Du temps où l’on enseignait l’Histoire, l’historiographie mentionnait que les périodes de paix - trop rares, trop brèves - favorisaient la prospérité, l’amélioration du sort des populations, l’adoucissement des conditions de vie, le mieux-être social et économique.
Depuis 1945, l’Europe occidentale bénéficie d’une paix durable. Aucune invasion destructrice, aucun grand massacre de masse, aucune mobilisation des forces vives pour une guerre totale comme en connut la France jusqu’à la première moitié du 20ème siècle.
Depuis 70 ans, le monde subit un essor scientifique et technologique sans précédent dans l’histoire de l’humanité, essor tel que le problème premier que pose l’économie contemporaine n’est pas la production de richesses, mais leur commercialisation.
Le souci d’une firme n’est nullement de fournir des voitures, des smartphones, des téléviseurs, des ordinateurs mais de trouver des clients, ce qui passe par une course éperdue et sans fin à l’innovation.
Or, dans ce contexte exceptionnellement favorable, des forces politiques proclament les pays en faillite, appellent les populations aux efforts, aux renoncements des « droits acquis », aux régressions sociales, aux suppressions de services publics, aux baisses des pensions de retraite et des salaires, à l’augmentation des prélèvements pesant non sur les oligarques mais sur les humbles, les modestes.
La paix, les avancées technologiques ne profitent plus aux peuples sommés de se flexibiliser, de consentir aux sacrifices imposés par la guerre commerciale mondialisée.
Alors, de mauvais médecins commettent une erreur manifeste de diagnostic et donc de thérapeutique.
Ils déclareront, entre autres : nos malheurs sont imputables à l’Europe libérale.
Sans doute ignorent-ils que l’Allemagne chrétienne-démocrate fervente de l’ordolibéralisme, l’Espagne conservatrice, l’Angleterre de la finance et l’Auvergne présidée par un ultra-réactionnaire ne sont pas de douces républiques socialistes !
Oui, l’Europe, à côté de bonnes directives - celles relatives à la conservation des oiseaux et de la nature - prescrit une politique libérale avec pour dogmes la libre concurrence, le démantèlement des services publics, les privatisations forcées, l’ordo-économie punitive.
Mais qu’est-ce que l’Europe ?
- un parlement élu démocratiquement par le peuple Européen, parlement dominé par le parti conservateur, P P E ;
- une commission dite de Bruxelles dont les membres sont nommés par le Conseil des ministres et validés par le parlement ;
- un conseil des ministres représentant les gouvernements des divers pays associés.
Bref, l’Europe est ce qu’en font ses citoyens.
Si les citoyens électeurs échappaient à l’anesthésie distillée par les médias aux mains des oligarques, ils éliraient d’autres députés européens, d’autres gouvernants internes et nous aurions une autre Europe qui, au lieu d’obéir aux lobbies, aux firmes, au culte du Marché, servirait l’intérêt général, le social, la protection de la nature.
Fulminer contre l’Europe, contre l’organisation mondiale du commerce, contre l’Amérique ou contre les états esclavagistes émergeant qui tirent les salaires vers le bas est vain.
Belle illustration de la métaphore du sage qui montre la lune du doigt et de l’idiot qui ne regarde que le doigt.
L’électeur américain vient d’être superbement dupe de ce syndrome.
Beaucoup de déclassés, de frustrés, d’indignés Etats-Uniens ont cru voter contre le système, la finance, en votant pour Donald TRUMP parce qu’il parlait le langage des « beaufs », des frustres, des incultes grognons.
En fait, ils ont poussé jusqu’à la caricature l’accaparement de l’Etat par une mafia affairistes, par les lobbies du pétrole, par des hommes sans d’autre loi que celle de leurs sordides intérêts très privés « de scrupules », des hommes par ailleurs obscurantistes, négationnistes de l’évolution des espèces, de la dégradation du climat, des hommes qui cultivent l’arrogance de la caste de l’argent.
La France s’apprête à subir la même punition.
Dans la plupart des pays, les citoyens légitimement insatisfaits rejettent leurs gouvernants pour s’en donner de pires.
Parce que le système est plastique et sait parfaitement offrir des leurres aux pauvres peuples abusés.
Parfaitement immoral, le système dit « libéral », consistant à voler les pauvres pour donner aux riches, s’avère surtout létal pour la biosphère.
Les firmes, les intérêts privés ont besoin de spéculer sans fin, de croître sans limite.
Leur logique est incompatible avec la survie de la nature.
Ce système de rapines ignore la compassion, tant envers l’humain, simple agent du Marché, qu’envers l’animal, pure marchandise et la biodiversité, empêcheuse de promouvoir, d’aménager, d’exploiter sans frein.
L’astuce fort efficace du système consiste à nier qu’il y ait un système et à détourner l’attention et le mécontentement des citoyens vers divers paratonnerres pour préserver le dogme de la secte mondiale des exploiteurs.
Tout cela pourrait très mal finir et nous devons déplorer l’indigence intellectuelle et morale de la « classe politique ».
A propos d’indigence : nombre d’amis des animaux et de la nature s’affligent de propos collaborationnistes émanant de tel ou tel politicien d’un jour, soucieuxde ne pas peiner le lobby chasse dont on connaît la violence sectaire.
C’est à ces génuflexions devant les lobbies, ces fautes contre l’esprit et contre la dignité du combat politique que l’on mesure l’insignifiance des hommes.
Gérard CHAROLLOIS