Les animaux en toute conscience.

Le test  du miroir

 

 


par Pierre JOUVENTIN - Ethologiste - Directeur de recherche au CNRS

et David CHAUVET - Juriste

Article paru dans  "Libération" du 31 Août 2012.


 

 

 

Il y a 150 ans, Darwin affirmait qu’il n’y a pas une différence de nature mais
de degré entre l’homme et les autres espèces animales. Il y a peu pourtant, parler chez
l’animal de conscience, c’est-à-dire des états supérieurs de l’activité intellectuelle, eût été
inconcevable dans les milieux scientifiques. Il y régnait un climat de « mentaphobie »,
dénoncé par Donald Griffin, fondateur de l'éthologie cognitive.

Pourtant, à l'issue d'un congrès à l’Université de Cambridge sur le sujet, des
scientifiques internationaux renommés, dont Stephen Hawking, ont signé le 7 juillet
2012 une Déclaration d'existence de la conscience chez les animaux, dont la conclusion
est que « les humains ne sont pas les seuls à posséder les substrats neurologiques qui
produisent la conscience. Les animaux non-humains, soit tous les mammifères, les
oiseaux, et de nombreuses autres créatures, comme les poulpes, possèdent aussi ces
substrats neurologiques. »

Le néocortex n’est donc plus considéré comme indispensable pour une pensée
complexe. Dès 1920, on a démontré que les abeilles utilisent des concepts mathématiques
pour indiquer leur butin aux congénères. Or les insectes ne possèdent pas de véritable
cerveau mais des ganglions cérébroïdes fusionnés, comme le poulpe, mollusque de
génie ! Ces vingt dernières années, une avalanche de découvertes nous a réconciliés
avec le règne animal dont nous nous croyions si éloignés. Les éléphants coopèrent pour
trouver des solutions. Les rats estiment plus urgent de délivrer leurs congénères enfermés
que de déguster des friandises. Les chimpanzés apprennent à leurs jeunes à fabriquer et
à utiliser des outils pour casser des noix. Les grands singes, les dauphins, les cochons,
les éléphants et même les pies se reconnaissent dans un miroir, test classique de la
conscience de soi que les enfants ne réussissent pas avant 18 mois.

Mais les implications ne sont pas uniquement scientifiques. Elles sont aussi
éthiques, juridiques et politiques. Pourrons-nous indéfiniment continuer de traiter
les animaux comme des choses ? Pendant la canicule, les images de ces hangars où
s'entassaient les cadavres d'animaux avaient de quoi couper l'appétit de ceux qui ont un
cœur en plus d'un estomac.

Notre code civil témoigne de cette chosification de l'animal, qu'il qualifie
archaïquement de bien meuble (article 528), quand en Allemagne ou en Suisse les
animaux sont expressément distingués des choses. Opposés à la reconnaissance juridique
de la sensibilité des animaux, les lobbies de la chasse et de l'élevage ont obtenu lors du
quinquennat précédent la mise à l'écart de toute réforme en la matière. Bref, en France,
les animaux ne pensent pas parce que les chasseurs votent.

Pierre Jouventin, éthologiste, Directeur de Recherche au CNRS, auteur de Kamala, une louve dans ma famille, Flammarion, 2012.
David Chauvet, juriste, auteur de La personnalité juridique des animaux jugés au Moyen Age, L'Harmattan, 2012.


Lien vers la déclaration :  cliquer ici !

 


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