Parce que des élus passéistes décidèrent, dans le TARN, de sacrifier une forêt humide, riche de biodiversité, à des appétits privés, Rémi FRAISSE, étudiant de 21 ans botaniste et militant pour la nature, est mort, victime de violences policières.
Ne doutons pas qu’il eut fait de sa vie interrompue un bon usage.
La vie est la valeur première, pour nous. Mais, pas pour eux.
Eux, ce sont les affairistes qui mènent la société à sa perte, qui condamnent la nature à une destruction absolue sous le paravent imposteur de la « croissance », de « l’emploi », du « progrès ».
Depuis l’apparition de la société mercantile et financière, nous assistons à ce mariage funeste de la politique, tous partis de gouvernement confondus, et du béton.
La « croissance », « l’emploi », le « progrès » masquent de sordides intérêts et la décentralisation est un terreau fertile pour le népotisme et les petits arrangements entre amis.
La France est championne d’Europe des ronds-points. Sur le continent, un rond-point sur deux est Français.
Les grands travaux, les aménagements qui ne sont que des déménagements de la nature permettent de transférer de l’argent public dans des caisses privées.
Les économies, les réformes, l’abandon des « droits acquis » ne valent pas pour tout le monde.
Les copains et les coquins doivent prospérer au détriment du vivant et de l’intérêt général.
Nul ne posera, aux élus, cette simple question :
Avec les sommes détournées du budget de l’Etat, des collectivités territoriales, de l’Europe au profit des aménageurs, combien d’emplois auraient-on pu créer, non pour détruire, mais pour servir le bien commun ?
Partout, des élus locaux usent de leurs pouvoirs et des moyens financiers collectifs pour saccager les espaces naturels, couler de l’asphalte et du béton.
Et lorsque tout sera bétonné ?
Ils ne seront plus là pour répondre de leurs crimes contre la terre.
En attendant, ils veulent de la « croissance » pour créer des « emplois » ?
Non.
Pour accroître les profits de quelques-uns.
Car, avec l’argent dilapidé pour massacrer la nature, ils pourraient créer massivement de vrais emplois d’utilité publique.
De NOTRE DAME DES LANDES à la forêt de SIVENS, c’est le même affrontement essentiel de deux sociétés opposées.
D’un côté, les tenants d’une croissance nocive, exclusivement marchande, infinie dans un monde fini, purement quantitative et contre nature.
De l’autre côté, les partisans d’une société plus douce, plus favorable au vivant, plus solidaire, réconciliée avec la nature et plus soucieuse de l’homme que du profit.
Ce clivage fondamental s’est substitué à celui du siècle passé qui vit se heurter, d’un côté, les exploiteurs cossus et maîtres de forges et de l’autre les masses laborieuses et dangereuses des mineurs, des sidérurgistes et des ouvriers des filatures.
Déjà, les premiers faisaient tirer sur les seconds par leurs gendarmes et les autorités couvraient les « bavures » sanglantes.
Déjà, la violence sociale et la misère se doublaient de la brutalité de la soldatesque aux ordres des possédants.
Déjà, la presse sous contrôle vendait de la peur aux séniles.
Aujourd’hui, la finance ne craint plus les masses laborieuses puisqu’elles ont disparu.
Le foyer de résistance à la dévastation planétaire réside dans les mouvements écologistes, alternatifs, libertaires.
Comme les conservateurs d’antan effrayaient le petit bourgeois en brandissant la peur des partageux, les manipulateurs d’opinion de notre temps, mentionnent le « casseur », « l’anarchiste », « l’émeutier », présents de tous temps en queue de manifestation, histoire de bien contrôler les cerveaux disponibles.
Comme ils aimeraient, les agents de communication du monde des affaires, qu’un écologiste commette une vraie, une belle agression, de celle que l’on peut exploiter pour mettre les frileux, les modérés, les gens d’ordre, du « bon côté ».
Malheureusement, pour leur désinformation, pas le moindre attentat, pas le moindre incendie de perception ou de locaux de la MSA.
Ce sont les « bons agriculteurs », bien réactionnaires, solidement campés dans le productivisme qui font flamber les bâtiments publics.
Rien d’intéressant pour la propagande des médias sous contrôle du BTP et de l’armement, juste quelques affrontements entre la police et des jeunes gens qui se défoulent.
L’écologie n’a pas de sang sur les mains.
Ceux d’en face ne peuvent pas en dire autant.
Oui, mais les « anarchistes lançaient des projectiles sur les forces de l’ordre et ils allaient détruire un grillage de chantier ». !
Pour protéger un grillage de chantier, on a tué un jeune botaniste pacifique de 21 ans.
Pitoyables sont les tenants de l’ordre établi, dans leur embarras, face au meurtre, dont la hiérarchie militaire affirme avec indécence, avant les investigations judiciaires, qu’il ne fera l’objet d’aucune sanction, délivrant ainsi un permis de tuer.
Observons que les forces de l’ordre se montrent infiniment plus combatives face aux jeunes femmes et aux étudiants écologistes de SIVENS ou des manifestations anticorrida que face aux commandos de la France rurale !
C’est que notre contestation pacifique, non-violente, fait davantage peur aux tenants de la société de profits que les accès de rage destructrice des conformistes adeptes du productivisme.
Nous, biocentristes, remettons en cause, avec leurs dogmes économiques, leurs intérêts, leurs turpitudes financières, leurs petits arrangements.
Rémi FRAISSE est mort pour une grande idée : une humanité réconciliée avec la nature et avec elle-même.
Il ne saurait être mort pour rien.
Dépourvus de conscience, j’entends certains élus locaux pressés de reprendre les « affaires » et de réaliser leur barrage lucratif.
Par-delà les commentaires, mentionnons un fait : Le conseil général du TARN commanda ce barrage sur-dimensionné à une COMPAGNIE DES COTEAUX DE GASCOGNE, présidée par le vice président du Conseil génral du GERS. L’étude préalable fut confiée à cette compagnie.
Après d’autres femmes et hommes de mieux assassinés, dans le passé pour de justes causes, par les « hommes d’ordre », Rémi FRAISSE est mort pour une idée qui est nôtre.
Mourir pour une avancée, pour une idée, pour des valeurs ne devrait plus se justifier dans une société civilisée.
Les faits prouvent, une fois de plus, que cette société ne l’est guère.
Quand elle le sera, nous pourrons vivre et non mourir pour des avancées, des idées, des valeurs.
Mourir pour une cause est triste, mais ne sommes-nous pas condamnés à devoir mourir un jour pour rien ?
Gérard CHAROLLOIS