La CONVENTION VIE ET NATURE répond très favorablement à l'appel du professeur Jean-pierre MARGUENAUD.
Par-delà les différences fructueuses, opportunes, enrichissantes de la nébuleuse protectionniste, l'unité s'impose, à l'évidence face à tous les lobbies de la mort, du mépris, de l'exploitation.
La CVN promeut cet esprit d'unité dans le respect de la diversité et souhaite qu'une maturité et une élévation des comportements permettent enfin au monde de la défense animale et de la nature d'agir efficacement.
L'émiettement du courant protectionniste explique en grande partie ses échecs des dernières décennies, car, avouons-le, face à la chasse, à la tauromachie, à l'expérimentation, à l'élevage concentrationnaire, la cause du vivant ne progresse pas malgré l'ardeur des militants.
Sur le terrain du droit, de l'opinion, de l'action, les mouvements doivent se soutenir et faire taire les stupides et suicidaires querelles de personnes.
Ainsi, la CVN qui milite pour l'abolition de la chasse, de la corrida, de tous les actes de cruauté et de violence dirigés contre les animaux, contre la nature et contre les humains, soutiendra toujours les initiatives partielles tendant dans cette direction.
Aussi, Je remercie le professeur MARGUENAUD pour sa précieuse contribution à cette avancée et à cette réflexion.
Gérard CHAROLLOIS
Président de la CONVENTION VIE ET NATURE.
L'appel du Professeur Jean-Pierre MARGUENAUD.
Proposition pour surpasser la division des associations de protection des animaux
Jean-Pierre MARGUÉNAUD professeur de Droit privé et de Sciences criminelles FDSE – OMIJ
Université de Limoges
Après 4 années d’existence, la RSDA commence peut-être à faire un peu mieux connaître le droit animalier. En tout cas, elle aura sûrement permis à ses promoteurs de mieux connaître les acteurs de la protection des animaux qui les ont aidé à donner de la profondeur et de la cohérence aux dossiers thématiques que Florence BURGAT a consacrés à l’expérimentation animale, à la corrida, aux animaux compagnons de solitude, à l’abattage rituel, au végétarisme, à l’abeille, aux animaux classés nuisibles et à l’animal de compétition. Le courage invincible, la détermination inébranlable, le dévouement de tous les instants de personnes tous les jours au contact direct des réalités les plus sordides qui affrontent inlassablement l’effroi, l’agonie, la puanteur pour améliorer un peu la condition animale, malgré les menaces et les pressions qui s’exercent sur elles, imposent respect et admiration aux universitaires qui ont toujours la chance, eux, de pouvoir déployer un écran théorique pour atténuer un peu la brutalité des faits sordides qu’ils dénoncent également.
Il existe cependant un élément moins positif , qu’une prise en compte un peu trop abstraite des questions avait peut-être empêché de percevoir : c’est l’extraordinaire division des associations de protection des animaux. Ainsi, certaines réactions à quelques « sélections semestrielles » ont-elles aidé, en trois ans, à mieux prendre conscience de ce que ces associations se montrent parfois aussi implacables entre elles que sont cruels les agents des filières productivistes ou expérimentatrices à l’égard des animaux.
Il n’est pas à regretter, bien au contraire, que l’extraordinaire diversité des aspirations éthiques, philosophiques, écologiques, politiques, morales, religieuses ou cultuelles qui poussent des hommes et des femmes à se regrouper pour mieux défendre les animaux soit représentée sur le grand échiquier de l’action concrète . Il est quand même désolant qu’elle s’accompagne si souvent de ce qu’il faut bien appeler, avec ou sans jeu de mots, une animosité mutualisée grande consommatrice de temps et d’énergie. Il irait sans dire que de telles dérives ne sont pas propres au monde de la protection des animaux et qu’elles provoquent autant de ravages sur d’autres pans du tissu associatif sous l’effet des mêmes causes qui sont probablement à l’oeuvre depuis l’origine de l’humanité : luttes d’influences, querelles de préséances, chocs des égos, concours d’outrecuidances, conflits de vanités, championnats de suffisances…Il ne faut pas exclure pourtant que des explications particulières puissent se trouver à l’origine de l’animosité qui pousse les associations de protection des animaux à se disputer sans ménagement Il n’y a pas lieu de tenter de les recenser toutes. Au moins pourra-t-on se permettre, dans une Revue de Droit animalier, de se demander si l’attitude des associations à l’égard du rôle que le droit doit jouer dans leur combat ne contribue pas un peu à exacerber ou à cristalliser les tensions.
Il y a tout d’abord des associations ne croyant qu’aux actions musclées, sans concession, sans compromis et sans merci, qui considèrent le droit seulement comme un outil déployé par le système pour exercer sur leurs militants une sanglante et ô combien injuste répression. Evidemment, à leurs yeux, ceux qui ont le malheur de croire que, grâce à l’action pacificatrice du droit, on peut vraiment changer les choses par le haut ne sont que « des intellectuels au sens vraiment bourgeois du terme », autant dire des traitres à la cause.
Il y a ensuite les associations qui ne comptent que sur le succès d’actions médiatiques et qui, comme on l’a vu récemment, se contentent d’utiliser le droit comme support d’une campagne médiatique, indépendamment du point de savoir ce qu’il aurait pu apporter par lui-même et sans se soucier des éventuels « effets-boomerang » que son instrumentalisation peut provoquer.
Il y a encore les associations ou fondations qui sont convaincues que le droit peut faire accomplir de grands pas à la protection des animaux mais qui, trahies par la technique juridique, poussent parfois à l’adoption de dispositions nouvelles aggravant ou embrouillant des situations qu’elles avaient pourtant cru améliorer ou éclaircir. Parmi ces dernières, on pourrait peut-être même parvenir à sous-distinguer celles qui considèrent que le droit doit obéir au doigt et à l’oeil à la science ayant toute légitimité pour lui dicter les mesures qu’il doit prendre pour assurer une meilleure protection des animaux et pour lui interdire de remettre en cause le bien-fondé de l’expérimentation animale.
Dans ces conditions, on ne peut s’empêcher de se dire que, en mobilisant le droit en ordre dispersé, avec des arrière-pensées mal arrêtées et une maîtrise technique trop souvent mal assurée, les associations de protection des animaux ont gâché et gâcheront encore beaucoup de chances de peser de manière déterminante sur l’évolution des règles et sur leur mise en oeuvre concrète et effective.
On ne peut, dès lors, s’empêcher de rêver à ce que serait la force des associations de protection des animaux si, renouant avec l’esprit associatif, elles avaient la sagesse , pour une fois, qui ne serait peut-être pas tout à fait la première mais qui trouverait l’élan et la solennité des grandes premières, de mettre leurs divisions et leurs querelles entre parenthèses, pour regrouper l’ensemble de leurs forces afin de faire aboutir une réforme législative simple, claire et précise qui marquerait le début d’une nouvelle ère de la protection juridique des animaux en France.
Pour aider le monde des associations de protection des animaux à prendre conscience de sa force, il faudrait pouvoir le mobiliser derrière une proposition fédératrice dans laquelle chacune pourrait se retrouver un peu. Cette affirmation en forme de lapalissade sous-entend qu’il faudra s’en tenir à un certain niveau de généralité pour espérer rassembler le plus grand nombre. C’est donc vers une proposition de réforme du statut juridique des animaux qu’il faut se tourner. Il faut le faire d’autant plus résolument que le terrain et les idées ont déjà été remarquablement préparés par Madame Suzanne ANTOINE. Comme chacun le sait, cette grande figure de la protection animale française a remis au Garde des Sceaux, le 10 mai 2005, un rapport sur le régime juridique de l’animal dans lequel elle a eu l’élégance et la rigueur intellectuelles de recommander de retenir en priorité une proposition qui n’est pas celle qu’elle avait elle-même avancée, mais une autre proposition plus radicale qui est celle qui « répond aux désirs exprimés par l’opinion publique, au travers des Fondations et Associations consultées ». On sait aussi qu’une récente proposition de loi déposée par M. le Sénateur Roland Povinelli en 2011 a tenté de sortir le rapport Antoine de la léthargie dans laquelle la poignée de hauts fonctionnaires répartis entre trois ou quatre ministères qui verrouillent les sources du droit animalier l’ont laissé s’assoupir. On sait encore qu’une autre proposition de loi Povinelli de 2011 s’est courageusement intéressée au statut de l’animal sauvage que le député Roland NUNGESSER avait vainement tenté de faire évoluer dans les années 1980. Ces rapports et propositions ont été suffisamment discutés (RSDA n° 2/ 2011. 17) pour qu’il soit possible d’en dégager une proposition synthétique tendant à l’adoption d’une loi destinée à réformer le statut de l’animal dont le contenu serait le suivant : LOI RELATIVE AU STATUT JURIDIQUE DE L’ANIMAL
Article 1er Le Livre deuxième du Code civil est intitulé « Des animaux, des biens, et des différentes modifications de la propriété ». Le Titre premier du Livre deuxième du Code civil est intitulé « Des animaux » Le Titre premier du Livre deuxième du Code civil est rédigé comme suit : Article 515-14 « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. En toutes circonstances, ils doivent bénéficier de conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et assurant leur bien-être ». Article 515-15 « La transmission des droits relatifs aux animaux se réalise suivant des règles particulières prenant progressivement en compte leur sensibilité propre».
Article 515-16 « Dans l’attente de l’élaboration des règles particulières visées par l’article 515-15, l’appropriation des animaux continue de s’effectuer, à titre transitoire, conformément aux dispositions du Code civil sur la vente et aux textes spécifiques du Code rural et de la pêche maritime ».
Article 2 Il est ajouté au Code pénal un article 521-1-1 ainsi rédigé : « Les animaux sauvages vivant en l’état de liberté naturelle étant également des êtres sensibles, ils ne peuvent faire l’objet, même lorsqu’ils sont chassés ou traqués, de sévices graves ou d’actes de cruauté ».
Tendant à une extraction raisonnable des animaux domestiques de la catégorie des biens et à une reconnaissance concrète de la qualité d’êtres sensibles des animaux sauvages, cette « proposition pour surpasser la division des associations de protection des animaux » répond, en somme, au défi suivant : en faisant l’effort de regrouper, symboliquement et solennellement leurs forces, les associations de protection des animaux sont-elles suffisamment puissantes pour vaincre la force d’inertie de la poignée de hauts fonctionnaires répartis entre trois ou quatre ministères qui verrouillent les sources du droit animalier ?
Pour aider à relever ce défi, la RSDA, qui n’est pas une association mais une Revue portée par un Centre de recherche universitaire jalousement attaché à son indépendance, son excellence et son esprit de tolérance et d’ouverture, pourrait évidemment déployer ses bons offices. Elle pourrait donc permettre aux associations et fondations de protection des animaux de surpasser leurs divisions et les aider à prendre conscience de ce que leur puissance est irrésistible lorsqu’elles savent se fédérer autour d’un projet commun.
Celles dont les responsables liront le n° 2/2012 de la RSDA pourront donc être invitées à manifester leur SOUTIEN À LA PROPOSITION DE RÉFORME DU STATUT JURIDIQUE DE L’ANIMAL qui ne les engagerait à rien d’autre qu’à laisser figurer leur nom dans les documents qu’il faudrait éventuellement produire pour conduire la présente proposition au bout d’un processus législatif , si, contre toute attente légitime, elle rencontrait un peu plus que de l’indifférence… Les associations et fondations intéressées pourront déposer leur avis ou commentaires et faire connaitre leur éventuelle adhésion à la démarche proposée par courriel à l’adresse suivante : jean-pierre.marguenaud@unilim.fr