D’abord un grand ouf de soulagement. Car si la gauche au pouvoir ne promet pas forcément de grandes avancées dans le domaine du respect du Vivant (dans ce camp là aussi il y a de grands détraqués qui prennent plaisir à cribler de plombs la faune sauvage/d’élevage ou à voir torturer un taureau), nous sommes quand même satisfaits de savoir que les incompétents qui ont été au service des lobbies de la mort-hobby pendant 17 ans (Bachelot, Borloo, Kosciusko-Morizet…) se sont fait botter les fesses pour les cinq ans à venir.
Donc nomination du Gouvernement le 16 mai. Comme tout militant, je suis devant mon écran de télévision et j’attends que dans cette longue liste énumérée par le nouveau secrétaire de l’Elysée surgisse le nom du Ministre de l’environnement.
Valls à l’Intérieur. Pas un scoop. J’ai une petite pensée pour nos amis du CRAC Europe pour la protection de l’enfance. La prochaine fois que nous participerons à une marche pacifique organisée par leurs soins afin de demander de nouveau l’abolition de la corrida, pas certain que l’aficionado désormais patron des CRS ne leur donne l’ordre d’aller tâter de la matraque.
Puis apparaît le nom de Cécile Duflot. Ministre de l’égalité des territoires et du logement. Aucune surprise. Cécile Duflot dans le Gouvernement ou à l’Assemblée nationale, ça ne faisait aucun doute. Petit retour en arrière : pas plus tard qu’il y a un an, si les socialistes voulaient l’appui d’Europe Ecologie au second tour des présidentielles, ils devaient à la fois s’engager sur l’abandon du projet d’aéroport de Notre Dame des Landes et sur la sortie du nucléaire dans un délai ne dépassant pas trente ans. Conditions NON NEGOCIABLES ! Entre temps, le parti de la rose a offert une place bien au chaud au Sénat à Jean-Vincent Placé, Vice-président d’EELV et a promis la même chose à sa Présidente, d’abord au Gouvernement pour ensuite glisser vers le Palais Bourbon. Ainsi Cécile Duflot sera candidate aux prochaines législatives dans une circonscription où la députée PS sortante sera sa suppléante et où elle l’avait emporté en 2007 avec 69 % des voix (on mesure la difficulté du challenge pour la patronne des Verts...).
Résultats : l’abandon du projet d’aéroport a été remisé au placard (il est actuellement provisoirement suspendu mais non en raison d’une quelconque pression politique mais de la mobilisation d’associations locales et de la grève de la faim de propriétaires terriens menacés d’expropriation) et la naissance d’un pseudo-accord sur le nucléaire que personne n’a su correctement exposer alors qu’au final très simple à comprendre : on continue comme avant et rien ne change.
Victime collatérale de ce marchandage : Eva Joly bien sûr qui du jour au lendemain s’est retrouvée seule dans sa barque désertée par sa direction, qu’elle a menée à un pénible 2,3 % des voix (ce qui apparemment semblait tout de même soulager beaucoup de militants verts qui craignaient un score inférieur à celui de 2007).
Autre élément qui n’est pas une surprise : Cécile Duflot ne sera pas Ministre de l’environnement. Et là aussi j’ai envie de dire ouf. Ouf car sans jamais remettre en cause ses idées plus qu’intéressantes sur la solidarité, sur le logement qu’elle va avoir justement en charge, voilà une dame qui depuis un moment n’a que faire de la biodiversité, n’a que faire de l’éthique environnementale, n’a que faire de la prise en compte de la capacité de souffrir pour les espèces autres que la nôtre.
Plusieurs fois interpelée dans des meetings, réunions, colloques, par des militants du Vivant (qu’ils soient de la CVN, du CRAC Europe, de L214 ou de tout autre association amie), sa réponse revient systématiquement sur un positionnement neutre parce que, dixit Madame Duflot, ces militants revendiquant le droit au bien-être pour tous sont parfois violents.
Madame Duflot a eu vent de la manifestation des chasseurs à Valenciennes en mars 2009 ayant entraîné des dégâts de plusieurs dizaines de milliers d’euros ainsi que plusieurs blessés. Seulement Madame Duflot a cru à l’époque qu’il s’agissait de protecteurs de la nature revendiquant l’abolition de la chasse.
Madame Duflot a visionné les images de Rodilhan et le lynchage d’hommes et de femmes opéré en plein centre de l’arène. Dans la confusion, Madame Duflot a cru comprendre qu’il s’agissait d’aficionados que des militants abolitionnistes avaient enchaînés pour pouvoir mieux les rosser et les abuser.
Madame Duflot était à Paris le 11 février 2012. Son véhicule s’est retrouvé immobilisé quelques minutes lors du passage de quatre mille individus revendiquant pacifiquement, sans violence, sans dégâts matériels, sur pas moins de six kilomètres par moins huit degrés. Quelles revendications ? Elle a entraperçu des images de taureaux sur certaines pancartes et étant donné le comportement respectueux du cortège, il ne pouvait s’agir forcément que d’aficionados venus du sud de la France pour demander une plus grande reconnaissance de leur belle tradition.
Lorsque Madame Duflot quittera son maroquin pour venir s’installer au Palais Bourbon (rappelons que François Fillon, en étant resté à son poste gouvernemental durant tout le précédent quinquennat, est plus que l’exception), pas certain que lorsqu’une énième loi pro-chasse se présentera au vote nous puissions de nouveau constater que cent pour cent des députés Verts s’y sont opposés.
Passons… Alors, qui à l’environnement ? Roulements de tambour : Nicole Bricq. Bon, je pense que comme moi vous vous êtes précipités sur votre ordinateur pour taper dans votre moteur de recherche le nom de cette illustre inconnue. Et là vous apprenez que c’est une spécialiste de la finance qui va gérer la biodiversité.
Le lendemain, Le Parisien affirmera même qu’en apprenant sa nomination à la tête de ce ministère, Madame Bricq a été un peu étonnée. Bonjour l’enthousiasme…
Que faire sinon attendre la suite ? Faire pire que les assassins sortants sera difficile. Pas sûr non plus que l’on assiste à un détricotage de la législation inique de ces cinq dernières années tressant des lauriers à la souffrance animale.
David Joly
Vice-président CVN