Si vous exposiez que la démocratie est « truquée », que les élus sont légalement élus mais illégitimement, votre interlocuteur formaté penserait que vous sombrez dans la paranoïa complotiste qui prospère sur internet.
Or, la démocratie est bien « truquée », les élus bien peu légitimes. Non, les urnes ne sont pas détournées, les résultats électoraux falsifiés et le ministère de l’intérieur ne possède pas à l’avance les chiffres des participations aux scrutins.
Nous connaissons un néo-totalitarisme inédit qui n’a rien de commun avec ceux que nous révèlent l’Histoire et ses tragédies.
Les bénéficiaires du « libéralisme économique » ont parfaitement intégré qu’ils pouvaient, sans inconvénient pour leurs intérêts et leurs pouvoirs, tolérer, voire susciter, des oppositions, ne pas neutraliser par la prison, le camp ou l’assassinat des réfractaires dont l’existence sert même de caution morale au système.
L’essentiel est de contrôler le troupeau humain dans sa majorité qui seule compte. Qu’importe les opposants, les réfractaires, les décalés dès lors qu’ils peuvent être maintenus en marge et se trouver, de fait, neutralisés tout aussi efficacement et plus proprement que ne le faisaient les vieux totalitarismes bottés, casqués, bardés de polices secrètes et protégés par des camps.
Les tenants du système ont compris l’inutilité de la répression grossière, puisqu’ils possèdent les instruments plus subtiles du conditionnement de masse.
Le mécanisme est certes très évident mais échappe à la compréhension de cette majorité qui compte seule.
Il repose sur la technique suivante :
Il n’y a pas d’alternative et tout ce qui résiste ou s’oppose n’est que déraison, extrémisme, aventurisme, irresponsabilité, nostalgie du nationalisme intégral ou du communisme liberticide.
Un candidat de l’utracentre affrontant électoralement un candidat nationaliste ira s’incliner devant les victimes d’Oradour car il faut arrêter la division DASREICH.
S’il est en compétition avec un tenant d’une politique sociale et écologique, il célébrera le goulag et les victimes du stalinisme car il faut faire barrage à la dictature du prolétariat.
Pour le néo-totalitarisme d’ultracentre, il n’y a aucune alternative et les gens raisonnables, sages, pondérés doivent rester dans la ligne et bouter, par leurs bulletins de votes, les dangereux agitateurs d’extrême tout.
En fait, l’ultracentre est extrémiste, ni plus, ni moins que tous les autres.
Il veut l’accaparement des revenus et des biens pour une poignée d’oligarques dont les fortunes croissent de manière indécente au fur et à mesure que tous les droits sociaux, tous les statuts protecteurs des salariés se « réforment ».
Leur but et leur moyen de domination reposent sur une atomisation de la société. Chaque individu doit apprendre l’égoïsme, renoncer à toute lutte collective.
Il se trouve ainsi démuni face au système qui peut l’exploiter et lui offrir, avec la précarité, du rêve. (voire la notion mensongère d’auto-entrepreneur). Quel que soit le candidat de l’ultra-centre, les magazines, propriétés des oligarques, feront sa biographie sur papier glacé, avec ses enfants, son conjoint, ses études, ses goûts faisant de lui le gendre ou le protecteur parfait. Quel que soit son opposant, les médias le dépeindront sous les traits inquiétants d’un irresponsable, bouillant, incapable de gérer la société sans mettre en péril la paix publique.
Je ne suis d’aucun parti, d’aucun clan et mes observations sont celles d’un entomologiste qui constate et décrit des faits.
Je ne fais pas ici de la petite politique partisane et ne prône pas telle ou telle idéologie.
Je ne vise qu’à démonter un mécanisme de manipulation mentale qui vicie radicalement la démocratie de pure apparence.
Je ne dis pas que l’idéologie « de la nation d’abord et de l’identité » ou celle du « partage, du collectif, de la solidarité » valent plus ou mieux, je dis qu’il est malhonnête de disqualifier systématiquement toute idée même d’alternative et de susciter la peur pour régner « mille ans ».
Depuis la seconde guerre mondiale, l’idéologie de l’ultracentre domine le monde avec deux légères inflexions en France :
De 1958 à 1969, avec le pouvoir gaulliste qui fut un nationalisme humaniste, puis de 1981 à 1983, durant deux ans, où une politique vaguement socialiste précéda le tournant de la « rigueur ».
A l’exception de ces deux périodes, le culte de l’entreprise privée, du profit, de la concurrence, de la compétition, des « premiers de cordées » mènent la politique de l’Etat aux grands avantages d’une poignée de financiers et affairistes et au détriment du peuple auquel s’imposent des « sacrifices » pour « combler la dette et équilibrer le budget ».
Que d’aucuns servent cette idéologie et ces intérêts très privés peut parfaitement se concevoir. Mais ce qui est scandaleux, contraire à l’éthique démocratique, réside en ce que les tenants de cette pensée usent de la manipulation de masse consistant à nier la légitimité de toute autre politique.
Avec l’accession au pouvoir de l’actuel chef de l’Etat, monarque électif dans cette république, l’idéologie thatchérienne s’affiche avec arrogance, éclat et bruit. Il ne s’agit pas d’une rupture par rapport aux politiques antérieures mais d’un peu plus de morgue dans le service des oligarques, des veneurs, de la finance.
Le pouvoir en place peut dormir tranquille.
Dans quatre ans, il pourra encore barrer la route aux « nazis », à moins que ce ne soit aux « gauchistes irresponsables ».
Le mécanisme de contrôle des masses est d’une prodigieuse efficacité.
Allons, soyez raisonnables bonnes gens, dormez en paix, les agitateurs ne font que de la figuration !
Gérard CHAROLLOIS