En 1914, Charles PEGUY écrivait que la politique était une dégradation de la mystique. Un siècle plus tard, elle devient une dégradation de la conviction et de l’éthique.
En 2012, les Français crurent élire un président socialiste. Il n’instaura pas le socialisme, n’effectua aucune rupture salutaire et définitive avec une société de dévastation et, cédant à la religion de l’entreprise privée et de la concurrence, ne sauva rien de la pensée qu’il prétendait assumer.
En ce mois de février, la presse mentionne que trois « écologistes » entrent au gouvernement. Or, ces personnes n’ont jamais exprimé la moindre conviction écologiste et n’ont aucune volonté de sauver la nature, de changer le rapport de l’humain à l’animal, fondements éthiques de l’écologie.
A droite, des comédiens plus ou moins talentueux se drapent du titre de « républicains », alors que leur obsession est de célébrer le culte de l’entreprise privée et des forces d’argent.
Ainsi, sur l’échiquier politique, de petits personnages illusionnistes portent des masques trompeurs ne dissimulant que de médiocres ambitions et la soumission à des intérêts catégoriels confinant à des dérives mafieuses.
Chez ces petits personnages, les modes et le rapport des forces prévalent sur des convictions dont ils sont dépourvus.
Ils recherchent pitoyablement les apparences du pouvoir, les titres, les conforts de fonctions que leur pusillanimité leur interdit d’exercer pleinement.
Ils sont vains.
Aux alentours des années 1960, la droite au pouvoir, complexée par ses collusions idéologiques et de personnes avec les fascismes durant la guerre, n’assumait pas être de droite, faisait une politique de gauche, c’est-à-dire prônait des réformes qui étaient des avancées pour les droits sociaux, un progrès pour le niveau de vie des salariés, un mieux vivre pour les gens modestes.
En ce temps-là, le communisme, les masses laborieuses et dangereuses faisaient peur aux dirigeants, condamnés à une certaine vertu, pour mieux combattre le système économique ennemi. Le rapport des forces était favorable aux salariés.
Aujourd’hui, inversement, la gauche fait une politique de droite et le mot réforme est devenu synonyme de flexibilité, de soumission à la loi du profit. Le rapport des forces, du fait de la mondialisation de l’économie, s’est modifié en faveur de l’argent qui, ne redoutant plus un contre-modèle, s’adonne avec morgue à l’écrasement des plus faibles et à la dévastation de la nature.
Les milieux d’affaires, les investisseurs imposent leurs exigences à des populations morcelées, sans la cohésion des anciennes structures sociales, fortes de leur homogénéité, que représentaient les mineurs, sidérurgistes, cheminots de naguère.
L’heure n’est plus au progrès social et toute annonce de changement va dans le sens de l’intérêt des entrepreneurs, au détriment des salariés.
Ce qui est le plus choquant est l’absence d’honnêteté des politiques qui, libres de leurs choix, ne les assument pas clairement devant les citoyens.
Ils feignent de ne pas avoir opté pour une société féroce, déprédatrice, vouée à l’exploitation frénétique.
Ils n’avouent pas que la concurrence débridée emportera tout : les droits sociaux et les normes de protection de la nature.
En effet, la concurrence exige que le profit soit l’horizon indépassable, l’ogre qui dévorera les hommes, les animaux, l’espace naturel.
Honte à ces femmes et hommes politiques, semeurs de béton, de grands aéroports, qui dissimulent les conséquences de choix contraires à leurs vertueuses déclarations en faveur du climat, de la biodiversité, de la qualité de la vie, d’un humanisme généreux et éclairé.
En vérité, leurs décisions sont imposées par un système économique qu’ils servent faute d’oser le combattre.
Ils subissent et accompagnent bien davantage qu’ils ne les souhaitent les avilissements et dévastations générées par le libéralisme économique.
Il faut radicalement réformer le fait politique pour restituer à la fonction un regain de dignité.
Les citoyens sont en droit d’attendre que les socialistes soient socialistes, les écologistes écologistes, les agents du Marché syndics du patronat, et qu’ainsi l’étiquette corresponde au contenu.
Aussi longtemps que les politiques seront des bonimenteurs animés d’ambitions personnelles, ils recueilleront le mépris, bien mérité, de leurs concitoyens.
Dire qu’il y a encore des niais pour s’imaginer que devenir ministres les honore !
Ce qui honore, c’est de servir une cause dans la clarté, l’honnêteté, l’ardeur d’une conviction.
C’est assumer les responsabilités que l’on prétend être en mesure de soutenir contre le totalitarisme du monde de l’argent, en passe de cancériser la terre par ses infrastructures, sa croissance purement spéculative, sa négation du droit à survivre de la nature.
Gérard CHAROLLOIS