"Ecoterrorisme " ?


par Gérard Charollois , Président de la CVN et Armand Farrachi , écrivain.


Dans ses « éléments de langage », le gouvernement veille à ce que les mots « Soulèvements de la Terre » ne soient plus prononcés qu'associés au mot « violence », violence généralement qualifiée « d’inouïe ». Si les écologistes sont criminalisés, leur mouvement dissous, leurs représentants arrêtés, s’ils sont menacés ou agressés par les productivistes (d’ailleurs jamais poursuivis), ce n’est donc pas à cause de leurs idées, bien sûr que non, mais à cause d’actions « violentes » consistant principalement à se défendre contre les forces de répression qu’on leur oppose après leur avoir interdit de manifester, comme s’il suffisait de faire les gros yeux ou de dépêcher une compagnie de CRS pour qu’ils s’enfuient à toutes jambes !

Qu’est-ce donc que cette « violence inouïe » ? Une pierre lancée contre une agence bancaire ? Une poubelle incendiée ? Comment appellera-t-on alors l’accaparement de l’eau, la pollution de la terre, de l’air et des rivières, l’abattage des forêts, le réchauffement du climat, le massacre des animaux ? Qui sont les violents ? Ceux qui défendent la Nature, ou la FNSEA, les chasseurs, les sylviculteurs, les pétroliers qui la maltraitent, les politiques qui les soutiennent ?

L’Europe, dominée par les néo-conservateurs, vient de rejeter en commission un projet de règlement visant à protéger la biodiversité, préférant servir les grands groupes financiers qui, par leurs choix économiques, ont fait disparaître les paysans, intoxiqué l’environnement, anéanti 80% de l’entomofaune, 60% des oiseaux de plaines, introduit des polluants mutagènes et cancérogènes dans tous les êtres vivants. Ce courant politique entend à présent diffuser dans l’opinion la peur et la haine, sans révéler les intérêts qu’il sert contre la « biodiversité » qu’il méprise.

On est toujours le « terroriste » d’un autre, les Résistants d’hier aux yeux des nazis comme les Palestiniens aux yeux de la droite israélienne. Ce sont les monarchistes qui, après 1795, ont appelé les Jacobins des « Terroristes ». C’est Macron et ses ministres dévoués qui traitent les écologistes d’« écoterroristes », en espérant la généralisation des concepts péjoratifs, comme « l' écologie punitive » (qui n’est que le recours à la loi), « la dictature verte » ou « les amish ». A qui veut-on faire peur avec « écoterrorisme », « violence inouïe », « désobeissance civile », « zoophiles », « khmers verts », etc. ? Devrait-on avoir honte de préférer des arbres couverts d’oiseaux plutôt qu’une piscine à vagues ? Il serait bien facile de retourner l’insulte contre ceux qui prétendent transformer un marécage en aéroport ou qui déclarent le renard « nuisible » pour l’exterminer. S’il faut dénoncer les violents contre les personnes, les biens et la Nature (que Dante vouait au cinquième cercle), qui sont les véritables « écoterroristes » ?

Qu’auraient donc dit nos républicains prétendus, frappés d’une dérive ultra-réactionnaire, et leurs chiens de garde en 1789 ? Comment auraient-ils appelé ceux qui prenaient la Bastille ou investissaient les Tuileries ? Qu’est-ce donc que la « violence » des écologistes d’aujourd’hui face au lynchage du gouverneur de la Bastille ou d’un fermier général ?

Ce combat dépasse tout objectif revendicatif, comme la protection d’une zone sensible, mais s’ouvre sur une vision du monde. Les sujets de conflits tant matériels qu’idéologiques sont aujourd’hui plus nombreux entre les partisans du « développement » ou de « l’aménagement du territoire » et les écologistes qu’entre les catholiques et les protestants au XVIème siècle. Il s’agit bien d’une sorte de guerre de religion, d’un affrontement théologique, d’un enjeu « de civilisation », dans un pays où les sujets de guerre civile n’ont certes pas manqués. Or, l’Etat partial ne tente certes pas de concilier les adversaires ou les intérêts mais s’acharne à défendre les uns contre les autres. On sait qui contre qui. En France, le premier ennemi de la Nature s’appelle Emmanuel Macron, complaisant envers les lobbies, méprisant l’intérêt général, rêvant à quelque Saint-Barthélémy rampante. C’est notre Donald Trump à nous, notre Viktor Orban, une honte pour notre pays. Il sait qu’un pouvoir absolu ne s’établit que sur une terre dévastée. D’autres savent que tant qu’il existera une nature intacte, la liberté ou la révolte pourront toujours s’y réfugier et y renaître. A condition d’être défendues. N’est-ce pas le sujet ?

Armand Farrachi* Gérard Charollois**

Convention Vie et Nature

*dernier ouvrage paru : Le Triomphe de la bêtise, Actes Sud.

** président de la Convention Vie et Nature

 

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