Par David Joly - Vice-président de la Convention Vie et Nature
En novembre dernier, la commission des affaires économiques et des lois du Sénat nommait 19 membres ayant pour mission de mener des travaux relatifs aux questions de sécurité à la chasse, aux modes de délivrance du permis, aux conditions de détention d’armes, au partage des espaces naturels, aux sanctions encourues en cas de victimes et à la prise en charge de ces dernières.
Le Sénat, antichambre politique tout ce qu’il y a de plus rétrograde, aurait-il eu un sursaut soudain de modernité et de souci de l’intérêt général ? Pas du tout. Il avait simplement l’obligation d’engager cette procédure en raison de la pétition déposée sur son site par le collectif « Un jour un chasseur » qui a recueilli plus de 100 000 signatures (122 484 exactement), seuil de déclenchement de la procédure.
Ce collectif a été créé par les amis de Morgan Keane, ce jeune homme de 25 ans tué chez lui le 2 décembre 2020 par un chasseur. Lors de l’audition des représentantes de ce collectif, ces dernières ont rappelé que Morgan était un individu de très grande taille (plus d’un mètre quatre-vingt-dix) et qu’au moment où il s’est fait abattre, il était en train de couper du bois au sein de sa propriété, donc muni d’une tronçonneuse entre les mains et d’un casque orange fluo sur les oreilles. Malgré cela, le chasseur qui lui a ôté la vie a avancé sans sourciller, pour expliquer son geste, qu’il l’avait confondu avec un sanglier.
Face à une telle assertion, deux hypothèses s’imposent.
La première est que l’auteur de l’homicide dit la vérité. Ce qui signifie qu’à l’instant T il a été apte à assimiler un être humain bariolé marchant sur ses deux jambes et muni d’un outil de travail ostensible à un ongulé ne dépassant pas les 1,20 mètre, se déplaçant sur quatre pattes terminées par des sabots et présentant traditionnellement un pelage brun-gris. Un état éthylique proche du coma ou une acuité visuelle devenue quasi-nulle auraient pu corroborer cette version. Après tout, le législateur français accorde au chasseur, contrairement au conducteur d’automobile, le droit de manier l’instrument qu’il utilise (en l’occurrence un fusil) sous l’emprise la plus absolue de l’alcool, et aucun test visuel n’est prévu et imposé à tout chasseur, quel que soit son âge. Cependant, l’enquête qui a suivi la mort de Morgan Keane a écarté ces deux pistes.
La seconde hypothèse qui expliquerait alors ce geste qui a entraîné un homicide est que la pulsion qui animait ce chasseur présentait un tel niveau incompressible qu’au final, peu importait la cible, le plaisir de tuer avait pris le pas sur le moindre début de rationalité qui conduit, en temps normal, tout être humain à ne pas tuer pour le simple plaisir, à commencer par ses semblables.
Un trouble mental inquiétant, glaçant mais qui existe bel et bien. Et si la plupart du temps il est ignoré par les individus qui en sont atteints, pour certains il est complètement assumé et revendiqué. Et ce n’est pas alors leur qualité d’élu qui pourrait réfréner cette déviance.
Nous en avons eu une énième preuve à Alleyrat, commune située dans la Creuse où, dans l’un des derniers bulletins municipaux, Guy Brunet, le maire même de ce petit village, appelle ouvertement à l’homicide volontaire :
« Ce que je crains, c’est que le chasseur de demain, soit obligé de réguler des nuisibles, qui comme les virus seraient mutants. C’est-à-dire avec deux seules pattes. »
Willy Schraen, président de la fédération nationale de chasse, clame haut et fort, lorsqu’on lui rappelle les nombreux homicides générés par l’activité cynégétique, que le risque zéro n’existe pas.
On s’en approcherait cependant très fortement si les quelques millions d’armes létales actuellement en libre circulation dans les mains d’individus à l’équilibre mental préoccupant leur étaient soustraites.