par Pierre CARAVANO - Administrateur de la Convention Vie et Nature
La différence entre anthropocentrisme et anthropomorphisme mérite d'être examinée.
- Un anthropocentriste considère que l'humain est (philosophiquement) au centre de l'univers (ou de la création, s'il est croyant) et qu'à ce titre l'humain a tous les droits sur les autres espèces et sur la planète en général pour subvenir aux besoins de sa propre espèce.
- L'anthropocentrisme justifie tout (la déforestation, la vivisection, l'exploitation du gaz de schiste, le réchauffement climatique...etc) pourvu que cela serve les besoins ou les intérêts de l'espèce humaine.
- L'anthropocentriste est un farouche partisan du "progrès"; notion dont il se sert pour nier la barbarie contemporaine. Par exemple : Claude ALLÈGRE est un anthropocentriste forcené.
- L'écologie est une première nuance apportée à l'anthropocentrisme; mais ce n'est que la première. Car il existe bien une "écologie anthropocentriste".
- Dans un deuxième temps, l'anthropocentriste considère que la chasse ou la corrida sont des loisirs acceptables compte tenu qu'ils canalisent l'agressivité des humains contre des exutoires non humains...
- On ne peut communiquer avec un anthropocentriste que si on lui démontre que telle ou telle pratique peut devenir à un moment donné (par mimétisme) dangereuse pour l'humain.
- L'anthropocentrisme est une version dégradée de l'humanisme, car c'est un humanisme qui a perdu sa composante universaliste.
- Un anthropocentriste par définition ne peut pas être biocentriste.
- L'anthropomorphisme quant à lui consiste à prêter aux animaux des caractéristiques, des intentions, des comportements, ou des besoins similaires à ceux des humains.
- Les versions dégradées de l'anthropomorphisme consistent à traiter les animaux exactement "comme" des humains (les habiller, les pomponner, les emmener chez le coiffeur, voire chez le psychanalyste...). C'est à dire leur empoisonner la vie toute la journée, les empêcher de vivre leur vie d'animaux et donc, in fine, leur manquer de respect en les niant dans leur nature fondamentale d'animaux.
- De ce point de vue la sensibilité "scientifique" de certains animalistes est tout à fait légitime. Il faut en effet faire en sorte que, "domestiques" ou "sauvages", les animaux puissent avoir une vie conforme à leurs besoins physiques, psychologiques, affectifs...
- Mais l’anthropomorphisme ne signifie pas qu'il faut nier que les animaux puissent avoir de grandes similitudes avec les humains.
A fortiori chez les vertébrés supérieurs et autres espèces évoluées dont le système nerveux est identique au nôtre et qui nous sont similaires à 99% du point de vue structurel (à telle enseigne qu'on les élève aussi pour des greffes d'organes !)
- Il est donc tout aussi légitime de les aimer et de leur manifester des comportements d'affection comme on le ferait pour d'autres êtres humains.
- Et mieux que cela, comme on ne peut pas expliquer à des animaux ce qu'on expliquerait verbalement à des humains, on est obligé de compenser parfois par un comportement encore plus affectueux (rassurer en permanence par la caresse ou par le timbre de la voix un animal inquiet; lui donner des effets personnels pour qu'il ne stresse pas trop pendant notre absence, être particulièrement attentif à ses besoins...etc).
- De ce point de vue se considérer comme le "papa" ou la "maman" des animaux dont on s'occupe me paraît normal. Et je suis sûr que cela répond à leurs besoins affectifs réels à partir du moment où on les respecte dans leur nature.
- L’anthropomorphisme est donc un réflexe naturel dès lors qu’il s’accompagne d’une sensibilité biocentriste qui garantit le respect des autres espèces.
Je vous renvoie enfin au magnifique poème de Vigny, "La Mort du Loup", qui pousse l'anthropomorphisme à son point culminant en prenant le comportement du Loup devant la mort comme un modèle pour les humains.
"Il disait : si tu peux fais que ton âme arrive
À force de rester studieuse et pensive
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté..."
Je suis convaincu que la poésie est égale à la science sur les chemins de la vérité.
C'est la richesse, la complexité, l’ambiguïté et – pourquoi pas ? – la « transcendance » du vivant qui veut cela…
PC.
Merci pour votre boulot.