Malgré les récriminations des chasseurs et autres éleveurs, le très frileux législateur français introduisit dans le code civil une mention audacieuse, quasi-iconoclaste pour les réactionnaires : l’animal est un bien meuble, mais un être doté de sensibilité.
(Loi du 16 février 2015. Article 515 – 14 du code civil : « l’animal est un être vivant doté de sensibilité soumis à la législation sur les biens »).
Que voilà une proclamation révolutionnaire !
On l’ignorait, sans doute !
Bien sûr, il ne s’agit-là que d’une pétition de principe et le docile législateur promit aux lobbies de l’arriération que cet affichage n’aurait aucune incidence pour leurs valeureuses traditions sanguinaires : chasse, tauromachie, élevage industriel, gavage et autres marques de l’avilissement moral des homo economicus.
Les lobbies n’avaient rien à redouter d’une reconnaissance symbolique exigée par l’opinion publique et les connaissances scientifiques du temps.
C’est que la biologie enseigne que par-delà la diversité des formes, existe une unité profonde du vivant.
La paléontologie confirme l’évolution des espèces et leurs embranchements remontant à des ancêtres communs, depuis la soupe primitive où apparut d’abord L’ARN, sigle devenu célèbre depuis quelques mois, précurseur de l’ADN.
Impossible de nier que le cerf aux abois et le taureau supplicié dans l’arène souffrent pour la jouissance sadique de pervers que le conformisme et la couardise interdisent de qualifier de ce qu’ils sont.
Le système nerveux des vertébrés se construit selon des plans d’embryogénèses similaires et l’animal perçoit, d’une part la douleur, processus purement neurologique, mais aussi la souffrance, degré d’assimilation consciente de cette douleur et de l’effroi.
Pour les lobbies, il serait tellement confortable de nier les évidences, les faits, les données objectives des connaissances et de considérer l’animal comme une chose, une marchandise, une mécanique.
Or, le sadisme ne se satisferait pas de l’absence de caractère sensible et souffrant de sa victime.
L’amateur de corrida n’éprouverait aucun intérêt à voir un homme fracasser une imposante machine de métal.
Le plaisir de la chasse et de la corrida tient à cette souffrance infligée, au sang qui coule, à la mort érigée en jeu et spectacle.
C’est parce qu’il est un être sensible que l’animal sert d’exutoire à la perversité d’une minorité d’humains.
Qu’est-ce que la perversité ?
Rien d’autre que le fait d’éprouver du plaisir à générer de la souffrance à autrui.
En cela, par définition même, chasse et tauromachie sont des perversités absolues.
En criminologie, il est établi que les tueurs en série et les tortionnaires sociopathes ont toujours commencé leurs sinistres carrières en s’exerçant sur les animaux.
Je l’ai constaté personnellement dans mes fonctions juridictionnelles et je me souviens, entre autres, d’un individu inquiétant jugé pour avoir ébouillanté son codétenu dont le dossier révélait qu’il s’amusait à enfoncer des tiges métalliques dans des pigeons vivants.
Quelques années plus tard, ayant accompli sa peine, cet individu tuait un homme à coups de hache.
Comble de la perversité, ces actes révèlent cependant un sombre versant de l’esprit humain.
Sans atteindre ce degré d’avilissement, combien d’humains jouissent encore du plaisir malsain de caresser une arme, instrument dont l’unique dessein est de donner la mort ?
Ce débat sur les armes fracture la société américaine, mais pas uniquement.
Nous avons un embryon de « national rifle association » dont le lobbyiste est également celui appointé par les fédérations de chasseurs pour tirer les ficelles de la marionnette présidentielle.
Je pense, à l’instar de Théodore MONOD, que le processus d’hominisation n’est pas parachevé.
Devenir humain, c’est récuser la violence, la cruauté et accéder à une empathie universelle.
Notre rapport à l’animal dit tout de notre degré d’hominisation.
Je n’oppose pas l’animal et l’homo sapiens lorsqu’il devient sapiens.
Le respect du vivant, les droits de l’homme et ceux de l’animal et de la nature progresseront ensemble ou seront bafoués ensemble.
Elever la condition animale, faire de la préservation de la biodiversité un impératif éthique majeur marchent dans la même direction que l’augmentation des droits et garanties de la personne humaine.
J’accuse ceux qui gouvernent aujourd’hui de lâcheté face à ce défi et de céder aux lobbies du négationnisme de cette sensibilité reconnue à tout être vivant doté d’une conscience d’être.
Ceux qui gouvernent et qui agitent des fumigènes ne servent qu’un culte : l’argent et la caste de quelques milliers de privilégiés, féodaux des temps modernes.
Aussi, si je ne donne aucune consigne de vote en faveur de tel ou tel parti, j’invite à voter contre les ennemis de la Terre et à changer le système inique, violent, contraires aux droits de la nature et aux droits sociaux.
Le gouvernement prend des arrêtés qu’il sait parfaitement illégaux pour complaire à une poignée de chasseurs.
Tous les ans, le conseil d’état doit annuler ces arrêtés scélérats et la haute juridiction vient de censurer le ministère qui autorisait le tir de grands tétras, espèce quasi-disparue dont quelques représentants persistent en haute montagne.
Mais qui le sait, en dehors de la sphère confidentielle des militants associatifs ?
Pour l’arbre, l’animal et l’homme, les 12 et 19 juin, votez contre les ennemis de la Terre.
Gérard CHAROLLOIS