Deux facteurs concourent à anesthésier les consciences :
- Le pusillanisme, forme élégante de la lâcheté naturelle poussant chaque individu à fuir le risque de déplaire ;
- Le nihilisme d’une époque sapée par un hédonisme dépourvu d’altruisme, fruit du libéralisme économique.
Pour nombre de contemporains, tout se vaut, au nom de la vertu voltairienne qui énonce : « Je ne pense pas comme vous, mais je suis prêt à me battre pour que vous puissiez penser ce que vous pensez ».
Cette maxime est juste s’agissant de la liberté de pensée et de celle corrélative d’expression des avis et convictions.
Allant au-delà de l’ordre moral français qui prohibe certaines doctrines, je préconise l’absolue liberté d’expression des idéologies, quelles qu’elles soient et le refus d’inquiéter quiconque pour l’exercice de sa liberté d’opinions.
Dire qu’il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté revient à saper le principe que l’on prétend défendre.
C’est de la confrontation, du heurt des convictions, du fracas des débats d’idées que s’alimente la liberté.
Rien n’est pire que le consensus, l’absence d’alternative, le refus des issues de secours multiples.
Lorsqu’il n’y a qu’une pensée, qu’un système’, qu’une seule option, la liberté s’éteint.
Cela ne signifie nullement que tout se vaut et qu’il ne faille pas combattre idéologiquement les pensées et les systèmes politiques désastreux, les fait sociaux funestes.
Il y a des vérités et il y a des erreurs, et même des mensonges et des crimes.
Il y a des pensées utiles, positives, généreuses et des propositions calamiteuses.
Ne confondons jamais la lutte nécessaire, salutaire, radicale, déterminée, claire et ferme contre les idéologies et les faits sociaux mauvais et l’absurde lutte contre des hommes.
La terre n’est pas plate et le soleil ne tourne pas autour d’elle.
Elle n’a pas six mille ans d’âge et l’humain n’est pas apparu en complet veston sur une plage, d’un premier jour.
Une civilisation qui garantit à la femme les mêmes droits qu’à l’homme vaut mieux qu’une civilisation qui la subordonne à son mari et la lapide pour adultère. Une société qui reconnaît la liberté de modes de vie des homosexuels est préférable à celle qui les met à mort.
Un Etat qui respecte les droits de ses citoyens est supérieur à un Etat féodal, mafieux ou théocratique.
Une doctrine qui libère mérite d’être saluée, alors qu’un système qui abrutit doit être dénoncé.
Mais, la lâcheté alliée au nihilisme empêche d’assumer ce grand combat des valeurs.
Nos contemporains confondent la tolérance de la pensée d’autrui et une démission de la volonté de promouvoir les valeurs supérieures.
Oui, les droits de l’homme et mieux ceux du vivant valent mieux que leur négation.
Or, moralement, le monde contemporain fait faillite.
L’illustration de cette faillite se révèle dans le fait que lorsqu’un chef d’Etat occidental se déplace à l’international, il emmène avec lui une cohorte d’affairistes, de patrons, dans le dessein de passer des contrats.
Il abdique à promouvoir la raison, la science, l’intelligence, les valeurs éthiques. S’il le faisait, il emmènerait avec lui des philosophes, des scientifiques, des penseurs de son pays.
Comment s’étonner de découvrir, à chaque instant, par scandales à répétition, que la corruption, l’amour de l’argent mal gagné par l’exploitation, gangrènent les amis des palais nationaux ?
Le commerce leur tient lieu d’éthique.
Tolérer l’intolérable n’est pas une vertu, mais une capitulation de la raison.
Sont intolérables l’assassinat, le viol, l’esclavage, la relégation des femmes, l’excision des fillettes, la persécution fondée sur des différences de mœurs, la censure, les arrestations arbitraires, et, pour nous, biocentristes, la maltraitance animale, puisque l’animal éprouve la souffrance.
La lâcheté pousse nombre d’individus à ne pas oser condamner la chasse, la corrida, les usines à cochons ou à veaux.
Le devoir de respecter tout individu dans ses convictions ne dispense nullement du devoir corrélatif de combattre les faits sociaux contraires aux valeurs essentielles.
Nuire à autrui est une perversion, non l’exercice légitime d’une opinion.
Célébrer la pulsion de mort est intolérable.
Mais, pour les pusillanimes, les planqués du « juste milieu », (ceux qui auront nécessairement tort), il faut relativiser et surtout ne pas déranger les puissances du jour.
En juin 1940, 80% des Français étaient pétainistes et quatre ans plus tard 80% étaient résistants !
Aujourd’hui, nombre de caractères faibles n’osent pas s’exprimer face aux potentats du temps, aux intouchables dont on craint les menées fascisantes et les capacités de nuisances, d’ostracisme .
Les «prudents » veulent être promus, décorés, subventionnés, et se gardent bien de dire la vérité face aux lobbies de la chasse, de certains groupements d’exploitants agricoles et de promoteurs.
Les pratiques contre nature, la dictature de fait sur l’appareil d’Etat de certaines officines sont intolérables.
Ne tolérons pas l’intolérable et ne bêlons pas à l’unisson du troupeau des opportunistes qui flattent les potentats qu’ils conchieront demain lorsqu’ils seront abattus.
Gérard CHAROLLOIS