Par David Joly - Vice-Président de la Convention Vie et Nature
La photo qui illustre cet article date du week-end dernier. La cartouche que l’on y voit a été ramassée par mes soins en plein cœur d’un petit village du département du Nord, au sein d’une rue se situant à deux pas de la place communale.
Qu’est-ce qui peut expliquer la présence d’une cartouche vide à cet endroit ?
Soit il s’agit de l’un de ces premiers écologistes de France autoproclamés qui, non content d’avoir déversé du plomb dans la nature, a ressenti le besoin de pousser sa pollution personnelle à l’extrême en jetant par la vitre de son 4 X 4 avec lequel il avait défoncé toute la journée les quelques chemins de randonnée du coin, ses munitions de plastique usagées.
Soit ce même individu a tiré en pleine rue afin de toucher un volatile qui passait au-dessus des habitations ou pour assouvir une soudaine et irrépressible envie d’utiliser son arme, ce qui ne serait pas du tout étonnant, le volume sonore des coups de feu entendus le week-end ne pouvant provenir de pâturages qui se situent à plusieurs centaines de mètres des domiciles les plus proches.
La chasse à la française pose, depuis le début de son existence, deux problèmes majeurs de société.
Le premier relève de l’éthique puisque cette pratique consiste, quoi qu’on en dise, à tuer (et aussi à torturer dans certaines de ses formes telles que la vénerie ou le déterrage) des êtres dotés d’une capacité de ressentir la peur et la souffrance, et ce dans un but uniquement récréatif.
La fédération nationale de chasse et son lobbyiste officiel ont beau tenté depuis la nuit des temps de faire croire à une pseudo-mission d’intérêt général des excités de la gâchette qui consisterait à contenir une population faunistique sauvage incapable de se réguler elle-même, cet argument n’a jamais convaincu qui que ce soit, à commencer par le président actuel de la FNC qui, en direct sur un plateau de télévision, vient de reconnaître la seule et unique raison de la pratique de la chasse : le plaisir sadique de donner la mort à un animal (1). Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour se confesser.
Le second problème majeur que pose la chasse est qu’elle met en danger l’ensemble de la population de ce pays. Tout citoyen peut se voir arracher la vie par une balle de chasseur, parce qu’il s’adonnait à une pratique sportive en pleine nature (2), parce qu’il cueillait des champignons à l’orée d’une forêt (3), parce qu’il coupait du bois devant son domicile (4), parce qu’il se promenait au sein de sa propre propriété (5) ou parce qu’il avait eu le simple tort d’emprunter une portion d’autoroute (6).
Ces exemples de mort tragique, qui se répètent à l’envi ces vingt dernières années au cours desquelles il a été dénombré plus de 400 victimes humaines, démontrent que l’insécurité totale liée à la mort-loisir n’existe pas que dans le fin fond des bois et futaies mais aussi et surtout dans l’ensemble des zones rurales (y compris les centres des communes qui s’y trouvent) et péri-urbaines du pays.
Et le niveau de cette insécurité n’a d’égal que celui de l’indécence des dirigeants cynégétiques qui estiment que « le risque zéro n’existe pas » (Willy Schraen, président de la FNC) ou qu’il ne faut pas isoler un accident, aussi mortel soit-il, et « le remettre en perspective par rapport à tous les efforts qui ont été faits ces dernières années par les chasseurs » (Jean-Roland Barrère, président de la fédération départementale des Landes). Voilà des discours de compassion exemplaires qui vont très certainement atténuer le chagrin des familles des défunts…
Dans un état de droit, les pouvoirs publics s’empareraient de la question et tenteraient de remédier le plus vite possible à cette source d’insécurité et de danger pour tout un chacun.
Mais en France, la vieille classe politique prompte à légiférer pour créer un délit d’entrave à la chasse ou mettre à disposition de la FNSEA une cellule de gendarmerie afin de faire taire les dénonciateurs et pourfendeurs de l’agri-mafia (7), observe le plus pur immobilisme quand il s’agit de réfréner les dérives et excès des mêmes lobbies.
Pire : elle encourage ces derniers en organisant une véritable gabegie financière sur le dos des contribuables victimes des nuisances et homicides. C’est ainsi que le pitoyable résident actuel de l’Elysée a mis à la charge de la nation la moitié du prix de tous les permis de chasse (8), tandis que ses acolytes à la tête des collectivités territoriales abreuvent les fédérations départementales de chasse de subventions à ne plus savoir qu’en faire, à l’instar de Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France (9) ou de Renaud Muselier en PACA qui prévoit de distribuer chaque année plus d’un demi-million d’euros d’argent public.
La chasse est un problème mortel. La chasse est l’auteur d’homicides et ses financeurs politiques ses complices.
DJ.