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L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est incompatible avec la biodiversité, jugent des scientifiques
par MARIE ASTIER (REPORTERRE).
mardi 10 février 2015
Le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité vient de rendre un avis négatif sur les impacts du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
C’est le troisième rapport de ce type.
Et encore un. Un avis scientifique de plus qui estime qu’en l’état actuel, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n’est pas compatible avec la préservation
de la biodiversité.
Cette fois-ci c’est le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité qui s’exprime. Cet organe indépendant, bien que rattaché au ministère de l’Ecologie, rassemble des experts de l’environnement venant à la fois des sciences dures (naturalistes, agronomes,etc) et des sciences sociales (sociologues, philosophes, etc).
Les 1.400 hectares sur lesquels s’étendrait l’aéroport, qui sont pour 98 % une zone humide, « abritent des cortèges floristiques et faunistiques remarquables,
présentant une grande valeur patrimoniale », note-t-il dans un avis publié le 2 février.
Le projet d’aéroport prévoit donc une « compensation » : de nouvelles zones humides seraient créées dans les environs de l’aéroport. Mais le Conseil se
montre très dubitatif face à cette solution car « les bilans de telles opérations de compensation sur des zones humides restent très insatisfaisants. »
En clair, on ne pourra pas recréer ailleurs une zone humide aussi riche en biodiversité et en services écologiques que celle de Notre-Dame-des-Landes. Le
conseil « émet donc un avis défavorable à la destruction de cet ensemble très original par la réalisation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ».
Une zone humide « pas compensable »
Cette conclusion ravit le
Collectif d’élu-e-s doutant de la pertinence du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes.
C’est une preuve de plus que « le choix du site de Notre-Dame-des-Landes, fait dans les années 70, n’était pas pertinent compte tenu des problèmes environnementaux
qu’il pose », expliquent-ils dans une lettre adressée à la ministre de l’environnement Ségolène Royal.
« Le Conseil n’a pas fait dans la dentelle pour dire non, c’est inhabituel pour des scientifiques », se félicite également François de Beaulieu, naturaliste
et historien breton, actif dans la lutte contre l’aéroport.
Selon lui, cet avis vient enfoncer le clou, après toute une série de rapports et d’avis qui émettent de fortes réserves :
- La conclusion de l’enquête publique sur le respect de la loi sur l’eau,
à l’été 2012. Elle est favorable à la construction de l’aéroport, mais à condition que la méthode de compensation soit validée par un comité d’experts.
- Ce comité d’experts rend un rapport en avril 2013, moins d’un an plus tard. Il émet de nombreuses réserves sur la possibilité de compenser la destruction de la zone humide. « Ces réserves devraient être
levées pour que le projet puisse être poursuivi », conseillent les experts.
- Puis c’est au tour du Conseil National de protection de la nature de se prononcer. Il reprend les mêmes réserves, et demande
un délai de deux ans pour effectuer des études.
- Enfin arrive aujourd’hui l’avis du Conseil scientifique de la biodiversité. Après avoir invité l’un des auteurs du rapport des experts, Ghislain de Marsily,
il se prononce sans ambiguïté contre la destruction de la zone humide.
« Cela confirme ce que disent tous les experts et les opposants à l’aéroport : la zone humide de Notre-Dame n’est pas compensable », estime François de
Beaulieu. Seul problème, « aucun des avis de ces conseils n’a de valeur légale, le préfet ou le gouvernement peuvent s’asseoir dessus », déplore le naturaliste.
Éviter de détruire, la meilleure solution
Virginie Maris, philosophe de l’environnement et membre du Conseil, précise :« L’avis ne se prononce pas sur le projet d’aéroport », mais juste sur la préservation
de la zone humide. Avec ses collègues, ils s’intéressent depuis quelque temps à la « compensation écologique ». « Et on a des réserves »,explique-t-elle.
Pour preuve,
une fiche
rédigée par le Conseil pour la ministre Ségolène Royal, qui l’avertit « d’une grande incertitude quant aux succès de restauration des milieux naturels »
et lui rappelle que « la meilleure façon de ne pas perdre de biodiversité reste l’évitement. » En d’autres termes, l’état de nos connaissances scientifiques
ne nous permet pas de détruire puis recréer des écosystèmes. Il vaut mieux tout simplement les préserver.
Alors, cet avis peut-il servir aux opposants à l’aéroport ? Au moins, « il apporte la preuve que le ministère a été averti des conséquences d’une destruction
», estime la philosophe. « Il peut être utilisé pour les recours devant le tribunal administratif, ajoute François de Beaulieu. Cela montre qu’on a des
arguments scientifiques très forts. »
Ce sera donc une pièce de plus dans le dossier des opposants. Ils contestent les arrêtés pris par le préfet sur la loi sur l’eau et les espèces protégées.
Rendez-vous devant le tribunal administratif de Nantes fin février ou début mars.