Feu le jour de non chasse

La chasse vue par DUBOUT



La disparition dès 2003 du jour de non chasse instauré en 2000 en France illustrait tristement la collusion des parlementaires avec le lobby cynégétique.

par Jean-Paul RICHIER


 La récente publication des accidents de chasse en 2012-2013 fait évoquer à nouveau la question du « jour de non chasse ».

 L’article 24 de la loi chasse de juillet 2000 avait  instauré le mercredi comme jour sans chasse (art L. 224-2 du code rural, puis art L424-2 du code de l’environnement).

Le projet de loi de février 2000 avait été présenté par Dominique Voynet, qui fit partie des moins mauvais ministres de l’Environnement (sous Jospin, avec Lepage et Cochet, mais dont les marges de manœuvres restèrent écrasées par les lobbies de toutes sortes, y compris au sein du PS).

 L’article 10 du projet de loi initial instaurait le mercredi comme jour de non chasse, pour des raisons de sécurité, mais laissait au préfet la possibilité de fixer un autre jour de la semaine au regard des circonstances locales, dispositions reprises par l’article 24 de la loi adoptée.

Saisi alors par plus de 60 députés de droite, le Conseil constitutionnel allait rendre une décision prenant à rebours la logique des plaignants. Y siégeait alors Valéry Giscard d’Estaing, mais pas encore d’autres passionnés du flingage comme Renaud Denoix de Saint Marc ou Michel Charasse. Cette décision confirmait l’interdiction de la chasse le mercredi, au motif de la sécurité des enfants d'âge scolaire et de leurs accompagnateurs. Mais il supprimait comme inconstitutionnelle la possibilité au préfet de choisir un autre jour, faute de précisions quant aux motifs d'intérêt général justifiant une telle prohibition, ceci étant de nature à porter atteinte au droit de propriété.

 En mars 2003, Mme Bachelot-Narquin, la pire ministre de l’Environnement que nous ayons sans doute eue, présentait un projet de loi destiné à saborder les petites avancées qu’avait permises la loi de juillet 2000.

 L’article 16 prévoyait notamment de confier aux préfets la détermination des jours de non chasse, après consultation des représentants des chasseurs.

Mais c’était encore trop pour le lobby des chasseurs. Dès le passage en Commission à l’Assemblée en avril 2003, le rapporteur lui-même (Jean-Claude Lemoine, vice-président du groupe Chasse) introduisait un amendement (n°11) selon lequel l’article 16 se limitait à l’abrogation pure et simple de la disposition légale instituant le mercredi comme jour national de non chasse.

Et cet amendement, appuyé par plus de 60 députés UMP, fut adopté en séance en mai.

Notons que les socialistes, de leur côté, ne voulaient pas être en reste, et avaient présenté un amendement (n° 45) identique, signé par une douzaine de députés.

L’amendement adopté fut bien entendu soutenu des deux mains par le Sénat, et la loi du 30 juillet 2003 fit disparaitre le jour de non chasse du Code de l’environnement.

 Cette question du jour sans chasse fut étudiée lors du passage en commission au Sénat, tel que rapporté par Ladislas Poniatowski (juin 2003), et y fut bien entendu écartée, sur deux arguments :

1 - « l'analyse approfondie des données sur les accidents de chasse […] montre leur diminution tendancielle depuis cinq ans »

En réalité, avec plus de 10 ans de recul, on peut affirmer que ces accidents n’ont nullement diminué depuis ce rapport (167 pour la saison 2001-2002, et donc179 pour la saison 2012-2013).

2 - « il faut souligner que la chasse n'est pas  une activité de nature plus dangereuse que les autres, comme le montre le tableau ci-dessous » :


Chasse

Alpinisme

Randonnée à pied

2000/2001

23

38

43

2001/2002

31

30

45

 Ce dernier argument est si emblématique de la délicieuse mauvaise foi spécifique aux chasseurs qu’il vaut la peine d’être commenté. En effet :

- ces chiffres comparent une activité qui met en danger les autres, avec des activités qui ne mettent éventuellement en danger que soi-même ;

- ces chiffres ne sont pas rapportés au nombre total de pratiquants (le nombre de randonneurs en France est estimé à 15 millions !) ;

- les causes des décès ne sont pas pris en compte. Dans la randonnée, il y a les chutes, les noyades, les accidents cardiaques… Ainsi, lors la dernière saison de chasse, dans le décompte du site « La Buvette des Alpages », on dénombre, outre les morts par armes à feu, 15 accidents cardiaques (les chasseurs ne sont plus très jeunes), 7 noyades, 6 chutes, 1 accident de la route, 1 attaque de guêpes et 1 cause indéterminée, ce qui nous fait toutes causes confondues 55 morts. Et selon la formule bien connue, l’activité la plus dangereuse est le lit, puisque la majorité des décès ont lieu dans un lit.

 En réalité, une étude publiée en avril dernier dans le Journal de Traumatologie du Sport par une équipe de l’Institut de Veille Sanitaire fait le point (Une estimation des décès traumatiques liés à la pratique sportive en 2010 en France). La notion de sport y était très extensive, puisque la chasse y était incluse (ou la pétanque). Les deux activités les plus mortelles sont l’alpinisme (29 morts) et la chasse (27 morts).

 Notons que parmi la douzaine de députés socialistes qui avaient présenté en 2003 l’amendement supprimant le jour sans chasse, on trouvait Philippe Martin, l’actuel ministre de l’Écologie.

 JPR.


Ajouter un Commentaire


--
--
---/---
.../...

 

 

 

--
---

---/---

---/---

 

--
--

---/---

---/---