On ne choisit pas d’avoir des ennemis. Ce sont eux qui vous élisent comme ennemis.
L’art essentiel, difficile pour beaucoup, de la grande politique est de savoir distinguer ses ennemis et de ne pas se tromper.
Si nous voulons, par-delà les préoccupations subalternes des petits comptables que sont nos politiciens, en venir à la grande querelle des valeurs, à l’éthique, au processus inachevé d’hominisation, nous rencontrons, face à nous, ceux qui célèbrent la mort et la soumission.
Ceux qui gouvernent et occupent de leur vaine présence les estrades médiatiques font de la gestion, de l’économie, du travail de boutiquier, se gardant bien, par pusillanimité, d’affronter les vrais défis du temps, les défis d’ordre éthique.
Nous, biocentristes, opposons aux dévots de la mort et de la soumission, l’amour de la vie et de la liberté.
En me lisant, chacun pensera immédiatement aux assassins qui, au nom d’un dieu imaginaire, tuent autrui et sacrifient leurs propres vies et, à ceux qui, à plus bas bruit, infantilisent les femmes, persécutent les homosexuels, censurent la vie intime, soumettent la société entière à la théocratie avec les barbaries, les cruautés, les violations des droits fondamentaux de la personne qu’appelle tout théocentrisme.
En présence de ce phénomène régressif, de ce retour médiéval, les "homo-economicus", désarmés moralement, répondent uniquement par la force des drones, des missiles et de la sécurité, riposte que j’approuve, bien évidemment, mais qui ne saurait suffire à juguler le choc des civilisations.
A une idéologie fondée sur la mort et l’arrière-monde, il faut opposer la force des idées fondées sur le respect du vivant et de la liberté individuelle, liberté de pensée, d’expression, de mode de vie.
La bataille se gagnera sur le terrain idéologique et non seulement sur celui des armements militaires et policiers.
Le relativisme culturel est une faute morale, face à la barbarie qui tue et abaisse.
Mais, les terroristes théistes, leur vacarme sanguinaire, ne sont pas les seuls agresseurs du vivant.
Nous souffrons, en Occident, d’autres maux générés par d’autres ennemis de la vie et de la liberté, ennemis moins brutaux, moins primaires, mais très toxiques.
Pour faire de l’argent, pour servir des intérêts mafieux, les partis politiques dits « conservateurs », se moquent de la sauvegarde de la nature, de la santé humaine, de la souffrance animale et vénèrent les firmes agrochimiques, l’élevage concentrationnaire, la chasse, toutes les formes d’exploitations du milieu naturel et des humains, eux aussi sacrifiés au culte du profit.
Le sénat Français, dominé par la droite, illustre ce processus de mépris du vivant, en toutes circonstances et, tout récemment, lors de l’examen de la loi relative à la biodiversité.
Pas question, pour ces élus réactionnaires de limiter les néonicotinoïdes, d’imposer des couloirs écologiques, de restreindre les destructions de faune.
Eux aussi, célèbrent la mort, au nom d’un autre dieu : le profit des copains et des coquins.
Tels sont nos ennemis.
Nous n’en avons pas d’autres, mais cela suffisent.
Nous ne nous battons pas pour un taux de croissance, pour conquérir d’inutiles fonctions que d’aucuns imaginent honorifiques, alors qu’elles les déshonorent lorsqu’ils deviennent ministres, sans réaliser la moindre avancée pour la cause écologique, c’est-à-dire celle du vivant.
Notre engagement repose sur un socle moral fort et universel : défense du vivant et de la liberté individuelle qui n’est pas celle de nuire à autrui en « entreprenant » au détriment de la nature et du bien public.
En une génération, le monde a plus changé qu’en trois siècles.
Nos conquêtes scientifiques sont remarquables et grosses de victoires futures contre la maladie, le vieillissement, la mort de ceux que l’on aime.
Mais, cette maîtrise porte en germe, soit une avancée civilisatrice impensée par nos devanciers, soit la fin de l’aventure humaine.
Tout dépend de ce que nous ferons de cette maîtrise.
Notre pouvoir sur les choses doit s’accompagner d’une mutation comportementale.
Homo sapiens, depuis ses origines, avec l’esprit de conquête et de domination, provoque une extinction du vivant et a créé un enfer pour les autres espèces.
Il cultive cet esprit en dirigeant son agressivité et sa cruauté à l’encontre de tout ce qui vit et, notamment, de ses semblables et cela s’appelle la guerre, fléau historique constant.
Ce que l’homme fait à l’animal et à la nature traduit la valeur de sa civilisation.
Il y a un fond commun entre les fous de dieu qui égorgent, décapitent, pulvérisent et les tenants de chasse, pesticides, béton et traditions : les uns et les autres célèbrent le culte de la mort et de la soumission.
C’est ici le grand combat éthique commandant le devenir de la biosphère, dont nous sommes partie intégrante et solidaire.
Gérard CHAROLLOIS