par David JOLY - Vice -président de la CVN
Déjà en 1995, la classe politique belge avait donné une belle leçon de démocratie à son homologue français en abolissant la chasse à courre au sein de son royaume.
Elle réitère en cette fin d’année : à partir de 2014, les cirques détenant des animaux sauvages n’auront plus droit de cité sur le territoire national belge.
Profitons de cette nouvelle avancée de l’un de nos voisins sur la voie de l’empathie pour, d’une part, les congratuler, d’autre part, saluer tous les militants du Vivant français qui ont organisé ces dernières semaines, un peu partout dans l'hexagone (Amiens, Lille, Lyon…) plusieurs rassemblements devant des cirques afin de réclamer l’abandon des numéros mettant en scène ces mêmes animaux.
Dur combat que de faire prendre conscience à ses concitoyens des conditions de vie désastreuses de ces animaux qui servent d’instruments de spectacle et de divertissement.
Parce qu’au bout il n’y a pas cette mise à mort récréative, comme c’est le cas pour la chasse ou la corrida. L’acte de donner la mort pour le plaisir est, reconnaissons-le, un argument de poids pour dénoncer les tortionnaires qui le perpétuent.
Parce que beaucoup ont à l’esprit le côté « strass et paillettes » du numéro où les animaux n’ont pas l’air malheureux, réalisent volontiers ce qu’on leur demande et semblent aimés par leurs dresseurs.
Et aussi parce que ces numéros avec moult animaux exotiques que l’on ne croise pas tous les jours, c’est l’occasion d’en mettre plein la vue à sa jeune progéniture que l’on mène sous le chapiteau : un tigre qui traverse un cerceau enflammé, un rhinocéros qui réalise des tours de piste avec un poney en équilibre sur son dos, un éléphant qui s’assoit sur un tabouret, c’est l’émerveillement assuré !
Mais s’il n’y a pas mise à mort, il y a promesse d’une vie en cage d’où ne sortent les animaux prisonniers que pour les représentations et les répétitions où, loin des regards, les numéros contre nature sont assimilés par la violence à l’aide du bâton, du fouet, de l’ankus (pique de plusieurs centimètres servant à contraindre les éléphants). Soit 90 % d’une vie derrière des barreaux, dans des camions itinérants, très loin d’un environnement naturel duquel tout pensionnaire de cirque a été arraché, permettant ainsi la bonne santé du trafic mondial d’animaux, troisième commerce illégal après ceux des stupéfiants et des armes.
Un environnement naturel composé de savanes ou de forêts tropicales, désormais remplacées par l’asphalte des places publiques et parkings que les cirques occupent plusieurs jours avec la bienveillance des villes accueillantes.
Des animaux dont la physiologie est adaptée à des climats arides ou tropicaux et qui se retrouvent confrontés à des températures négatives durant des heures entières, comme ce fut le cas à Lille le 16 novembre dernier.
Tout cela, les spectateurs du grand folklore en ont conscience. Alors lorsque des militants leur rappellent cette réalité à l’entrée du chapiteau à l’aide de slogans et de visuels, les réactions sont diverses. Certains baissent la tête comme des petits enfants honteux d’être pris sur le fait. D’autres tentent d’afficher un sourire pour laisser croire qu’ils ne sont pas affectés par l’interpellation des militants, sourire qui ressemble plus à une grimace qu’à autre chose et qui met en valeur la gêne qu’ils voudraient dissimuler. D’autres encore ne supportent pas qu’on leur rappelle qu’ils proposent à leurs enfants d'admirer non pas de la féérie mais de l’esclavage et de la maltraitance, et alors font preuve d’une virulence verbale hors norme au point d’effrayer ceux qu’ils voulaient émerveiller.
Ce matin, France Info a décidé de s’emparer du sujet. Pour inviter la classe politique française à imiter son voisin belge et à élever son degré d’empathie pour l’heure bien bas ? Bien sûr que non : pour tendre le micro aux pleureuses du cirque Pinder qui considèrent que cette décision est stupide, les animaux bénéficiant de soins et d’amour incommensurables de la part de leurs dresseurs.
Transmis à Baby et Népal, les deux éléphantes appartenant au cirque Pinder, un temps soupçonnées d’être tuberculeuses et menacées d’euthanasie par un préfet en manque d’excès de zèle. Sans l’intervention à l’époque de plusieurs associations et de la princesse Stéphanie de Monaco, les grands circassiens du cœur de la famille Pinder (condamnés en 2010 à 15 000 € d’amende pour détention illégale d’animaux) auraient bien laissé volontiers cette marchandise devenue inutilisable subir le sort que leur prévoyait le petit préfet du Rhône.
David Joly