Attention ! Psychopathes en colère

 


Par David Joly - Vice-président de la Convention Vie et Nature


À la mémoire de Cavanna et de Rémi Fraisse. Le premier n’a cessé toute sa vie de mettre son talent au service de l’empathie. Le second n’en a pas eu le temps, sacrifié sur l’autel de la finance et des magouilles politiciennes.

 

 Depuis quelques semaines, la France est de nouveau le terrain de jeu de dangereux individus, apparemment confrontés à de graves troubles mentaux, et qui sèment la zizanie un peu partout.

Je ne suis pas en train de vous parler de la vague de clowns agressifs qui a semé la terreur aux abords des écoles.

Je n’évoque pas les djihadistes improvisés de retour en France après un  passage en Syrie.

Non, je fais allusion à une autre catégorie de personnes qui, à bien y penser, est un mélange de clown agressif et d’extrémiste  endoctriné.

Ils ne réalisent pas leurs exactions à visage caché ou en catimini, loin de là : leur but est au contraire d’être le plus visible possible.

Pour cela, ils ont compris qu’il fallait attirer les médias qui, de nos jours, ne sont plus intéressés que par le lourd, le gras, le vulgaire, le violent.

Ils font donc dans le lourd, dans le gras, dans le vulgaire, dans le violent.

La meilleure façon de les reconnaître ? C’est simple, ils se réclament systématiquement du nom de leur, comment dire, mouvance : la Fédération des Névrosés Sadiques Exploiteurs d’Animaux, plus connue sous l’acronyme de FNSEA.


On a donc eu droit, le 4 novembre dernier à Nantes,  à des sévices graves et actes de cruauté sur des ragondins préalablement capturés en pleine nature qui, après avoir été relâchés en ville et aspergés de peinture, ont subi des brutalités diverses jusqu’à ce que mort s’ensuive.


Ce lundi 24 novembre, les détraqués de service ont récidivé à l’occasion de la venue de François Hollande à Florange. C’est ainsi qu’ils ont capturé et abattu un sanglier pour, par la suite, pendre sa dépouille en pleine rue. Non sans avoir au préalable déversé du fumier sur des cars de CRS stationnés.


Là, tu vas me dire : « Qu’est-ce qu’ils ont dû prendre sur la tronche ces salopards ! Déjà que les CRS ont la main très lourde lorsque tu t’opposes pacifiquement à une corrida ou à une construction de barrage, alors là si en plus ils se prennent de la merde en pleine face… »


Eh bien, détrompe-toi : les CRS, ils ont levé les yeux au ciel, ils ont regardé les petits moineaux qui passaient, et ils n’ont pas bougé le petit doigt.


Ce à quoi tu me réponds : « Ah bon ? En même temps, c’est peut-être une nouvelle forme de violence que l’État n’arrive pas à appréhender. »


Pense-tu ! Cela fait au moins 30 ans que ça dure.

 

Tiens, je te donne pour preuve ce passage de Coups de sang, un superbe livre de Cavanna sorti en 1991 et qui relate les exploits de l’époque de la même frange d’abrutis :

 

 

« Non, c’est pas possible ! C’est pas vrai ! Ils n’ont pas fait ça ! Si, ils l’ont fait.

 

Il faut les comprendre. Ils étaient en colère. Déçus. Désespérés. Ils se sentaient incompris, abandonnés. Il fallait bien qu’ils fassent quelque chose de gros, d’énorme, de terrible, pour qu’on les entende. Alors, ils ont amené les moutons.

 

S’ils avaient cultivé les tomates, ils auraient apporté des tomates. Eux, c’étaient les moutons. Ils ont amené des moutons. Des milliers de moutons. Des brebis, des agneaux. C’est ça, leur marchandise, à eux, leur production : du mouton. Ç’aurait été de la tomate, ou de la patate, ou du chou-fleur, ils auraient jeté des tomates, des patates ou des choux-fleurs à la tête des CRS, en auraient répandu sur les routes, dans la cour de la Préfecture, enfin partout où ça fait de l’effet. Mais eux, c’était du mouton. Ça se manie moins facilement, le mouton. Pour le jeter sur les CRS, il faut d’abord le hisser dans les étages, puis les balancer par la fenêtre. Ils l’ont fait. Ils en ont bavé. Ceux qui cultivent la tomate ou le chou-fleur ne connaissent pas leur chance. Ils ont hissé les moutons là-haut, et hop, vas-y donc, par la fenêtre ! Bien attrapés, les CRS. Ils ne s’attendaient pas à celle-là, dis-donc. Les moutons, eux, tout cassés. Ça bêlait, là-dedans ! Dans un sens, c’est un avantage, ça amplifiait la merde. Les choux-fleurs, ça ne bêle pas.

 

Une autre fois, dans leur sainte et légitime colère, ils y ont mis le feu, aux moutons. Carrément. Un camion bien bourré. Alors là, non seulement ça bêle, mais ça pue le mouton cramé, la laine, la graisse, tout ça te fait une de ces fumées noires bien dégueulasse, les médias ont été gâtés.

 

Ils l’ont fait. Ils en ont fait, en font, en feront bien d’autres. Ce sont des actes symboliques, voyez-vous. C’est pour bien faire comprendre à qui de droit qu’on préfère jeter la marchandise que la vendre à ce prix-là. Tomates, choux-fleurs, moutons, tout ça c’est de la marchandise…

 

Non, pas comme ça. Me voilà encore parti à ironiser. Je dérape dans le sarcasme. C’est ça, l’écriture : tu prends la plume fou de rage, tu la prends parce que tu es fou de rage, et le temps que la phrase te descende du cerveau au papier en passant par le bras, la main et le feutre, ta colère a bifurqué. Oh, elle est toujours là, virulente, mais, au lieu de mordre, assassine à pleines mâchoires dans la viande, elle ricane, elle fait le croche-pied, elle ridiculise. Pas de ça ! Les mecs qui font ça, des choses pareilles, tu les auras pas au sarcasme. Rien à foutre de l’ironie, ces fumiers-là. De la brute pur jus, du Cro-Magnon plein silex. La tatane à clous dans la gueule, c’est tout ce que ça comprend, comme ironie.

 

Ils l’ont fait. Ils ont arrosé d’essence, ils ont foutu le feu et ils ont regardé cramer les moutons tout vivants, ils les ont entendus gueuler, jusqu’au bout, et ils se marraient, les épais, ils imaginaient la grimace du préfet ou de je ne sais quel fonctionnaire qu’ils visaient , ils se fendaient la gueule, ils buvaient le coup, rien de grand ne se fait sans l’alcool, ah, dis-donc, t’as vu le travail.

 

Dis-moi que c’est pas possible, dis-moi que des paysans français n’ont pas pu faire ça, dis-moi que c’était juste un petit groupe de sales cons bourrés à mort, dis-moi que les autres, la majorité,  l’immense masse des paysans qui étaient là, leur sont tombés dessus, leur ont écrasé la gueule à coups de sabots sur le pavé, dis-moi qu’ils ont tous couru chercher des seaux d’eau et se sont rués dans le brasier, et ont risqué leur peau, et ont sauvé tout ce qu’ils ont pu sauver, dis-le moi, dis-moi ça, c’est comme ça que ça s’est passé, n’est-ce pas ? Ils ne sont pas tous restés là, les gros cons, à regarder flamber des êtres vivants, des êtres avec des yeux qui les regardaient, avec des voix qui les suppliaient…

 

Non ? Tu dis rien ? Tu me dis que je ferais mieux de laisser tomber, que je vais finir par insulter la classe paysanne, et que ça, c’est très dangereux, ça ?

 

Oh, je ne les insulte pas, les paysans. J’aurais tant aimé qu’ils soient un peu moins cons, un moins ingénument féroces que les autres, c’est tout… »

 

 

 

 

Allez, je t’en sers un petit dernier pour la route : c’est Odette, une de nos administratrices, qui nous a ressorti ça du placard. Ça s’était passé en 2013 et ça vient de chez nos amis de L214 :

 

 

« Révoltant : ce 21 janvier, des agriculteurs FDSEA de la Manche ont fait passer des oiseaux dans la fente du courrier d'une association. Plusieurs n'ont pas pu reprendre leur envol.

 

Quelle valeur ces représentants du monde agricole accordent-ils à la vie d'un animal ? Comment espérer que le bien-être des animaux en élevage soit pris au sérieux lorsqu'un syndicat montre publiquement son indifférence à l'égard d'êtres sensibles ? »

 

 

Quand je te dis que l’État ne fait rien, je mens un petit peu : il goinfre tous ces paumés de subventions pharaoniques et règle tous les ans, rubis sur ongle, avec nos impôts, les brouettes d’amendes infligées par l’Union européenne pour non-respect de ses directives : en effet, nos rivières sont bourrés de nitrates, nos élevages sont des camps de concentration, nos propres poumons sont des réserves de pesticides.


Alors si jamais tu croises l’un de ces malades dans la rue, tape un sprint dans la direction opposée.


Je sais, tu n’es pas un ragondin, tu n’es pas un sanglier, ni un mouton, encore moins un oiseau.


Mais sache, et là ce n’est pas moi qui le dis mais des études scientifiques solides et étayées, que ce genre d’individu prenant son pied à maltraiter et à torturer des animaux, tôt ou tard il est amené à faire la même chose sur l’un de ses semblables.


Tiens, ça me fait penser : peut-être que les CRS le savent, eux, et c’est pour ça qu’ils ont regardé les petits moineaux voler…

 

 

 D J.

 


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