Mon cher Jean-Claude,
Alors que se profile 2012, nous ne pouvons terminer 2011 sans avoir une énorme pensée pour toi. Voilà un an que tu nous as quittés, laissant un grand vide dans nos cœurs.
Rassure-toi, tes idées, ton esprit, ton engagement biocentristes perdurent à travers tous les militants de la CVN. Lourde responsabilité que de te succéder à la vice-présidence de notre association. Mais avant tout immense honneur.
2011 ne fut pas une année de tout repos pour le Vivant, loin s’en faut. Peu après ton départ, nous avons changé de ministre de l’écologie. Tu as connu cette espèce d’hirsute qui, ministre, a délivré des permis de forage pour aller chercher ces fameux gaz de schiste. Une fois redevenu député, figure-toi que la première chose qu’il a faite, c’est de dénoncer ces permis ! Il était tellement déçu de ne pas avoir obtenu le fauteuil de Premier ministre qu’il s’est déclaré candidat à la présidentielle. Mais le petit Nicolas a fait les gros yeux et il est rentré bien vite dans le rang. Après tout cela, il s’est permis de sortir un bouquin au titre à se rouler par terre : « Libre et engagé ».
Donc il a été remplacé par une grande rouquine qui avait déjà œuvré à ses côtés. Sous ses airs de Sainte Nitouche, elle a obtenu la peau de l’ours dans les Pyrénées, du loup dans les Alpes, du Tétras Lyre et bientôt de la Bernache du Canada. Côté faune, il n’y a plus grand-chose à éradiquer. Alors comme elle est également ministre des transports, elle a décidé en ces fêtes de fin d’année de s’attaquer au droit de grève dans les aéroports.
Ces gens-là, les acquis sociaux, les trésors de la nature, ça les insupporte. Pourquoi ? Parce que ça profite au peuple d’en bas, ça perturbe les profits de leur petite caste féodale (un ouvrier en grève, on ne peut plus l’exploiter, un ouvrier qui se promène avec sa petite famille dans les forêts ou montagnes et admire faune et flore, ça ne rapporte rien).
2012 et son élection présidentielle vont nous permettre de virer ces nostalgiques de la noblesse et du Tiers-Etat. Doit-on espérer pour autant voir notre cause avancer ? Je crains bien que non.
Il y aura un candidat PS mais dont l’équipe de campagne est infestée d’aficionados.
Il y aura une candidate Europe-Ecologie Les Verts mais qui ment comme elle respire : elle signe le manifeste du Crac Europe en 2010 contre la corrida, puis un an plus tard se dit en faveur de la corrida et de la chasse à courre, traditions respectables. De plus, la direction de son parti a négocié quelques sièges bien au chaud au Parlement en échange du maintien de nos poubelles nucléaires nationales qui se fissurent de partout et où il est aussi difficile de s’introduire que dans le centre commercial du coin.
Beaucoup d’entre nous ont à un moment cru voir un espoir en le candidat du Front de gauche. Fort en gueule, n’ayant de cesse de dénoncer le pillage de nos richesses par le CAC 40, prônant l’humain d’abord, criant partout que la seule parole légitime, c’est celle du peuple. Un peuple qui se prononce à 70 % pour l’abolition de la corrida, à 87 % pour la protection de la faune sauvage. Mais lui comme les autres, lorsqu’il faut s’attaquer aux groupuscules taurin et cynégétique qui représentent moins de 2 % de ce peuple, il se dégonfle et rejoint la grande famille des pleutres de notre classe politique française.
Oh, certains candidats ont compris que le bien-être et le respect étaient des valeurs universelles ne pouvant pas s’appliquer efficacement si elles étaient réservées à une seule espèce, en l’occurrence la nôtre. Comptons sur les partis traditionalistes pour les empêcher d’obtenir les 500 fameuses signatures, devant ainsi sortir du jeu électoral.
Tu vas me dire, mon cher Jean-Claude, que l’on peut trouver des relais ailleurs que dans le monde politique. Les médias par exemple. Détrompe-toi, c’est même le contraire. Bien muselés par le pouvoir en place, au mieux ils taisent nos revendications. Mais bien souvent il leur faut faire l’apologie de la souffrance animale. Ainsi Jean-Pierre Pernaut reste égal à lui-même, c'est-à-dire le grand thuriféraire de la chasse. France 2 a pris également le chemin de la médiocrité et se fait une joie de diffuser ses reportages sur la barbarie des arènes et du foie gras. A la radio, il n’y va pas mieux. Prend en exemple France Inter, et sa plage de plus grande écoute, c'est-à-dire le 7-9 du matin : il n’y a pas une semaine sans qu’un reportage soit diffusé louant la maltraitance animale, où les journalistes prennent alors un ton mielleux, rieur, semblant sadiquement se délecter de ce qu’ils exposent. Dernièrement, c’étaient 80 oiseaux exotiques interceptés par les douanes de Roissy et congelés vivants par les services vétérinaires. Cela m’a fait énormément de peine, pour ces malheureux êtres qui ont vécu un calvaire, mais aussi que l’on puisse appeler vétérinaires des barbares dénués d’empathie.
Si ça peut te « rassurer », cette médiocrité n’est pas uniquement réservée aux animaux : l’humain a son lot quotidien également. Tandis que des millions de gens continuent de mourir de faim au sein de la corne de l’Afrique, alors que des dizaines de Syriens se font massacrer chaque jour qui passe, malgré que le nombre de SDF n’ait jamais été aussi élevé dans notre pays, seules deux choses ont obnubilé nos grands médias durant le mois qui vient de s’écouler : la neige qui se faisait attendre dans les stations de ski et les nouveaux horaires de la SNCF…
Heureusement que dans cet océan de médiocres surnagent Luce et Charlie pour nous mettre un peu de baume au cœur chaque mercredi.
Tu comprendras donc, mon cher Jean-Claude, que 2012 ne se présente pas non plus sous les meilleurs auspices. Que les ennemis du Vivant sont encore bien nombreux et qu’ils ne se priveront pas de s’adonner à toutes les ignominies possibles et imaginables. Convaincus qu’ils nous affaiblissent à chaque atrocité.
Finissons donc sur une note positive en disant qu’au contraire, que chacun de leurs coups bas ne fait qu’attiser notre motivation à les combattre, notre pugnacité à les dénoncer, et en cela nous finirons par les vaincre.
Pourquoi donc ? Comme l’a dit si bien notre président Gérard Charollois lors de la manifestation du 28 mai dernier : « parce que nous sommes la générosité, nous sommes la civilisation, nous sommes l’intelligence du cœur, alors qu’ils ne sont que la barbarie ».
Bien à toi, mon cher Jean-Claude.
David Joly
Vice-Président CVN