Les économistes et les petits personnages politiques ne diffèrent guère de ces victimes de la mode, servilement soumises aux caprices des vents qui passent.
Le marxisme eut ses adeptes, naguère, omniprésents dans l’université, récitant les dogmes de l’économie infrastructure dont dépendait tout le reste, avec ses plans, son étatisation, phase devant conduire au dépérissement de l’Etat et à l’âge d’or des hommes nouveaux.
Après une domination de la vie intellectuelle, jusqu’aux années 1980, le marxisme n’est plus de saison.
Voici, de nos jours, les élucubrations d’une autre secte, celle des adorateurs de l’entreprise privée. Ils veulent flexibiliser l’humain, pour l’adapter aux exigences du profit, le formater pour le bon fonctionnement de l’entreprise, seule pourvoyeuse d’emplois et de progrès pour ces récitants.
Ils sont obsédés par la déréglementation, l’aspiration à une société marchande vouée au productivisme, à l’invitation à devenir riche, mythe soporifique pour les peuples.
Leur ennemi est le salarié, toujours paresseux, privilégié, risquophobe et, horreur suprême, le salarié du secteur public avec son revenu garanti de 1400 Euros par mois.
Il se trouve même une prétendue « gauche », pour célébrer cette religion abrutissante comme toutes les autres lorsqu’elles prétendent substituer, au doute salutaire, des certitudes révélées.
Rappelons un fait qui vaut un commentaire : la raison d’être d’une entreprise privée n’est, ni la création de richesses, ni la distribution d’emplois, mais uniquement la quête de profits.
Si le profit passe par la réalisation de richesses et d’emplois, l’entreprise en fournira à la société, mais si son profit exige des suppressions d’emplois, des pollutions, des pillages de ressources naturelles, des saccages de sites, des nuisances sonores, des sacrifices du bien public, elle recourra à ces exactions pour survivre, car son fondement, la condition même de son existence, tiennent à l’obtention d’un profit.
Dès lors, les officines et les syndicats patronaux, les chambres de commerce et d’industrie oeuvrent systématiquement contre l’intérêt social et écologique, pour la réduction des droits des salariés, pour le grand déménagement de la nature, pour les lourdes infrastructures, occasions de captation d’argent public.
Faut-il supprimer l’entreprise privée ?
Nullement, car l’animal humain, par nature cupide, travaillera toujours davantage pour son petit profit que pour le bien commun, qu’il soit celui de sa patrie, de son parti, de sa communauté.
La liberté d’entreprendre stimule l’innovation, la découverte, l’engagement individuel dans une tâche lucrative pour la personne.
Cette considération, navrante pour l’animal humain, m’amenait, dans les années 1970 à annoncer la victoire inéluctable de la société dite « libérale », sur son antagoniste, la société soviétique.
Pour ces humains, intoxiqués par la culture des affaires, la meilleure cause est la leur.
Le moteur de l’engagement demeure, pour beaucoup, l’intérêt égoïste.
Pas très reluisant, mais l’animal est ainsi fait.
La supériorité cognitive, l’esprit de lucre et le goût de la violence guerrière sont les propres de l’homme.
Reste qu’il convient de limiter cette aspiration à la domination, à l’exploitation, à l’écrasement d’autrui, à la négation des droits des plus faibles et de la nature.
L’économie doit être mixte, avec un secteur public fort, avec des lois qui protègent et encadrent.
Les promoteurs, dépourvus de conscience, détruisent volontiers la nature, si cela leur rapporte de l’argent.
Ils bétonnent, répandent des pesticides, artificialisent l’espace, chosifient les animaux, ploient les autres hommes pour servir leurs entreprises privées (de scrupule).
Aujourd’hui, le dogme du « libéralisme économique » conditionne les cerveaux disponibles et annonce les catastrophes sociales et écologiques.
Nous vivons une mutation sans précédent consécutive à la robotique, l’informatique, la dématérialisation des tâches, la numérisation,.
Des pans entiers de l’ancienne économie disparaissent et la révolution technologique amorcée supprimera bien davantage d’emplois qu’elle n’en créera de nouveaux.
Le travail va se raréfier, surtout pour les missions les moins qualifiées et les plus répétitives.
Au nom de l’épanouissement des individus, de leur santé, naguère compromise par des tâches dangereuses et malsaines, il convient de se réjouir.
Les prêtres du libéralisme, bonimenteurs au service de leurs commettants, osent prôner « un travailler plus pour gagner plus », alors que cette injonction va à l’encontre des faits.
Inversement, il convient de répartir plus équitablement un travail devenu moins nécessaire pour produire massivement, sans beaucoup de personnels, des biens et des services qui exigeaient du temps et des peines avant l’ère robotique.
Ce n’est pas qu’en agriculture que la surproduction sévit.
Dans tous les secteurs le défi est d’écouler des productions, d’abaisser les coûts pour vendre.
Avec quelques iconoclastes, fantômes des médias formatés, je préconise, à l’inverse des imprécations des agents des milieux d’affaires, la semaine de 32 heures, le développement des services publics, la revalorisation du point d’indice des salariés de ces secteurs, la sécurisation par la collectivité du parcours professionnel des salariés du secteur privé.
Je désapprouve globalement les orientations des politiques économiques menées par la « gauche libérale » et, bien évidemment, plus encore, les outrances antisociales de la droite de l’argent.
Partout, sur terre, les firmes, les multinationales, empires financiers plus puissants que les Etats, dévastent, empoisonnent, déforestent, édifient des usines à viande, promeuvent de grands travaux, captent de l’argent public, corrompent les élus grands et petits, et avec ces crimes contre nature, condamnent les hommes à devenir sans emploi ou travailleurs pauvres.
On ne peut pas demander au libéralisme économique de garantir l’intérêt général, de sauvegarder la nature, d’améliorer la condition de vie des gens qui n’appartiennent pas au cercle des grands entrepreneurs, puisque la finalité de ce système n’est pas le vivant, mais le profit.
Derrière l’aéroport de NANTES, les routes et autoroutes, les grands travaux, l’agrochimie, se trouve la main invisible et bien sale du Marché.
Gérard CHAROLLOIS