L’important : c’est l’oiseau

Lorsque surviennent des intempéries, les médias formatés décrivent complaisamment les inondations, les routes verglacées, les rues enneigées, le petit ou grand froid, les sécheresses persistantes, le vent dévastateur, sans jamais mentionner les effets de ces calamités sur la faune.
Un lotissement immergé, des automobilistes en difficulté, des gamins jouant dans la neige, des viticulteurs sinistrés feront l’objet d’interminables reportages parfaitement interchangeables.
Mais l’incidence du froid, de l’enneigement, du gel des plans d’eau sur l’avifaune n’atteint jamais l’esprit étriqué des informateurs radotant.
Les médias demeurent sinistrement anthropocentriques et nullement biocentriques.
Nulle campagne d’incitation à nourrir les oiseaux en hiver. Ceux qui le font constatent un fait inquiétant. En alimentant forces mangeoires, comme je m’y adonne depuis suffisamment d’années, on mesure la raréfaction de la nature ordinaire, celle de nos parcs et jardins et,plus encore, celle des campagnes empoisonnées par l’agrochimie.
L’humain se mue en animal dénaturé, arraché de sa condition d’être vivant, il habite dans des espaces artificialisés, des univers de béton, d’acier et de verre, dépourvu de toutes formes de vies.
Qu’est-ce qui est le plus préoccupant dans l’univers urbain ?
La pollution ? La violence ? La ségrégation ethnique ?
Sans doute.
Mais ce qui frappe un observateur éveillé, non conditionné au nombrilisme spéciste, c’est la disparition du vivant.
Ce qui signe l’échec de notre civilisation, pas moins, tient à la disparition, dans les villes hostiles à la vie, des moineaux domestiques qui cohabitèrent avec les hommes durant des siècles.
Les villes deviennent des déserts d’avifaune et vous rencontrerez des hommes « nuisibles » pour ânonner que les pigeons, les moineaux et autres compagnons ailés souillent, propagent des maladies.
L’idiotie et les préjugés totalement infondés ne sont pas propagés par les oiseaux !
Pour les obscurantistes, les oiseaux ne servent à rien, les renards envahissent les périphéries des métropoles, les sangliers prolifèrent, les loups persécutent les bergers et l’homme peut aseptiser la terre pour satisfaire ses pulsions de domination, son culte du profit maximisé, pour répondre à ses besoins de violences traditionnelles.
Toutes ces idées reçues, propagées à dessein par les lobbies contre nature, sont fausses.
En marge des médias formatés, sachons que l’important, c’est l’oiseau et qu’il faut, en présence d’une innovation technologique, d’un phénomène climatique, d’un mode de production ou d’un loisir, s’interroger sur leurs conséquences pour les autres formes de vies avec lesquelles nous partageons la terre.
L’humain est criminel d’électrocuter les grands oiseaux, de piéger les passereaux cavernicoles dans les poteaux métalliques creux du téléphone, de tracer des routes en bordure de marais, de disperser des biocides dans ses cultures, de transformer les forêts en usines à bois et les montagnes en parcs à moutons, d’exploiter et de croître au détriment des autres espèces.
Puis, il y a les sadiques qui « aiment jeter du plomb dans les arbres qui chantent » (Edmond ROSTAND) et tous ceux qui par paresse morale considèrent que les tueurs participent du décor sociologique et que la chasse, la guerre, la tauromachie sont des fatalités auxquelles il convient de se résigner pour ne pas encourir le risque d’être étiqueté extrémiste .
Une révolution culturelle s’impose : il faut désormais penser à la nature.
Le poète et le scientifique ont raison : l’important, c’est l’oiseau.

Gérard CHAROLLOIS
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