Il y a, d’une part, ceux qui militent pour la sauvegarde des espèces, parfois indifférents au sort des individus qui les composent et, d’autre part, ceux qui protègent l’individu, dans l’ignorance de la merveilleuse diversité naturelle.
Et puis, il y a les cohérents, ceux que préoccupent la survie de la biodiversité et le respect de tout être vivant.
La notion d’espèce est une abstraction, si l’on oublie les individus qui la composent.
A titre d’illustration, je dirai que le crime contre l’humanité n’existe pas et que ce que les juristes, les philosophes, les gouvernants désignèrent par cette expression est un crime qui, par son ampleur, le nombre de ses victimes, l’horreur des motivations de ses auteurs, le place en dehors du champ moral.
Mais une espèce, fut-elle, humanité ne ressent rien.
Nul ne pourra jamais déjeuner avec l’humanité.
Tout individu humain vaut davantage que l’humanité.
Car les espèces s’incarnent dans chaque représentant du groupe.
Je considère dès lors comme absurde la séparation entre « écologistes collectionneurs de raretés biologiques » et « animalistes étrangers à la nature ».
Les deux démarches me semblent indissociables, avec leurs dimensions rationnelles et émotionnelles, dans une éthique biocentriste.
Le biocentrisme dépasse l’approche esthétisante du naturaliste contemplatif et de pure charité faite au vivant.
C’est l’invitation à une révolution conceptuelle et comportementale : la reconnaissance du vivant dans sa diversité.
L’appauvrissement de la biodiversité, la disparition des balbuzards, des circaètes et des tétras m’afflige et la mort d’un étourneau ne cesse pas de me rappeler la fragilité de la vie.
Pourquoi devrait-on opposer l’amour de la nature, de sa luxuriance, de sa générosité en formes de vies, lorsque le grand nuisible daigne ne pas la massacrer, et l’empathie pour tout être vivant dont la souffrance et la mort sont toujours révoltantes.
Vous lirez souvent sous des plumes esthètes qu’il convient de lutter contre les « espèces invasives ».
Or, ce qui vaut est la richesse, la diversité du vivant et non une nature muséifiée en un état qui fut le sien au début du 20’me siècle.
Toutes les espèces furent, un jour, invasives car la nature n’a jamais été figée.
Ce qui est préoccupant, ce qui doit être combattu, le crime imputable au grand nuisible est l’appauvrissement de la nature, prélude à sa disparition.
Bien sûr, l’homo économicus et son commerce mondialisé introduisent plantes et animaux exogènes dans un milieu que ces arrivées « artificielles » peuvent perturber.
La faute en incombe au commerce et non aux espèces ainsi introduites.
Gardons-nous de tous les prétextes à massacres, fusillades, piégeages, empoisonnements dont le grand nuisible est addictif.
L’érismature à tête rousse et la bernache du Canada sont de bien piètres menaces pour l’avifaune indigène confrontée aux guerres d’exterminations perpétrées par les tueurs agréés et les expulsions de territoires résultant des grands travaux des spéculateurs.
Prétextes à des destructions, ce concept « d’espèces invasives » est un paravent pseudo-scientifique de tueries.
C’est que l’homme n’aime pas la nature.
Il ne souffre que les jardins bien rangés, les parcs domestiqués, vouant les broussailles
Et les forêts non cultivées à la « vermine » et à ses vieilles peurs de la vie sauvage.
Sans en avoir conscience, l’homme ne supporte aucune forme de vie échappant à son profit et il suffit pour s’en persuader de mesurer sa hargne contre les trois ou quatre espèces d’oiseaux et de mammifères parvenant à survivre dans l’univers hostile des villes modernes.
L’homme aime maîtriser et commence seulement à prendre conscience que sa maîtrise pourrait devenir sa perte.
Perte salutaire si l’homme s’avérait incapable de muter en protecteur du vivant, mais perte déplorable s’il accédait, comme nous l’invitons, à cesser d’être infernal à ses semblables et à ses frères, tous vivants, peuplant la biosphère.
Gérard CHAROLLOIS
CONVENTION VIE ET NATURE
MOUVEMENT D’ECOLOGIE ETHIQUE ET RADICALE
POUR LE RESPECT DES ÊTRES VIVANTS ET DES EQUILIBRES NATURELS