pas la seule espèce animale vivant en société, mais nous seuls pouvons opérer des choix idéologiques ou des modifications comportementales qui s’expriment périodiquement dans des révolutions technologiques et sociales.

Nous sommes aussi la seule espèce capable de mener des guerres intraspécifiques (qui ne concernent que notre propre espèce), avec de terribles ravages pour la biosphère et nous-mêmes ! L’acquisition d’un cerveau pensant nous a offert des possibilités d’agir sur la nature, et sur notre nature. Longtemps soumis passivement aux lois de la nature que nous ne comprenions pas, nous sommes passés, en quelques millénaires, sous le joug de comportements et de directives édictées par des minorités privilégiées, politiques, religieuses ou militaires, généralement alliées pour la défense de leurs privilèges. C’est malheureusement à travers ce filtre que s’est anthropisée et socialisée la dimension animale de notre espèce. Depuis Hiroshima, Nagasaki et des centaines d’essais nucléaires effectués sur terre, sous terre, dans l’espace ou sous les eaux, notre espèce est contrainte de se défendre contre elle-même, au niveau mondial. Nous avons accumulé au XXe siècle un matériel nucléaire suffisant pour supprimer plusieurs fois les Hominidés répartis sur la planète. Le vieil adage latin « Si tu veux la paix, prépare la guerre » ne correspond plus aux libertés acquises par notre espèce encore en proie au nationalisme. Pour supprimer définitivement le danger nucléaire, notre société devra procéder à une révolution internationaliste supprimant les risques découlant de sa division en classes sociales antagonistes.

Les effets pervers de l’anthropisation

Les agronomes remarquent un recul mondial du potentiel des sols cultivés, dégradé par la réduction ou la disparition de la biodiversité, empoisonné par les pesticides qui n’existent pourtant que depuis 1945, la pollution azotée et l’acidification de l’atmosphère et des eaux en liaison avec l’excès soudain de CO2. Il reste à vérifier que cette dégradation apparente des sols cultivés est une tendance à long terme ou un événement ponctuel encore mal compris (excès d’intrants ?). L’érosion non maîtrisée (non contrôlée non plus) d’une partie des terres emporte les particules fines et les éléments organiques ; les pénuries d’eau et de mauvais choix de cultures ont ouvert la porte à de dures restrictions alimentaires frappant une partie du monde : comme par hasard, celle qui héberge les paysans les plus pauvres, victimes d’échanges Nord-Sud inégaux et connaissant la mort scandaleuse par la faim. Son amplification est prévisible avec la continuation d’une gestion capitaliste de la planète qui ne prévoit aucune action préventive de protection des sols puisque non rentable à court terme.

Certaines options imposées ou choisies relèvent de manipulations égoïstes ou d’une bêtise bureaucratique exemplaire. Elles apparaissent dans des pays où le débat social est inexistant pour cause de dictatures pathologiques, libérales ou religieuses (souvent les trois ensembles). Par exemple la Libye et l’Arabie saoudite puisent dans leurs réserves d’eau fossile (potable !), non renouvelable, pour cultiver du blé dans des déserts torrides, avec forts apports d’intrants puisque les sables sont constitués pour l’essentiel de grains de quartz dépourvus de matière organique, et arrosage dispendieux sous un soleil de plomb, jusqu’à tarissement des nappes (30 ans). L’arrosage excessif délave le sol des intrants et contraint à l’apport de nouveaux intrants.

Un autre problème grave, véritable bombe à retardement, est l’usage massif de certains OGM dans l’agriculture. Il a induit rapidement une tolérance au glyphosate, molécule active du principal déherbant systémique (son nom de marque commerciale la plus connue est Roundup) chez des plantes adventices ou messicoles, qui justement sont les moins souhaitées dans les cultures. Nous en sommes mondialement à environ 200 espèces végétales reconnues plus ou moins résistantes au glyphosate ! Nous avons introduit dans l’environnement des gènes nuisibles qui se diffusent dans la végétation, sans que nous sachions en prévoir les conséquences.

Sauver la qualité agronomique des terres

La « révolution verte » du XXe siècle, réalisée à coups d’intrants et de pesticides, dont nous étions si fiers, a précipité l’effondrement de la biodiversité dans les zones cultivées par empoisonnement des sols. De nombreux organismes vivent en symbiose ou procèdent à des échanges indispensables avec d’autres organismes souterrains qui peuvent être invisibles à l’œil nu et dont les fructifications sont appelées des « champignons » par les habitants. Le corps de l’être qui a produit ces « champignons », le mycélium, est atteint par les entrants distribués en surface et les plantes auxquelles ils sont liés en pâtissent. D’autre part, un déclin massif de la faune réduit la densité naturelle de la pollinisation. La disparition accélérée depuis les années 1990 des pollinisateurs sauvages prépare de profondes transformations régressives de la flore, avec de nombreuses conséquences graves. Depuis près de 100 millions d’années, les plantes à fleurs et les Insectes se sont adaptés mutuellement dans le processus de la pollinisation. Pour un botaniste, une fleur est un terrain d’atterrissage pour ses pollinisateurs. La fleur se signale par ses couleurs qui peuvent être non perceptibles par l’homme (ultraviolet), sa taille, sa disposition, son parfum sélectif et les récompenses nourrissantes qu’elle peut offrir en contrepartie de l’apport de pollen. Les pollinisateurs disparaissant brutalement, de nombreuses espèces végétales n’ont pas d’alternatives et connaîtront une crise mondiale avec disparitions d’espèces (certaines plantes anciennes, précédant l’ère Tertiaire comme les résineux, sont pollinisées par le vent).

Des espèces végétales marquent par leur disparition ou leur soudaine abondance, les changements profonds introduits dans la composition des sols. Les européens nés dans les années 1960 ou plus tôt, se souviennent des bleuets, maintenant éradiqués par les nitrates qui les tuent, tandis que les coquelicots (nitrophiles) devenus très abondants, rougissent les campagnes au printemps. Un danger considérable nous menace : si la biodiversité continue à s’effondrer au rythme actuel, nous ne pourrons plus cultiver certaines plantes sans recourir à des méthodes de pollinisation artificielle. En Chine, la folie productiviste de la bureaucratie chinoise, qui a fait un emploi démesuré d’insecticides, a suffisamment éradiqué les Insectes des campagnes pour que des vergers doivent maintenant être pollinisés manuellement sous peine de ne récolter presque aucun fruit !

Cette démarche insensée ressemble à l’usage qui a été fait des antibiotiques dès leur apparition : un usage massif par le corps médical, les vétérinaires et les éleveurs. La pénicilline du Dr Alexandre Fleming fut reçue comme un miracle. Dans le moindre dispensaire, on faisait appel à « la pénicilline » (il en existe des molécules différentes). Le résultat de ce comportement est effrayant. En moins de 30 ans sont apparus des bacilles résistants à la pénicilline, puis d’autres polyrésistants à plusieurs antibiotiques de nouvelles générations. Nous arrivons à un tournant où les techniques pasteuriennes semblent marquer le pas ! La multiplication et la diversité de bacilles antibiorésistants favorisent un retour de la tuberculose qui était presque éradiquée et devient un phénomène de masse en Inde, en Chine et en Russie, avec retour de foyers tuberculeux en Afrique. Ce phénomène est accentué dans les pays pauvres et surpeuplés. Enfin, la persistance de guerres, la corruption et les pillages détruisent l’accumulation primitive du capital et sont responsables du maintien des locaux de soin et de pratiques médicales à un niveau désastreux dans les régions pauvres.

Une nouvelle menace : l’usage massif des intrants et la production des biocarburants

Confrontés à une baisse des rendements qui est faible mais leur fait peur, les agriculteurs augmentent les apports d’engrais dans des proportions telles que la pollution azotée s’accroîtrait de 25 % d’ici à 2.050, alors qu’elle pourrait être réduite jusqu’à 50 % sans modifier sensiblement les rendements globaux. Avec une telle croissance de la pollution azotée et phosphatée, l’eutrophisation (prolifération d’algues nitrophiles) jusqu’ici connue des eaux douces polluées commence à gagner les mers, par ailleurs en voie d’acidification par excès de CO2 dissous. Ce phénomène de pollution azotée généralisée progresse dans la mer Baltique et dans la mer Jaune à l’est de la Chine en raison d’un usage excessif dans les pays riverains, sous la houlette des marchands d’engrais libres de leurs trafics. Dans ces mers apparaissent des zones immenses presque dépourvues d’êtres vivants par manque d’oxygène (hypoxie), ce qui arrête la sédimentation du carbone et le rejet de dioxygène par le plancton dans les régions marines empoisonnées par les nitrates.

Avec la demande croissante de céréales (1,4 % par an), et des méthodes culturales coûteuses en intrants, il faut en théorie augmenter la récolte mondiale de céréales de 1 milliard de tonnes d’ici 2030 à 2050. Avec la consommation grandissante des terres cultivables pour d’autres activités que la production de céréales pour l’alimentation humaine, il semble impossible de répondre prochainement à cette demande. Il manque une orientation politique déterminée en faveur des productions céréalières. Les principales dérives sont l’artificialisation des terres et la production d’agrocarburants. Le biodiesel, ou biogazole, ou diester en France, est issu de la transformation de végétaux contenant du saccharose ou de l’amidon : betterave, canne à sucre, soja, blé, maïs, etc. Le bioéthanol, ou agroéthanol, est un biocarburant utilisé dans les moteurs à essence. Il est de composition voisine du biodiesel et fabriqué à partir des mêmes plantes cultivées, plus un ajout d’essence d’origine fossile. L’avenir réside probablement dans des élevages à grande échelle de bactéries GM ou d’algues GM produisant directement des bioéthanols par exploitation de l’énergie solaire.

Rappelons enfin le développement incessant de l’élevage avec apport de végétaux cultivés parce que les riches occidentaux aiment la viande. Environ 100 kg d’alimentation animale à base de soja, maïs, orge, foin cultivé, etc. donnent 1 kg de viande de boucherie !

Consommation de biodiesel carburant EMHV en Mtep
Continents200920102011
Europe 9,36 10,72 10,84
Amérique du N. 1,01 0,75 2,68
Amérique latine 1,23 2,47 2,94
Asie-Pacifique 0,68 0,82 0,73
Afrique 0 0 0
Monde12,2814,7617,20
Consommation d’éthanol carburant en Mtep
Continents2009 20102011
Europe 2,35 2,87 2,98
Amérique du N. 20,74 25,07 25,77
Amérique latine 11,48 12,49 10,83
Asie-Pacifique 1,48 1,75 1,94
Afrique 0,05 0.07 0,05
Monde36,0442,2541,57


Mtep = Milliards de tonne équivalent pétrole.
Une tonne d’équivalent pétrole correspond au pouvoir calorique d’une tonne de pétrole « moyen » car le pouvoir calorique du pétrole varie selon son origine.
Le carburant EMHV (ester méthylique d’huiles végétales) est un « biodiesel » européen, appelé Diester en France, issu de la transformation de colza et de tournesol.

D’autre part, les superficies cultivées sont réduites par l’urbanisation, les transports et, dans une vision mondiale, la création de lacs de barrage particulièrement destructeurs en plaine. Ces questions centrales, réclamant des mesures préventives, sont étouffées par les revendications immédiates qui motivent le plus les organisations politiques et syndicales. Les bureaucraties syndicales ne se dresseront pas contre leur base en avançant la nécessité de mesures préventives contraignantes sans intérêt immédiat pour des exploitants pressés par des dettes, des impôts et des récoltes inégales. Peu de paysans, qui utilisent des engrais chimiques et obtiennent de bonnes récoltes, accepteront de réduire la quantité des intrants utilisés, surtout quand des lobbys capitalistes les harcèlent pour qu’ils augmentent la quantité utilisée ! La seule solution efficace de sauvetage consiste à exproprier les industries de fabrication d’intrants agricoles pour réduire à la source la surconsommation totalement inutile de ces poisons.

Quand il fait chaud

Évolution des constituants de l’atmosphère
D’après James Lovelock : « Les âges de Gaïa » (modifié)


Avant l’arrivée de la vie (3,5 à 3,8 Md années) Terre actuelle
Gaz carbonique (CO2) 98 % 0,03 %
Dioxygène (O2) 0,1 % 21 %
Diazote (N2) 1,9 % 78 %
Pression atmosphérique à l’altitude zéro 60 bars 1,0 bar

1 bar = mesure actuelle de la pression atmosphérique au niveau de la mer.

Remarquons la forte diminution du taux de CO2 et l’augmentation du taux de dioxygène depuis l’apparition des êtres vivants. Le carbone du CO2 a été transformé en roches calcaires par des organismes marins, qui ont rejeté beaucoup de dioxygène. Les dépôts calcaires terrestres – karst, marbre, travertin, etc. – résultent d’anciens dépôts marins laissés sur les continents.

De 1960 à l’an 2000 (en quarante ans !), le taux moyen annuel de CO2 a augmenté de 37 %. Il est en passe de doubler par rapport au début de l’ère industrielle, qui correspondait au taux atmosphérique naturel de largage de CO2 par les volcans. Le taux de dioxygène O2 dépend de la photosynthèse des végétaux, principaux producteurs d’O2. La destruction des forêts primaires et la surconsommation d’O2 pris dans l’atmosphère par le brûlage d’énergie fossile pose la question de la stabilité du taux atmosphérique de ce gaz vital. Depuis 1850, nous avons détruit 80 % des forêts primaires existantes à l’époque, principales productrices, avec le plancton, de l’oxygène atmosphérique.

La température moyenne annuelle à la surface de la planète, décroissante à l’échelle des temps géologiques, moyenne mondiale toujours supérieure à 0°C a permis que l’eau se trouve en abondance à l’état liquide. La dernière glaciation est descendue jusqu’aux latitudes de Berlin et New York, pendant environ 70.000 ans. Le retour d’un climat tempéré s’est enclenché voici 11.500 ans. Les forêts et la faune remontèrent vers le Nord en suivant le front du dégel. Les géologues estiment que, sans les interventions anthropiques, nous pourrions être en route pour une nouvelle période froide, ce que confirme la durée des précédents cycles glaciaires. On voit qu’une faible modification des températures moyennes annuelles provoque de grands effets à la surface de la planète. On le constate à notre époque avec une hausse des températures moyennes proche de 2°C, du début de la révolution industrielle à la fin du XXe siècle. Cette hausse moyenne mondiale des températures est en apparence faible et imperceptible par les individus, mais elle accompagne déjà des événements « naturels » géants dont les dégâts ne pourront plus être compensés financièrement par aucun gouvernement dans un proche avenir.

Ouragans et typhons qui se formaient depuis des siècles dans des conditions météorologiques précises ne débordaient jamais du couloir compris entre les tropiques. Ils se déplacent maintenant vers des zones où ils étaient inconnus dans l’hémisphère Nord, en augmentant leurs puissances et leurs fréquences. Selon des communications du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution de climat (GIEC), les experts n’entrevoient pas de solution à court terme pour réduire le dérèglement climatique. Selon leurs prévisions, l’avenir apparaît sombre à l’échelle d’une génération humaine seulement ! Les conclusions du GIEC sont discutables parce qu’il est sous contrôle de gouvernements libéraux : imaginez un instant que le GIEC mette en cause les addictions capitalistes de nos industriels producteurs de CO2 ! Pour des raisons de bonne diplomatie, des prévisions pessimistes ne sont assumées par aucun gouvernement, mais aucun ne rejette plus leur probabilité, ce qui est nouveau. De plus, les prévisions du GIEC deviennent plus alarmistes et plus précises sans recevoir le désaveu d’un seul gouvernement. Mais il n’existe aucune mesure gouvernementale mise en œuvre à la hauteur des projections du GIEC, seulement des promesses de mesures qui sont l’aveu d’un retard considérable et cumulatif. Cela s’appelle « laisser pourrir la branche sur laquelle on est assis ».

L’effet inertiel

Le changement climatique, qui concerne des masses considérables d’eau et de gaz, sera lancé à plein régime, si l’humanité est incapable de réduire ou d’arrêter à temps, c’est-à-dire maintenant, les productions industrielles croissantes de gaz à effet de serre, telle la remise en exploitation dans le monde de carrières géantes de charbon et de lignite. La masse de l’atmosphère ne change pas et donc le taux de gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère ne peut qu’aller en croissant à tout apport. Les météorologistes comparent l’effet inertiel qui concerne le climat à un pétrolier à pleine charge voguant en vitesse de croisière. Ce dernier doit impérativement commencer à ralentir 30 km avant son amarrage, et surtout ne pas laisser son moteur continuer à le propulser, sous peine d’être incontrôlable et de se fracasser ! Les pilotes de bateau savent calculer le ralentissement de leur vaisseau en fonction de sa vitesse, de sa masse et de la puissance de son moteur. Ils ne commencent pas à ralentir quand leur bateau est sur l’obstacle, mais ils anticipentSans anticipation, et passé un certain seuil du changement dynamique du climat, plus aucun retour en arrière ne sera possible. C’est sur ces points qu’il faut demander des comptes aux partis, aux élus et à ceux qui prétendent nous gouverner, si toutefois l’aphorisme « Gouverner, c’est prévoir » est vrai ! Pas de programmes, pas de perspectives de progrès sur la question du climat sans réduction conséquente des gaz à effet de serre !

Le changement climatique s’autoentretient par divers processus. Le plus inquiétant et le plus simple à comprendre concerne le dégazage du méthane → élévation des températures océaniques → nouveau dégazage de méthane → nouvelle hausse des températures, etc. À cela s’ajoutent d’autres phénomènes comme : les pollutions de l’air et l’augmentation des feux de forêts et de brousse → réduction de l’albédo global de la planète (albédo = réflexion vers l’espace de la chaleur reçue) + pollution des calottes polaires et des glaciers qui captent alors plus de chaleur → augmentation des surfaces marines de faible profondeur qui échauffent le permafrost → nouveau dégazage de méthane, etc. Ces phénomènes une fois embrayés se poursuivent sans intervention humaine. Aucun parti ni aucun gouvernement n’a une conscience claire des précautions qu’impose l’effet inertiel dans la crise climatique en cours. L’effet inertiel implique un principe de précaution. C’est ainsi que sont préparés par anticipation des vaccins contre la grippe, en prenant en compte les mutations virales prévisibles.

Même si l’humanité cessait totalement d’émettre des gaz à effet de serre (on peut rêver), cessait aussi d’empoisonner la biodiversité, de réduire la biomasse végétale en rasant les forêts primaires, le changement climatique continuerait et pourrait s’amplifier pendant un temps très long à l’échelle d’une vie humaine, par simple effet inertiel etparce qu’on ne sait pas retirer la part de gaz à effet de serre excédentaire que nous apportons dans l’atmosphère.

Le cauchemar du méthane

Un dégazage massif du méthane, jamais observé depuis que des navires sillonnent les mers, se constate dans certaines régions océaniques par l’abondance des bulles de méthane qui arrivent en surface. Si le méthane qui passe à l’état gazeux se mélange lentement dans les eaux, il se dissout et des bulles ne sont pas visibles en surface. Si des bulles apparaissent pour des observateurs situés hors de l’eau, c’est que le volume de méthane relâché par unité de surface a augmenté. Cela signe une augmentation de la température des eaux ou une modification des courants avec apport d’eau chaude qui dissout le méthane solidifié sur les fonds. On parle alors d’hydrure ou hydrate de méthane parce que, sous l’eau, le méthane se combine avec l’eau dont il se sépare en passant à l’état gazeux.


En 2008, des chercheurs suédois ont découvert une vaste zone de libération d’hydrure de méthane au nord de la Sibérie, dans l’océan Arctique. « Les émissions, écrivait Orjan Gustafsson, étaient si intenses que le méthane n’avait pas le temps de se dissoudre dans l’eau de mer et atteignait la surface en grosses bulles ». (Francœur L.-G., La bombe méthane est amorcée. 2008). Depuis ces premières observations, d’autres zones de libération de méthane ont été découvertes dans plusieurs océans. Quant au méthane contenu dans le permafrost terrestre, son dégazage ne se voit pas à l’oeil nu, il faut le mesurer dans l’atmosphère au-dessus du sol. Une partie du permafrost est sous-marin et c’est le plus chargé en méthane. Il s’est accumulé pendant la dernière glaciation, puis fut recouvert par la montée des eaux lors de l’installation du dernier interglaciaire, où nous vivons.

Les spécialistes de la crise du Permo-Trias (245 millions d’années), la plus violente connue, pensent qu’elle fut accélérée par un dégazage massif de méthane. Les restes du Permo-Trias se retrouvent sur divers continents à l’état de sédiments très fins, ce qui suggère un violent transport aérien à l’issue, peut-être, d’un impact géant. On n’a pas de preuve de l’impact qui reste une hypothèse, mais on sait que 95 % des groupes zoologiques connus sur les terres du Permien disparurent brutalement. C’est assez pour que les spécialistes aient choisis d’arrêter l’ère Primaire à la fin du Permien et d’ouvrir l’ère Secondaire au début du Trias, en conservant entre les deux le Permo-Trias. Car il s’est passé un grand événement à la fin du Permien. S’il s’agit d’un bolide qui a percuté la Terre, sa trace (astroblème) a pu être gommée par la tectonique des plaques si le météore a frappé une zone de subduction (région ou une plaque plonge sous une autre). Les géologues accordent à l’ensemble du Permo-Trias une durée de 5 millions d’années, parce que c’est le temps qu’il fallu pour que se reconstituent des populations d’animaux et de plantes. C’est probablement le temps qui sera nécessaire pour que réapparaisse une biosphère opulente comme celle que nous voyons dépérir.

Cette vision d’un dégazage massif « terrifie », selon leur propre expression, les spécialistes en charge d’observations sur le méthane. Ils savent que des milliards de tonnes d’hydrate de méthane attendent à faible profondeur dans l’océan Arctique et le permafrost de l’Alaska. L’exploitation industrielle des nodules polymétalliques qui commence au large de la Nouvelle-Zélande attaquera des dépôts d’hydrate de méthane en mélange avec les nodules dans les plaines abyssales du Pacifique.

Il est rare que des capitalistes expriment des craintes quant aux conséquences de leurs activités. Seuls les profits juteux les intéressent, quelles qu’en soient les conséquences. C’est pourquoi il faut tirer un coup de chapeau aux quelques capitalistes japonais qui viennent, pour la première fois, d’exprimer publiquement leurs craintes. Le méthane étant un puissant gaz à effet de serre (20 à 30 fois plus puissant que le CO2 pour séquestrer le rayonnement infrarouge), son exploitation pour compenser l’arrêt des centrales nucléaires au Japon après la catastrophe de Fukushima n’est pas une bonne idée. Enfin, son dégazage involontaire à l’occasion de l’extraction de nodules polymétalliques risque d’être ce que le choléra est à la peste !

La crise du Permo-Trias a connu des hausses de températures provoquant une forte augmentation de la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère (la vapeur d’eau est aussi un gaz à effet de serre). Cette surchauffe est corrélée dans le temps avec des amas basaltiques géants sur la lithosphère (partie solidifiée de la surface de la terre). Ce sont les trapps, présents sur tous les continents et venant d’époques différentes. Les trapps du Deccan en Inde, qui datent de la rupture Crétacé-Tertiaire (65,5 millions d’années), et qui semblent appartenir à un même contexte d’extermination de masse, couvrent une superficie égale à la France avec une épaisseur de basalte de 2 000 mètres. On ne connaît pas encore clairement le phénomène déclencheur des trapps. Ce pourrait être l’impact de bolides suffisamment massifs pour déstabiliser le manteau ou casser la lithosphère et provoquer des épanchements basaltiques de failles pendant plusieurs milliers d’années. La crise actuelle du climat de la Terre imite les crises non paroxystiques du passé, mais à une vitesse 100 à 1.000 fois supérieure, puisqu’il fallut, à l’occasion de crises passées, 5.000 à 50.000 ans pour que se réalise ce que nous avons déclenché en deux siècles, en brisant plusieurs mécanismes naturels garants de la stabilité de la biosphère et de la composition de l’atmosphère.

Un dégazage massif du méthane sera-t-il supportable ?

Les crises climatiques du Quaternaire se sont réparties sur quatre glaciations semblables suivies de déglaciations régulières, le tout étalé sur 1,8 million d’années. Ces crises ont résulté des modifications périodiques de la position de la Terre par rapport au Soleil,sans apport artificiel de gaz à effet de serre. L’arrivée massive de CO2 anthropique, et d’autres gaz dangereux expliquent l’échauffement des eaux océaniques qui se dilatent et grignotent les rivages. Cette hausse des eaux océaniques ne présente aucun danger pour notre espèce dont une petite partie devra déménager vers des terres plus élevées. Mais elle illustre la réalité du changement climatique et sa croissance car l’élévation du niveau des mers n’est pas régulière, mais va en accélérant avec l’entrée en scène de la fonte des glaces polaires. Pendant le XXIe siècle, le niveau des mers va augmenter de 0,50 à 1 mètre d’ici 2100 (Conférence de l’ONU sur le climat. Doha. 2012). Pour la première fois depuis deux siècles, un habitant du bord d’une mer peut constater ce phénomène sans instruments sur tous les rivages [3]

Mais la crise qui démarre sera-t-elle lente et sereine comme ce fut le cas pendant la dernière glaciation du Quaternaire où les hominidés continuaient à se diversifier tout en occupant le sud de l’Europe et de l’Asie jusqu’en Australie ? Les spécialistes du climat et aussi des écologistes scientifiques posent ouvertement la question : « l’homme survivra-t-il ? ». Si l’on excepte des publications alimentaires bavardes sur un thème qui se vend bien, c’est depuis 1995 le sujet de publications scientifiquement fondées. C’est la découverte affinée de la crise Crétacé-Tertiaire qui a accéléré la conscience qu’une collision pourrait dévaster la Terre. Les manuels alimentent la question avec une certaine audace puisqu’une telle question était considérée comme hors sujet dans les milieux de la recherche et apparentée à la science-fiction presque jusqu’à la fin du XXesiècle. Les précurseurs lucides de ces débats ne manquent pas. Leur appartenance politique à des organisations qui ont sombré depuis longtemps ne met pas en cause l’intérêt de leurs analyses, souvent pionnières et pertinentes dans le contexte scientifique de l’époque. Il n’est pas nécessaire, en effet, d’agiter le chiffon rouge à tous les paragraphes, même si le discours est porté par une vision anticapitaliste. On pourra se référer à l’un des derniers ouvrages, à bien des égards prémonitoire, de René Dumont : Un monde intolérable : le libéralisme en question, publié en 1988. La prise en compte des chapitres pertinents de ces contributions, parmi les plus compétentes de leur temps, aurait pu éviter un certain retard pris par les anticapitalistes, majoritairement citadins et peu ouverts à des observations naturalistes.

Comme un grain de sable dans l’univers

Les planètes favorables à l’apparition de la vie, semblent rares dans la partie de la Voie lactée où sont observées, depuis la découverte de la première exoplanète en 1959, des centaines et prochainement des milliers de planètes extrasolaires. Les planètes observées sont principalement, pour le moment, des géantes gazeuses comme Jupiter. C’est la nouveauté et la faiblesse de nos capacités d’observations actuelles qui favorisent le repérage des planètes géantes plutôt que des petites planètes telluriques cousines de la Terre. D’après l’équipe d’exploitation et de suivi du satellite Kepler, premier observatoire spatial spécialisé dans la recherche des exoplanètes, l’analyse statistique des données fait apparaître que notre galaxie compterait environ 5 milliards d’autres Terres (premier résultat des premières observations !). Les petites planètes à surface rocheuse et/ou océanique comme la Terre sont le plus souvent trop éloignées (glacées) ou trop proches de leurs étoiles (surchauffées), pour répondre aux paramètres nécessaires au développement d’organismes tels que nous les connaissons sur Terre. Les observatoires d’exoplanètes étant déjà en construction ou en phase d’essais, c’est à brève échéance qu’il faut nous attendre à des découvertes fondamentales précisant mieux notre place dans l’Univers. Mais déjà l’idée perverse que la Terre et l’homme sont au centre de l’Univers a vécu. On ne dit pas assez que les échafaudages idéologiques et oppressifs des textes sacrés sont radicalement démentis devant un programme d’enseignement scientifique élémentaire.

Sommes-nous les seuls idiots dans l’univers ?

Nous envoyons des ondes électromagnétiques (radio, TV) dans l’espace à la vitesse de la lumière depuis 100 ans. Ces ondes portent des informations détaillées sur notre arrogance, notre rapacité et notre extrême violence. Posons-nous la question : Pourquoi une civilisation extraterrestre, dite « avancée » par certains auteurs, prendrait-elle langue avec une espèce intelligente émergente, pratiquant sur sa propre planète le pillage à grande échelle (colonialisme), des politiques de domination meurtrières (impérialismes, nationalismes) et des systèmes ignobles d’exploitation du travail (esclavage, exploitation capitaliste), avec en prime la destruction de la biodiversité et le saccage des ressources naturelles ? Et que penser d’une espèce qui s’est autoproclamée Homo sapiens, sachant que ces mots signifient en latin : « homme sage » ou « homme savant » ? Sur une douzaine de films examinés dans lesquels des terriens rencontrent des aliens, seuls Le jour où la Terre s’arrêta dans ses versions différentes de 1951 et 2008, et Rencontres du troisième type ne présentent pas les extraterrestres comme des êtres démoniaques venus nous exterminer ! Cela donne un aperçu des présupposés qui animeraient nos ambassadeurs si d’aventure le contact s’établissait. Serait-ce la guerre des étoiles dont rêvait le Président Ronald Reagan (Projet de défense stratégique ou IDS, appelé aussi Star Wars par l’état-major américain – rien à voir avec le film du même nom) dans un délire de domination impérialiste totale en mars 1983 ? Ou bien serait-ce l’établissement d’une « Nouvelle Frontière » dont parlait le futur Président américain John Fitzgerald Kennedy dans un discours d’investiture le 15 juillet 1960 : « Nous sommes devant une nouvelle frontière. Au-delà de cette frontière s’étendent les domaines inexplorés de la science et de l’espace, des problèmes non résolus de paix et de guerre » ?

Le 11 janvier 2007, la Chine a détruit un de ses propres satellites de communication en utilisant un missile antimissile. Il s’agissait pour les dirigeants chinois de montrer leurs muscles alors que les États-Unis multiplient les passages de satellites d’espionnage à base altitude au-dessus de la Chine. C’était la réponse de la Chine aux États-Unis puisqu’un document révélé par Edward Snowden rapporte que les États-Unis auraient déclaré à la Chine – en des termes qui s’apparentent à une diplomatie de guerre – qu’ils« se réservent le droit, conformément à la Charte des Nations unies et du droit international, de défendre et de protéger leurs systèmes spatiaux avec un large éventail d’options, du diplomatique jusqu’aux militaires ». À l’occasion de sa démonstration, le missile chinois a pollué une orbite proche avec 2 500 débris s’ajoutant à près de 100 000 objets déjà abandonnés en orbite dans la banlieue de la Terre, sans égard pour la sécurité des satellites de toutes nationalités, de la Station spatiale internationale et de celles à venir. Il se confirme, d’incidents en déclarations, que les projets de conquête spatiale expriment une vision de domination impériale. Parodiant Elisée Reclus (1830-1905), géographe et communard, qui avait remarqué que les premières cartes de géographie étaient toujours des cartes d’état-major établies par des espions (« La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre »), nous pouvons dire aujourd’hui : « La conquête spatiale, ça sert aussi à faire la guerre ».

La Terre en danger

La possibilité d’une crise naturelle cataclysmique affectant la Terre est unanimement reconnue par les astronomes et les géologues depuis la fin des années 1990, après 23 ans d’une controverse vigoureuse. Un bolide de 10 à 14 km de diamètre a percuté la Terre voici 65,5 millions d’années dans la province du Yucatan (Mexique). Un astroblème (cratère d’impact) de 240 à 300 km de diamètre a suivi, prélude à une extinction massive d’espèces, vraisemblablement étalée sur près de 30 000 ans, avec des causes à la fois climatiques, volcaniques et météoritiques. L’astroblème, en partie immergé dans le golfe du Mexique, a été cartographié, scanné par voie aérienne et étudié sur le terrain. Sa qualité d’astroblème est prouvée.

Ces dangers aléatoires sont difficiles à parer en l’état actuel de notre technologie. Cependant les spécialistes estiment que le pari est tenable à brève échéance par adaptation de la technologie disponible et construction d’observatoires spécialisés pour détecter les bolides en approche de la Terre. Des laboratoires tout récemment créés travaillent sur la perspective d’éviter une catastrophe cosmique selon une procédure encore discutée. Il s’agirait de repérer à temps les bolides géocroiseurs qui empruntent la route de la Terre autour du soleil au risque de nous rencontrer. Ils sont des milliers de grande taille. Un ou plusieurs missiles exerceraient une pression suffisante et bien positionnée sur un météore fautif pour modifier sa trajectoire et le perdre dans l’espace. Dans la dernière décennie, deux bolides sont passés entre la Terre et la Lune, soit à une distance infime comparativement aux immensités cosmiques ! L’un d’eux était assez massif pour transformer une grande capitale en carrière de pierres. En juillet 1994, le plus gros composant de la comète Shoemaker-Levy, qui s’était scindée sous l’influence gravitationnelle de Jupiter, avait creusé à la surface apparente de la planète géante une dépression qui aurait pu contenir la Terre. À la fin de l’année 2014, un bolide frôlera la planète Mars… La proximité dans l’espace et dans le temps de ces événements a réveillé quelques politiciens pour réfléchir à une stratégie de défense de la planète contre les astéroïdes errant dans le système solaire. C’est la première fois que la précarité de notre planète est prise en compte dans son ensemble sur la foi d’informations scientifiques, et des budgets accordés pour en étudier les paramètres ! L’évolution des connaissances dans ces domaines a deux conséquences majeures :

1. Pour la première fois, les gouvernements prennent en considération le danger cosmique après la découverte de l’astroblème du Yucatan, l’alerte de 2003 et la fin spectaculaire de la comète géante Shoemaker-Levy enfonçant l’atmosphère épaisse de Jupiter devant les observatoires du monde entier.

2. D’autre part l’idée émerge que notre espèce est prise en étau entre le danger cosmique et le danger anthropique d’autodestruction dont la violence et la rapidité ne semblent pas avoir de précédent naturel (échauffement de la biosphère dans un temps très bref).

Une interrogation inquiète se cristallise – sans opposition – dans les milieux habitués à traiter ces questions. Pouvons-nous commencer à enrayer le désastre d’origine anthropique qui s’exprime sur Terre, modifie le climat, détruit la biodiversité et gaspille les ressources limitées offertes par la planète ? Tel est le vrai problème qui se pose à l’humanité, à l’instant où nous pouvons encore agir, avant que nous soyons comme pieds et poings liés devant la puissance des forces que nous aurons réveillées. Et les populations ? Pourront-elles comprendre les raisons des mesures drastiques préventives qui finiront par être prises, alors même que des organisations anticapitalistes, en sont encore au stade de l’interrogation pour savoir si « l’écologie » est partie prenante de leurs programmes.

2. Écologie et politique

L’écologie scientifique fait appel à de nombreuses sciences connexes (biologie, zoologie, botanique, géologie, agronomie, etc.). Elle est la science la plus ouverte en interaction avec de nombreuses spécialités. C’est un caractère original de l’écologie et aussi la cause de grandes difficultés à partir du moment où des militants se réfèrent d’une science qu’ils méconnaissent. C’est pourquoi un « écologiste militant » est d’abord un naturaliste ouvert aux sciences de la Vie et de la Terre.

Un rejet des acquis des sciences ne sert pas notre cause

L’écologie fit consciemment ses premiers pas en 1886, quand un biologiste allemand du nom de Ernst Haeckel (1834-1919) déclara qu’elle est « la science des relations entre les êtres vivants et le monde qui les entoure ». La formule englobe un champ tellement vaste que beaucoup d’autres furent inventées. Les hommes occupant sans cesse plus de place au détriment des autres espèces, nous pourrons bientôt réduire l’écologie aux «  rapports des hommes entre eux et avec leurs semblables ». Loin d’être une boutade, cette définition de l’écologie sera d’actualité quand nous en aurons fini avec la partie vivante « sauvage » de la biodiversité ! L’écologie, pensons-nous, reste un domaine scientifique, fondé sur des observations rationnelles. Nous sommes autrement en présence d’activités abusivement nommées « écologistes », fondées sur des croyances, une « philosophie » et des mythes où se distinguent beaucoup de commerçants et quelques gourous habiles à s’enrichir par la publication de livres et de DVD, en donnant parfois même, de leur vivant, leur nom à des lieux après avoir enfumé une municipalité qui finance.

Les rapports des hommes avec leur environnement naturel ou humain provoquent des revendications et des tensions, sources de résistances et de luttes qui ne justifient pas qu’on les range dans des catégories à part. Pourtant il est arrivé qu’un rassemblement « écologiste » se déroule sur deux jours dans une ville du Sud de la France sans qu’aucun lien apparaisse avec des femmes maltraitées qui occupaient leur usine à 800 mètres de là. Dans le rassemblement, pas un mot ne fut dit à propos de ces travailleuses surexploitées ! Les commerçants présents ne distribuaient pas de tracts, fussent-ils « écolos », mais la liste des prix de vente de leurs marchandises, principalement du « vin écologique » ! Voilà une grave dérive de « l’écologie », assez fréquente pour que les supermarchés lui consacrent maintenant beaucoup de place.

Un autre aspect du mouvement écologiste est le nombre élevé de militants à la culture parcellaire. Ces camarades lisent peu, évitent les ouvrages scientifiques qui les ennuient, et n’accèdent pas aux publications politiques qu’ils méconnaissent ou dont le prix les rebute. C’est pourquoi il leur manque des clés pour mettre à contribution, rationnellement, les disciplines scientifiques qui participent aux analyses écologiques. Cette question est délicate à débattre parce que les diplômes ne font pas le militant, mais il faut reconnaître que quelques connaissances fondamentales sont un bon marchepied pour comprendre le monde, et pour éviter le piège du sectarisme. Il est tout aussi vrai qu’un militant nanti de peu de connaissances, s’il est dépourvu d’esprit critique, tombera plus facilement dans des mythes ésotériques ou succombera aux discours des charlatans et à la puissance du verbe. L’écologie scientifique, dès ses premiers développements dans les années 1920 en liaison avec les recherches pour améliorer les rendements agricoles, fit appel aux sciences de la Vie et de la Terre et connu dès lors un développement la conduisant jusque la géographie et la sociologie… mais on en trouve aujourd’hui assez peu la trace chez divers militants pourtant très convaincus. Discuter de cette réalité est un tabou difficile à affronter. Cependant, il est souhaitable d’avancer vers des positions moins conservatrices en posant sur la table ces questions certes sensibles et délicates, mais essentielles et discutables dans le respect des personnes. Car le temps nous est compté devant l’importance et la violence dynamique de la « crise écologique ».

Des prises en compte concernant l’environnement apparaissent dans les programmes des partis, parfois sous forme de post-it, comme avec regret, positions oubliées aussitôt passées les élections, avec un sens déconcertant des priorités. Peu de mobilisations unitaires les font avancer, alors que les erreurs de gestion de la planète sont collectives et nous mordent la nuque ! Des effets de mode peuvent attirer des personnes peu sensibles à l’exploitation capitaliste des travailleurs ou aux conditions de vie en milieu urbanisé. Mais des interventions faites dans des réunions publiques, et l’apparition de collectifs déterminés, nouveaux et originaux, indiquent que ces questions descendent dans la rue. Citons les collectifs contre les pesticides, contre la croissance anarchique de quartiers résidentiels, pour le respect de la loi Littoral, contre des constructions absurdes ou inutiles, etc. Ces inégalités de prise en compte des revendications, notamment pour ce qui concerne les revendications des femmes, l’écologie, la santé et la biodiversité montrent que les acquis scientifiques n’ont pas bonne presse chez les adeptes de la « médecine » par les pierres, des « sciences » ayurvédiques ou de la méditation transcendantale. Certaines disciplines se référant abusivement de « l’écologie » sans références scientifiques, sont toujours absentes dans les mobilisations sociales. Ce qui les réunit est la seule caractéristique qui leur est commune : leur rapport à l’argent.

Le danger bureaucratique

Des associations et des ONG (leur nombre va croissant) s’emparent des questions environnementales stratégiques. Plusieurs d’entre elles agissent avec efficacité sur des questions qui ne préoccupent presque aucun gouvernement. Citons : réduire l’usage des pesticides avant que nous ne soyons grabataires, étudier la toxicité réelle des nouvelles marchandises et des molécules qu’elles contiennent avant qu’elles soient livrées aux consommateurs, sauver les dernières baleines parce qu’il est inadmissible d’en faire de l’alimentation pour chien, etc.) Mais le flot des nouvelles organisations favorise l’apparition de bureaucraties associatives. Celles-ci parasitent le mouvement social et réduisent la crédibilité des associations efficaces et démocratiques. À la différence des bureaucraties d’État de type stalinien, qui se servaient dans le Trésor public de leur pays, ces mini-bureaucraties associatives ne sont pas intéressées par des perspectives de pouvoir. Elles disent qu’elles ne font pas de politique, ce qui est contradictoire avec les limites libérales de leurs discours.

La méthodologie qu’emploient ces bureaucraties est simple.

• D’abord choisir un thème facilement compréhensible par le public et relayé par des reportages des médias qui agissent involontairement comme des porte-parole de ces bureaucraties associatives (ah ! les actions ignobles et spectaculaires des braconniers laissant les carcasses démantelées d’éléphants ou de rhinocéros pourrir au soleil après avoir récupéré l’ivoire !). Ce faisant, elles évitent de se positionner dans le champ politique et vont chercher leurs sujets souvent à l’étranger, pour éviter des confrontations avec des centres d’intérêts dans leur pays. Elles peuvent se réorienter si le premier choix n’est pas le bon. Subventionner le développement et la scolarité d’enfants pauvres dans des pays pauvres (l’Inde aux multiples religions est un bon fonds de commerce), lutter contre les plus inquiétantes maladies ou aider des personnes en détresse… Qui oserait s’opposer, condamner ou déprécier des projets aussi altruistes et généreux, en apparence désintéressés ?

• Une fois les clients accrochés, on va les convaincre de verser de l’argent, même en petites quantités, car l’arnaque est mondiale. L’utilisation d’une personnalité respectable et connue du public donnera une apparence institutionnelle à l’association. Entre-temps, la bureaucratie aura conçu des documents répondant habilement aux interrogations des sympathisants selon des critères incontournables. Le premier est l’efficacité sur le terrain, même si ce n’est vrai que pour un seul individu de l’espèce protégée, montré en photo sous toutes les coutures. Des photos spectaculaires, parfois attendrissantes, d’autres fois pathétiques ou sanglantes, suffisent à convaincre que le problème est sérieux et touche au fond du cœur ! Pourquoi tant de publicité, pourquoi tant d’argent quand on découvre que seulement deux animaux emblématiques ont été sauvés ? Ensuite, il faut confirmer que l’utilisation des fonds à bon escient est réelle. Des colonnes de chiffres sont convaincantes pour qui ne met pas à l’épreuve son sens critique.

• La dernière astuce consiste à protéger la mini-bureaucratie par des statuts en béton, qui mettront à l’abri les bénéficiaires de ces opérations. En dernière analyse, ils disposent toujours de tous les pouvoirs et les donateurs ne disposent que rarement d’un pouvoir juridiquement utilisable. Il existe des variantes de ces méthodes. L’une d’elle consiste à disposer d’un bureau d’études (une société) qui mène des activités de business efficaces. Une association indépendante de la société, qui peut porter le même nom, dont les membres n’ont qu’un pouvoir consultatif face à une équipe qu’on retrouve à tous les niveaux de direction, servira de couverture pour les activités juteuses de la société, et de caisse de résonance pour appâter les clients. A l’occasion, le travail de recherche et les connaissances de terrain d’associations honnêtes sera détourné et exploité pour conclure un contrat avec une instance administrative, politique ou territoriale.

C’est ainsi que les débats militants peuvent être tronqués ou manipulés par des personnalités ou des organisations réactionnaires. Elles combattent l’engagement anticapitaliste, jouent l’usure, évitent que le débat se cristallise sur des revendications pertinentes et lancent des initiatives qui restent sans suite.

Se cultiver est un impératif militant

Ces situations troubles et complexes se dénouent rarement dans une réunion publique. Pour diverses raisons : la méconnaissance des problèmes réels, la difficulté de mener des débats critiques par crainte de passer pour un personnage sectaire, la peur de « l’entrisme » ou de manipulations souvent imaginaires… on observe la diffusion ou la persistance d’informations fausses ou tronquées, ainsi que de croyances et de rumeurs scientifiquement infondées. Examinons deux cas (il en existe d’autres) :

1. Des militants croient que les gaz à effet de serre sont toujours nuisibles. En l’absence totale de gaz à effet de serre, la surface de la planète serait couverte d’une gangue de glace jusqu’à l’équateur, selon l’hypothèse de la « la Terre boule de neige ». Des preuves d’érosion glaciaire anciennes trouvées près de l’équateur suggèrent qu’une glaciation planétaire se serait produite au moins une fois. On n’en connaît pas la cause qui pourrait être une réduction excessive du taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère quand la tectonique des plaques était au repos avant l’expansion de la Pangée (continent unique rassemblant les terres actuelles à un moment de l’ère Primaire, le reste du monde étant un océan unique). On évoque aussi l’hypothèse de la traversée du système solaire par un nuage de poussières interstellaires obscurcissant l’espace entre la Terre et le Soleil et réduisant la quantité de chaleur reçue sur la Terre. Ces nuages existent, et forment des systèmes solaires quand ils se contractent, mais rien ne prouve que l’un d’eux a un jour obscurci le soleil. À notre époque, la catastrophe climatique qui s’annonce ne résulte pas du CO2 régulièrement expulsé par les volcans. Ce CO2 d’origine naturelle se dissout dans les océans et les lacs, où des organismes le transforme en squelettes, tests et coquilles, qui finissent en roches calcaires dont il existe de considérables gisements à la surface de la planète. Ce sont les apports rapides de gaz à effet de serre, plus importants en masse que les apports volcaniques, qui modifient dangereusement, et de façon croissante, la composition de l’atmosphère.

2. Un autre sujet de confusions est l’usage qui est fait des initiales OGM. Si certaines céréales OGM sont biologiquement douteuses et économiquement inutiles – sauf pour les multinationales qui en tirent des profits fabuleux aux dépens des paysans qui cultivent des « OGM à l’herbicide » et des consommateurs – d’autres OGM sont à la source de grands progrès en médecine et en agriculture. Le vrai problème à la source de la création d’OGM nocifs est qu’ils résultent de manipulations capitalistes.

Cette formulation venant d’un influent militant paysan dans l’Hérault (France) en mai 2014 : « Nous sommes contre les OGM, quels qu’ils soient et sous toutes leurs formes » n’est pas acceptable et fausse les débats. Elle indique une confusion entre l’existence d’objets appelés OGM et l’usage qui en est fait, de la même manière qu’un marteau rend de grands services comme outil, mais peut être aussi une arme dangereuse ! Examinons le cas de la « pomate ».

Les pommes de terre et les tomates sont deux espèces appartenant à la même famille botanique : les Solanacées. En outre, elles sont toutes deux rangées dans le genreSolanum, ce qui est une indication de leur proximité génétique. Ces deux espèces ne peuvent s’hybrider parce qu’il existe une barrière sexuelle empêchant la fusion des gamètes. On ne connaît pas d’hybride naturel entre ces deux espèces. Mais en 1978, le biologiste Georg Melchers à Tübingen (Allemagne) a réussi à briser cette barrière par fusion de protoplastes. Une nouvelle espèce, véritable OGM, était née : la pomate, censée produire des tomates sur les branches sensibles à la photosynthèse et des tubercules comestibles attachées aux racines dans le sol. Les premiers pieds de pomate se sont révélés sensibles aux infections et les fruits obtenus trop petits, mais la nouvelle espèce créée est fertile et génétiquement autonome. Pour le moment, la pomate en est au stade de culture expérimentale pour augmenter sa résistance aux maladies par hybridation avec une tomate sauvage résistante, et pour augmenter la taille des fruits et des tubercules. Un jour prochain, des jardiniers récolteront des tomates et des pommes de terre sur les mêmes pieds de pomate. Nous ne connaissons pas de militant anti-OGM qui rejette la création de l’OGM appelé « pomate ». C’est une belle contradiction qui justifie une réflexion.

Les OGM bénéfiques sont-ils l’avenir de l’humanité ?

Les progrès rapides des sciences génétiques laissent entrevoir des progrès importants et bénéfiques pour l’humanité. Déjà des OGM bénéfiques sont en cours d’exploitation comme les animaux GM produisant de l’insuline pour soigner les personnes diabétiques, ou ces cellules prises à une personne malade, puis génétiquement modifiées (corrigées) avant d’être rendues au patient jusqu’à la guérison totale. Cette dernière voie soulève de grands espoirs pour vaincre dès la naissance ou chez les parents les affections d’origine génétique comme les maladies auto-immunes, la trisomie, certains cancers, etc. Ces perspectives posent dans le concret la question de l’anthropisation de l’homme, la disparition de la sélection naturelle pour notre espèce et l’apparition d’une humanité dépendante d’une technologie médicale dont il est difficile d’imaginer les aboutissements.

Notons l’existence de cet oranger en voie de sélection et de multiplication en Chine : il donne des fruits pendant plusieurs saisons, à la différence de ses parents qui ne fructifient qu’une fois dans l’année ! Il s’agit d’un OGM naturel : un mutant apparu dans un verger ! Lorsque des chercheurs auront compris par quel processus génétique cet OGM naturel est apparu, il est probable qu’ils chercheront à répéter l’opération avec d’autres espèces proches, comme les mandariniers ou les cerisiers, dont la fructification est courte. Il ne fait aucun doute que des OGM bénéfiques, issus de laboratoires, vont se multiplier et accroîtront le potentiel de productivité, de résistance aux parasites ou à la sécheresse. Par exemple, une nouvelle espèce GM de riz poussant avec peu d’eau (plus besoin que les racines soient immergées) devrait se répandre dans de nouvelles régions de culture. Les plans d’eau que réclament les races anciennes de riz s’évaporent trop vite et l’eau manque pour servir les terres dans ces régions. Un riz résistant à la sécheresse est-il le bienvenu ? Nous n’avons pas encore la réponse à ces questions et nous ne les obtiendrons pas par des imprécations qui étouffent les discussions raisonnables.

Entre 100 et 200 millions d’enfants souffrent de carence en vitamine A parce que le riz blanc, dans sa partie comestible (albumen), qui est leur menu principal, en est dépourvu. Ce manque est responsable de troubles graves et du décès de plus d’un million d’enfants chaque année (source OMS). Un précurseur de la vitamine A, le bêta-carotène, existe seulement dans l’enveloppe du riz, mais celle-ci est retirée pour une meilleure conservation. Une fois assimilé dans le corps humain, le bêta-carotène se transforme en vitamine A. Des chercheurs ont travaillé sur l’enrichissement de plantes en précurseur de la vitamine A. Ils ont ainsi mis au point un riz transgénique appelé « riz doré ». Par l’introduction de trois gènes dans du riz, des chercheurs allemands ont réussi à restaurer dans l’albumen une voie de biosynthèse à partir d’un précurseur du bêta-carotène. Le bêta-carotène synthétisé colore les grains en jaune, d’où le surnom de « riz doré ». Jusqu’à présent, les teneurs obtenues ne sont pas suffisantes mais diminuent les effets très graves de la carence en vitamine A (source : maison-des-sciences.ac-versailles). Les chercheurs se sont donc remis au travail pour améliorer les teneurs vitaminiques. La question qui se pose aux militants « anti-OGM » est la suivante : Faut-il continuer cette recherche qui finira certainement par produire un riz satisfaisant en béta-carotène, ou faut-il tout arrêter parce que le riz doré est un « OGM » que, par principe, certains militants rejettent ?

Le problème qui nous intéresse à propos des OGM n’est pas qu’un caractère satanique est obligatoirement attaché à tout être vivant génétiquement modifié. Le problème est l’existence d’entreprises capitalistes, tel Monsanto Company et ses cousins Syngenta, Dow AgroScience et Pionneer Hi-Bred, toutes présentes – véritables forbans, menteurs, parasites et voleurs – sur les marchés truqués des semences (par la privatisation par brevetage des plantes) et des « produits phytosanitaires » pour ne pas dire « pesticides et biocides » qui ont maintenant mauvaise presse. Débarrassons-nous de ces exploiteurs mais soutenons les espoirs que laisse entrevoir une science démocratique et socialement contrôlée.

Pour que les débats restent ouverts

Une interrogation résume plusieurs problèmes qui se posent à l’ensemble de la gauche anticapitaliste : À quoi sert-il d’exiger des changements s’ils ne se traduisent pas, pour le moins, dans un cadre législatif ? Les programmes et les professions de foi des partis peuvent-ils rendre compte de cette réalité ? Voici quelques questions importantes qui apparaissent en général à la marge des activités anticapitalistes. Comment lier ces questions à ce qu’il est convenu d’appeler « les luttes des travailleurs » ? Liste non exhaustive.

• La lutte contre les ajouts de gaz à effet de serre (GES). Il s’agit d’en arrêter la production anthropique aussi vite que possible, parce que la quantité supportable de GES dans l’atmosphère est en voie de dépassement. Les gouvernements en parlent… mais les décisions conséquentes ne sont pas prises parce que le coût financier, industriel et social semble insupportable pour les libéraux. Il le sera cent fois, mille fois plus, et peut-être n’y aura-t-il plus de solution quand le changement climatique connaîtra un emballement.

Divers pays (Chine, Inde, Afrique du Sud) relancent l’exploitation du charbon ou des sables bitumineux (Canada) à des niveaux élevés, et partout des compagnies cherchent des hydrocarbures, plus pour garder leurs places dans des rapports géostratégiques que pour répondre à des besoins sociaux. Où sont les réactions gouvernementales et les mobilisations des grands partis devant ces mesures biocidaires à grande échelle ?

• Le retrait des biocides. On n’en parle pas sérieusement. Les lobbys restent efficaces. Les décisions nécessaires opèrent à la marge. L’empoisonnement de la biosphère commencé en 1945 continue, se diversifie avec de nouvelles molécules terriblement dangereuses considérées comme 5.000 à 10.000 fois plus toxique que le fameux DDT, à poids égal. Elles sont efficaces en très petites quantités et leur diffusion dans le public est aussi maladroit et dangereux que si nous laissions de la dynamite en vente libre.

Elles pénètrent dans la totalité de la biosphère, agissent sur les êtres humains et accélèrent leurs effets parce que le vivant est affaibli. On ne remarque pas d’action pédagogique des gouvernements, à commencer par l’interdiction des publicités pour les pesticides et des recettes démagogiques et dangereuses sur les emballages de pesticides. Le journaliste Stéphane Foucard vient de poser la question : « Comment des effets d’une telle ampleur ont-ils pu demeurer si longtemps sous le radar des autorités sanitaires » [4].

• L’arrêt de la surconsommation des antibiotiques, de leur vente en ligne et de leur utilisation dans les élevages. On en parle. L’augmentation du nombre d’agents infectieux résistants ou polyrésistants aux antibiotiques annonce un problème sanitaire grave qui arrive dans un contexte d’essoufflement des techniques pasteuriennes. Il existe des plantes et des animaux qui résistent aux pires infections depuis des millions d’années. Certains prédateurs tuent leurs proies par inoculation infectieuse foudroyante (septicémie) mais sont totalement résistants aux morsures de leurs congénères (les varans de Komodo) qui peuvent tuer un buffle de cette manière. De nombreux nécrophages vivent sur des charognes, s’en nourrissent et leurs larves se développent dans un milieu infecté de germes mortels pour tous les mammifères. On ne peut pas dire que l’étude de ces phénomènes soit une priorité, notamment pour vaincre les infections tropicales. « Pas rentable ! » disent les capitalistes.

• La priorité donnée à la consommation des végétaux pour réduire la surpêche et les élevages. Les inconvénients du carnivorisme sont pratiquement inconnus du public. Ils concernent des problèmes de santé, économie, digestion méthanogène des bovins, environnement, déforestation. La publicité est une grave cause d’initiatives individuelles de surconsommation (obésité) et de consommation carnée. Consommer plus d’aliments à base de végétaux et moins de protéines animales pourrait concourir à la préservation des forêts primaires, à une meilleure santé des êtres humains et à un accès facilité à la nourriture pour les plus démunis.

• L’arrêt de la pollution nucléaire. Les activités fondées sur l’exploitation de l’énergie nucléaire avec une technologie dangereuse ne ralentissent pas. Tout se passe comme si les décideurs attendaient un « grand boum », une variété de Tchernobyl dans un pays comme la France ou l’Angleterre, pour reconsidérer leur politique. Déjà la réduction du nombre des centrales nucléaires couplée à des économies d’énergie ciblées est réaliste et n’est pas mise en œuvre. Le potentiel destructeur des armes nucléaires n’est pas réduit, sans perspective de suppression. Les puissances nucléaires ne désarment pas et leur nombre augmente. Tous les partis bourgeois et sociaux-libéraux défendent le recours au nucléaire civil et militaire, gigantesque source de profits. Mais les pollutions par des radioéléments dans la biosphère et les sols s’accroissent …

N’oublions pas que, d’une façon générale, notre technologie est primitive et balbutiante. Nous ne savons pas utiliser l’énergie nucléaire sans polluer l’environnement. Selon la fameuse formule E = MC¬², nous n’arrivons à extraire des matières fissiles qu’une partie infime de l’énergie qu’elles contiennent. Ainsi la bombe qui détruisit la ville de Hiroshima contenait 11 kg d’uranium. Environ 1,5 grammes d’uranium furent transformés de matière en énergie pure et le reste fut simplement volatilisé par la chaleur. Les centrales nucléaires n’ont pas un meilleur rendement. Rappelons que les millions de moteurs dits « à explosion », que nous utilisons depuis 130 ans ont tous un défaut récurrent qui ressemble à un canular : ils consomment une partie du carburant pour chauffer le bloc-moteur, puis ils en utilisent encore pour le refroidir !

• La défense sur le terrain des espèces menacées. Ce n’est possible que pour de grandes espèces (aigle américain, éléphant, panda)… espèces défendues manu militariquand l’exploitation du tourisme est en cause. Des espèces génétiquement proches de nous sont en situations préoccupantes ou menacées d’extinction. Pas de restriction conséquente ou de répression de la chasse en Europe. De nombreuses espèces théoriquement faciles à protéger, mais gravement menacées, sont abandonnées, alors qu’elles sont des trésors pour la recherche scientifique et médicale par leurs particularités physiologiques extraordinaires d’un grand intérêt potentiel. Citons : la puissante résistance aux infections d’invertébrés et de reptiles, la parthénogenèse dont la génétique est incomprise, l’absence de cancer chez le rat-taupe africain (en l’état actuel des connaissances), une résilience élevée en cas de stress chez certaines espèces, la capacité de sonder à grande profondeur sans accident de décompression (jusqu’à 3 000 mètres pour un cachalot), et aussi : hétérothermie, organes thermosensibles, émission/sensibilité aux ultrasons et infrasons, émissions électriques dirigées, électrosensibilité, magnétosensibilité, etc. autant d’inventions de la vie que nous commençons à découvrir.. Sur tous ces points, et beaucoup d’autres, la science contemporaine est déficiente.

Il faut connaître ce qu’il est advenu d’une grenouille australienne. Rhéobatrachus vitellinus est une grenouille extraordinaire qui fut découverte en 1984. Elle vivait dans une petite zone humide de l’est du Queensland (Australie). Mise en élevage par des herpétologistes, ceux-ci découvrirent que R. vitellinus incubait ses œufs dans son estomac ! Les perspectives possibles d’une telle découverte pour la médecine étaient immenses (traitement des ulcères gastriques, etc.). Les herpétologistes l’avaient nommée « grenouille à incubation gastrique ». Pourquoi les œufs n’étaient-ils pas digérés dans l’estomac de leur mère ? Mais pendant le temps où les spécialistes observaient les individus en élevage et préparaient une mission pour étudier R. vitellinusdans son milieu, la zone humide qui l’hébergeait fut polluée ! Après des recherches intensives, vitellinus fut considérée comme éteinte en 2001. Il s’était écoulé 17 ans entre sa découverte scientifique et la certitude de son extinction.

• La protection de réserves dans tous les biotopes. Des réserves faune/flore sont créées. Un examen critique de leur emplacement fait apparaître qu’elles sont le plus souvent délimitées dans des zones jugées non « rentables » sur critères capitalistes comme les zones humides, les montagnes. Et comme il convient de ne pas déplaire aux chasseurs, des zones sensibles ne sont pas correctement protégées. Les littoraux, écologiquement très spécifiques avec de nombreuses espèces endémiques sont massivement détruits par une urbanisation destructrice : pollution, paupérisation, inondations, inadaptation à la hausse du niveau des eaux marines, destructions d’importantes zones de fraie dans les mangroves. Il n’existe pas de lois anticipant sur la montée du niveau des mers. Les contraventions très nombreuses à la loi Littoral sont rarement réprimées, etc.

• L’artificialisation des terres. Une prise de conscience existe pour sauver les terres à grande valeur agronomique. Mais les mesures administratives sont faibles ou absentes pour limiter la prolifération anarchique des lotissements et des accès, l’augmentation du linéaire des réseaux et services (eau, électricité, ADSL et fibre optique, collecte des déchets, égouts, courrier postal, services sociaux, pare-feux, etc.). La vente des terres cultivées comme terrains à bâtir (très lucratif) va son train !

Toutes ces questions sont en débat mais l’emprise du capitalisme compte plus que le bien commun. Ces questions, et beaucoup d’autres, sont à mesurer, argumenter, actualiser et intégrer dans les réunions publiques et les programmes des courants anticapitalistes.

3. Pourquoi la défense de la biosphère est-elle aussi difficile chez les anticapitalistes ?

Les régions occupées par l’homme ont vu aussitôt leurs grandes espèces animales (la mégafaune) massacrées par les premiers migrants. Le cas du dodo de l’île Maurice, un pigeon dodu de la taille d’un dindon, incapable de voler, que les marins de passage massacraient avec un bâton, est connu. De nombreuses espèces de grande taille ont disparu en quelques décennies. Des prédateurs accompagnant les hommes dans leurs migrations (rats, chiens, chats, divers insectes), ou introduits volontairement (lapins, renards, escargots carnivores, crapaud-buffle, plusieurs espèces d’écrevisses américaines, etc. et des plantes envahissantes aussi) ont prolongé l’action de l’homme en éradiquant beaucoup d’espèces endémiques dont on n’a pas fini d’établir la liste sur tous les continents et dans des îles. Pour la première fois, des hommes commencent l’inventaire des désastres qu’ils ont provoqués [5].

L’anthropisation de la biosphère

Il ne s’agit plus seulement de la mégafaune détruite çà et là, mais d’un phénomène anthropique qui laboure la surface de la planète, justifiant la désignation d’une ère nouvelle : l’Anthropocène. Un contributeur de la collection Anthropocène (éditions du Seuil) pose ainsi le problème : «  Nous sortons des conditions biogéoclimatiques relativement stables pendant 11 500 ans de l’Holocène [dernière période du Quaternaire], qui firent de la Terre la mère des civilisations humaines. Et nous filons exponentiellement vers l’inconnu, vers des états nés il y a deux siècles avec la révolution thermo-industrielle, que le système Terre n’avait pas connus depuis des millions d’années ».

Certaines espèces comme les termites, les fourmis, les mousses, les algues, et bien d’autres modifient les sols, les eaux, l’environnement, la faune et la flore, et peuvent être comparés à des phénomènes géologiques massifs et superficiels de la lithosphère. D’autres espèces comme les requins et les carnassiers en général, régissent la faune et la flore, en supprimant les individus malades, « anormaux » ou surabondants, selon le schéma classique. Toutes les espèces alentour survivent par des adaptations diverses. Ce scénario écologique fonctionne depuis des millions d’années et forme des biocénoses qui évoluent ensembles en maintenant leur équilibre. Dans les années 1950, les « gardiens » de la grande plaine du Serengeti, entre Kenya et Tanzanie (des gardes armés contre les braconniers, sans éducation écologique) décidèrent que les lions, hyènes et lycaons constituaient un danger pour les touristes et ils commencèrent à les détruire. Il ne fallut pas longtemps pour que la plus grande épizootie jamais vue se déclenche, parce que les prédateurs de service, que les gardes tuaient, cessaient de consommer les animaux malades. Les lions et les hyènes se sont remis de ce massacre, mais les lycaons sont restés rares et pourraient disparaître si les hyènes occupent leur niche écologique. Ainsi agissons-nous « naturellement » dans la nature.

L’arrivée de l’homme et de ses engins ne permet pas que durent les équilibres naturels. François Ramade donne les résultats des travaux de quatre spécialistes de cette question (Écologie appliquée, 6e éd) : le rythme des disparitions est de 5.000 à 25.000 espèces par an dans les forêts pluvieuses tropicales et le rythme des disparitions est 1.000 à 30.000 fois supérieur à celui qui a caractérisé les périodes géologiques « d’extinctions de masse ». Ces chiffres signifient que, à l’échelle des temps géologiques, la période actuelle « d’extinction de masse » est instantanée. Le taux d’extinction finale pourrait être supérieur à 95 %, plus grave que les extinctions du Permo-Trias. Il est prévisible que la majorité de la population humaine mondiale ne pourra pas s’adapter à ce rythme effréné et disparaîtra elle aussi, parce que ses ressources alimentaires naturelles auront été détruites.

Bien avant la définition d’une ère nouvelle appelée Anthropocène, les naturalistes habitués aux études de terrain exprimaient facilement leurs appréhensions et leur pessimisme. Pendant une sortie entre géologues et alors qu’une discussion s’était engagée pour déterminer la position stratigraphique du terrain sur lequel nous nous trouvions, quelqu’un dit : « Maintenant, nous sommes dans le Cocacolien », et il partit fouiller un fossé voisin. Peu après, il rapporta une bouteille de Coca-Cola en disant :« Et comme les bouteilles sont différentes chaque année, les géologues du futur pourront déterminer la strate annuelle à l’intérieur du Cocacolien ». Ce n’était qu’une boutade, mais tellement significative.

Pierre-Paul Grassé (1895-1985) fut le principal auteur et directeur de publication duTraité de zoologie en 38 volumes (commencé en 1940 et poursuivi jusqu’à la fin de sa vie). Peu avant sa mort, il écrivit : « l’Homme en accusation : de la biologie à la politique » (1980). Ornithologiste, entomologiste et fondateur de nombreuses revues, il évitait d’exprimer un point de vue hétérodoxe dans ses activités académiques. Cependant, dans une brochure associative intitulée Réflexions sur l’aménagement des Parcs nationaux, il a exprimé ces remarques d’époque à la fin des années 1960 (cité par F. Ramade) : « Avec le développement de l’industrie et l’avènement de la société scientifique, la dégradation de la nature s’accélère dangereusement et la faune va vers son extinction. Si rien ne fait obstacle à la dévastation, on peut prévoir un moment où seuls subsisteront sur la terre ferme quelques végétaux alimentaires, des bactéries, des champignons et quelques rares animaux anthropophiles. Il ne s’agit pas d’une prévision car la marche vers un monde sans vie animale est bel et bien commencée. »Il en est ainsi de P.-P. Grassé et de nombreux autres spécialistes des sciences de la nature : ils expriment couramment des propos convenus pour le public et les institutions qui les emploient, mais en vérité, par leurs expériences de terrain et leurs connaissances, ils se sont convaincus qu’une catastrophe est au bout de notre monde brisé par les combines et le lucre. P.-P. Grassé ne connaissait pas les oppositions au stalinisme et rangeait les « marxistes » avec les staliniens dont il dénonçait la corruption profonde. Il n’avait pas lu « La révolution trahie ». Sa culture immense mais parcellaire et son expérience de terrain l’avait mené au point de rupture qu’il exprimait d’une façon particulière : « Le petit dieu ne se porte pas bien ; c’est certain. Le mal qui mine son esprit, le plus précieux et le plus fragile de ses biens, semble être la contrepartie des gains matériels qu’il a réalisés » (Toi ce petit dieu. 1971.)

L’exemple du saturnisme

En restant dans le cadre d’une réflexion politique qui prend en compte les expériences politiques du passé, et dans une perspective de revendications et de luttes anticapitalistes examinons le cas d’un toxique peu connu : le plomb.

Un peu de science. Le plomb est assez facile à extraire et à travailler en raison de sa concentration dans des roches, comme la galène qui contient 86 % de plomb, et de son point de fusion bas (327°C). Ce métal ductile à forte masse volumique apparaît dans les fouilles archéologiques dès l’âge du bronze, 7.000 à 5.000 ans av. le présent. Rappelons au passage que le bronze ne contient pas de plomb, c’est un alliage 90/10 de cuivre et d’étain. On savait durcir le plomb par alliage avec de l’antimoine et de l’arsenic, très toxiques. De l’Empire romain jusqu’à nos jours, l’extraction, le façonnage et la dispersion d’objets en plomb n’étaient pas une activité marginale puisqu’on trouve la signature d’une pollution planétaire par le plomb depuis le premier siècle de l’histoire, observée dans les carottes de glace extraites de l’Islandis arctique. Les Européens ont souffert du plomb à leur insu pendant 2 000 ans jusqu’à nos jours.

Depuis l’Antiquité tardive jusqu’à aujourd’hui, le plomb était connu pour ses liens avec les maladies des mineurs et des artisans travaillant ce métal. Ce fut probablement la première observation d’une cause environnementale pour une maladie. Ce fut aussi la première maladie professionnelle reconnue : le saturnisme, intoxication par le plomb, qu’il ne faut pas confondre avec la plombémie qui mesure le taux de plomb dans le sang. Au XIXe siècle, la toxicité du cristal de verre, très répandu sous forme de carafes et de verres à boire, fut découverte. C’est un verre brillant un peu jaune, qui contient du plomb jusqu’à 40 % de la masse. Les alcools spiritueux acides qui séjournent dans une carafe en cristal de verre deviennent toxiques par diffusion du plomb dans le liquide ! La première législation sur le plomb est apparue en Suisse (1914), interdisant la fabrication et l’utilisation de tuyaux en plomb pour la distribution d’eau potable.

Ce métal n’a pas de fonction biologique connue. On vit mieux sans plomb car il est toxique à n’importe quelle concentration. C’est un poison cumulatif qui se fixe progressivement dans l’organisme, comme le DDT. Cette toxicité fonctionne aussi pour les invertébrés et les plantes qui se raréfient ou disparaissent sur les sites hautement pollués en métaux lourds (jusqu’à mille fois la concentration des sols naturels pour le plomb et le zinc). Le plomb n’est pas biodégradable et on ne connaît pas non plus de comportement de défense des organismes contre le plomb. C’est un fort biocide dans les milieux touchés par l’acidification anthropique. Ingéré, il est mis en suspension par l’acidité du système digestif et se répand dans l’organisme où il se fixe dans certains organes et dans les os. Si l’intoxication s’arrête, il est en partie éliminé, mais ses dégâts sur la santé persistent. Cependant les botanistes connaissent des sols naturellement chargés en métaux lourds, ou pollués par des activités métallurgiques, avec notamment zinc, cadmium et plomb, appelés « sols calaminaires ». Ces sites accueillent au moins 4 plantes particulières pouvant former des gazons denses. Malgré leur abondance sur ces sols, ces plantes peuvent être absentes sur des centaines de kilomètres avant qu’on en trouve une autre station également sur sol calaminaire (Lemoine & Pauwels. La pollution créatrice de biodiversité. Espèces, juin 2014). Il existe même au moins une plante endémique (Viola calaminaria) qui pousse uniquement sur des sols naturellement calaminaires.

Le plomb a été le plus dispersé dans la nature par les armes de guerre et les plombs de chasse. Une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui s’est concentrée sur un département dans les années 1990-2000, a montré qu’environ 45 000 tonnes de plomb se sont ajoutées aux sols forestiers et cultivés du Nord-Pas-de-Calais, non compris le plomb qui a été lessivé et emporté vers les mers. Cette énorme masse de métal toxique répandu dans l’environnement d’un seul département résulte pour l’essentiel des munitions utilisées ou abandonnées à l’occasion de nombreux affrontements !

Chez les femmes, le plomb passe la barrière du placenta et s’accumule chez le fœtus. Les reins des enfants n’évacuent que 50 % du plomb ingéré alors qu’un adulte en bonne santé peut en évacuer jusque 80 % à 95 % ! Il n’existe pas de seuil de tolérance parce que le plomb peut s’accumuler jusqu’à un taux très élevé si la pollution est permanente. L’intoxication chez les enfants se fait au début sans symptômes. Les effets se font sentir plus tard même si l’enfant a changé de comportement et de lieu de vie, principalement : baisse des capacités intellectuelles, troubles du comportement, anémie, pertes auditives. Dans les milieux sociaux concernés, les enfants n’étaient pas suivis en rapport avec le saturnisme. Quand un enfant montre des signes de déficience mentale, on dit dans des milieux peu éduqués qu’il est « retardé » et l’entourage mène rarement une investigation sur les origines de ce « retard ». Les médecins constatent dans l’instant les symptômes d’une affection sur la personne, et sont rarement formés pour intégrer les conditions de vie, l’environnement et l’origine sociale du patient, et encore moins disponibles pour se déplacer et observer le milieu de vie du patient. Des maladies qui sont les effets d’une plombémie élevée peuvent être soignées sans que le saturnisme soit diagnostiqué et que les causes environnementales d’une plombémie élevée soient recherchées. En cas de décès, la cause désignée de la mort – cancer, insuffisance rénale, etc. – peut résulter d’une plombémie élevée, et les informations permettant la détection du saturnisme sont faussées quand la présence de plomb dans l’organisme n’est pas signalée. Telle était la situation du saturnisme jusqu’à la fin du XXesiècle.

Un peu de politique. Les bâtiments construits avant 1949 contenaient des peintures à bas prix contenant jusqu’à 95 % de plomb en poids. Elles furent interdites à la vente en 1949 mais ce décret n’enlevait pas les peintures appliquées dans les bâtiments d’habitation. Dans les habitations vétustes souvent humides, rescapées de la guerre, ces peintures s’écaillaient et s’accumulaient au pied des parois, sur les sols des communs jamais nettoyés. Ces écailles de plomb presque pur ont un goût sucré et les petits enfants les recherchent pour les sucer ! Les enfants de la bourgeoisie ne résident pas dans des habitats humides dont les peintures s’écaillent. « La maladie des peintures » (le saturnisme infantile) ne sévissait que dans les quartiers habités par les pauvres et les immigrés des trente glorieuses.

Il existe des anecdotes qui valent plus qu’un long discours. Dans la ville de Rouen (Seine-Maritime, France) les journaux régionaux des années 1970 et 1980 faisaient grand cas d’intoxications au plomb concernant des enfants jeunes. Ces cas de saturnisme étaient traités par les médias de façon anecdotique et superficielle, comme si le hasard seul était à l’origine de ces drames. Par mon travail professionnel, j’étais informé des causes du saturnisme dans les quartiers délabrés, et aussi de l’absentéisme des services sociaux. Dans une réunion de militants, j’avais proposé que la question du saturnisme soit abordée, en expliquant sa dimension sociale. Aussitôt, un militant s’écria : « Ah Non ! On ne va pas commencer à parler des maladies ! Il y a des médecins pour ça ! ». Curieusement, aucun militant présent ne semblait connaître la cause et l’impact social du saturnisme. Ils ne croyaient pas que la défense des pauvres contre le saturnisme était une composante des luttes sociales. Pour eux, cette « maladie » était du ressort d’un « service social » ou d’un médecin, et nous avions« autre chose à faire ». Mon intervention ayant été furieusement interrompue, la proposition logique qui la concluait (connaître, intervenir) fut rejetée. J’ai observé des comportements semblables sur fond de culture parcellaire pendant des années. Seuls les militants de la Confédération syndicale des familles (CSF), de la CGT, et des infirmières, prenaient en considération ces informations et comprenaient le « caractère de classe » du saturnisme infantile parce qu’ils étaient au contact de travailleurs pauvres.

Abus de langage

Quelques écologistes des années 1970 ayant diffusé des analyses sommaires et des mots d’ordre pittoresques (« Economisez l’eau. Lavez-vous les dents avec un verre d’eau »), des militants avaient rapidement rejeté tout ce qui évoque « l’écologie ». Du temps est passé depuis 1970. Pourtant, en 2013, dans un congrès départemental d’une organisation anticapitaliste, la perspective d’organiser des activités « écologistes » fut rejetée. Mais la biosphère dégradée par le capitalisme avance vers des lendemains qui pleurent des larmes de sang. C’est pourquoi les luttes dites « écologistes » et les luttes sociales deviennent indissociables.

C’est par un abus de langage, et certaines méconnaissances à propos de l’écologie scientifique, qu’une barrière artificielle a été dressée entre l’écologie et les luttes sociales. Une conséquence de ces positions est que les anticapitalistes organisent rarement des réunions publiques sur ces thèmes en dépit de déclarations on ne peut plus radicales : « La crise écologique, dont le basculement climatique est l’expression la plus inquiétante, représente une menace sans précédent pour l’humanité et la biosphère. Une catastrophe irréversible se profile. » (l’Anticapitaliste, hebdomadaire du NPA, France, n° 237, mai 2014). La rareté des actions publiques organisées par les anticapitalistes sur ces thèmes leur donne une cape d’invisibilité ou fait croire, à tort, que ces questions ne les intéressent pas, comme on l’entend dire dans les réunions de naturalistes et dans les laboratoires.

Le 20 juillet 2014

Yves Dachy (ydac34@orange.fr)

Bibliographie sommaire :

Lire quelques ouvrages scientifiques (et plus) n’est pas un effort insurmontable dans une vie de militant.

Bonneuil C., Fressoz J.-B., L’événement anthropocène – La Terre, l’histoire et nous. Coll. Anthropocène, Seuil 2013.

Dajoz R., Précis d’écologie. Dunod 2000 (7e édition).

De Wever P. et Coll., Paléobiosphère – Regards croisés des sciences de la vie et de la Terre. Vuibert 2010.

Gauthier-Clerc M., Thomas F., Écologie de la santé et biodiversité. De Boeck 2010.

Krause B., Le grand orchestre animal. Flammarion 2013.

Leakey R., Lewin R., La sixième extinction. Champs 1995.

Lethiers F., Evolution de la biosphère et événements géologiques. Gordon Breach Science Publichers 1998.

Löwy M., Écosocialisme. Mille-et-une Nuits 2011.

Luminet J.-P., Astéroïdes : la Terre en danger. Cherche-Midi. 2012.

Ramade F., Eléments d’écologie – Ecologie appliquée. Dunod (6e éd. 2005, 7e éd. 2012).

Ramade F., Le grand massacre – L’avenir des espèces vivantes. Hachette 1999.

Tanuro D., L’impossible capitalisme vert. La Découverte 2010.

Schneider J.-L., Les traumatismes de la Terre – Phénomènes naturels extrêmes. Vuibert 2013.

Articles en ligne :


Notes

[1] Cette citation est extraite d’un article d’André Gorz publié en 1974. Il fut repris dans plusieurs revues et souvent cité. C’était un article pionnier, court et sans développement, mais à rebours de tous les courants qui érigeaient, à l’époque, l’écologie en politique autonome en essayant de se dépêtrer entre autogestion, socialisme, communisme et stalinisme. C’était la première fois qu’un article posait la question des rapports entre capitalisme et écologie, Il reste d’actualité 40 ans plus tard avec l’existence de courants et d’organisations qui maintiennent leurs distances par rapport à un horizon politique anticapitaliste.

Pour lire l’article complet, voir sur ESSF (article 5273), Leur écologie et la nôtre :
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[2] Le présent article rédigé pour INPRECOR n’est pas une publication au niveau de la recherche scientifique. Il s’appuie cependant sur des acquis appartenant à des sciences diverses. C’est pourquoi il n’est pas possible de donner des références de publications scientifiques pour un article limité, dense et synthétique, comme le reproche nous en avait été fait lors d’un précédent article. Nous donnons seulement les références de publications facilement accessibles et intéressantes pour les militants, comme peut le faire un conférencier. Le chapitre 1 s’inspire d’ailleurs d’une conférence tenue avec des naturalistes.

[3] Pierre Rousset, ESSF (article 31434), Les réfugiés climatiques : de nouveaux mouvements sociaux, de nouvelles responsabilités solidaires
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[4] Voir sur ESSF (article 32347), Pesticides systémiques : le déclin massif des insectes menace l’agriculture – Toute la chaîne de la biodiversité est contaminée :
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[5] Yves Dachy, ESSF (article 25932), La biodiversité oubliée
http://www.europe-solidaire.org/spi...

* Cet article est paru dans Inprecor n° 605/606 de mai-juin-juillet 2014 (http://orta.dynalias.org/inprecor/). Il a été revu et complété pour ESSF.

* Yves Dachy est entomologiste, Président d’une association de naturalistes et militant anticapitaliste.

Mis en ligne le 21 juillet 2014
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