Par David Joly - Vice-président de la Convention Vie et Nature
Il était une fois une monarchie présidentielle répondant au doux nom de Lobbyland.
Tous les cinq ans, des élections y sont organisées afin de porter au pouvoir un nouveau monarque.
Un banquier d’affaires, répondant au doux nom d’Emmanuel, décida de participer à cette élection, avec une stratégie plutôt maligne : se faire passer pour un individu moderne avec des idées totalement dans l’air du temps devant les projecteurs, tout en mettant en œuvre en coulisses les vieilles méthodes usées jusqu’à la corde par tous ses prédécesseurs, consistant à prêter allégeance à tous les lobbies qui se verront servir sur un plateau d’argent durant ses cinq ans de règne.
Emmanuel fut élu et démarra sur-le-champ son travail de servitude. Lors de sa campagne, il avait rencontré, parmi tant d’autres, un personnage atypique : Willy. Ce dernier représente, dixit lui-même, une corporation d’individus dont le plaisir est de tuer (1).
Willy s’est révélé un fin stratège, bien plus encore qu’Emmanuel lui-même. En effet, il a réussi à lui faire croire qu’il représente cinq millions d’électeurs potentiels, comme il l’éructe sur tous les plateaux de télévision où il est invité. Or, dans la réalité, les adeptes du plaisir de tuer ne sont pas plus de 800 000, soit à peine 1,7 % des électeurs et moins de 1,2 % de la population.
Dès lors, Emmanuel accède à toutes ses requêtes (la moitié du prix du permis de chasse pris en charge par les impôts des citoyens), s’assoit sur la loi pour lui faire plaisir (arrêté ministériel pour autoriser la chasse illégale des oies sauvages) et surtout le laisse faire tout ce que bon lui semble.
C’est ainsi que Willy en profite pour appeler ses troupes à éradiquer tout ce qui bouge et à ne pas hésiter, lorsque l’occasion se présente, à administrer de bonnes branlées à celles et ceux qui considèrent que la vie est un bien à préserver (2).
Comme les affiliés de Willy sont disciplinés, ils prennent les paroles de Willy pour argent comptant. Ils éradiquent donc tout ce qui bouge, qu’il s’agisse d’animaux sauvages protégés (3), d’animaux domestiques (4) ou collatéralement d’individus de leur propre espèce (5). Et quand l’occasion se présente, l’acte de violence verbale et physique est une seconde nature (6).
Les victimes de ces actes de violence ne peuvent systématiquement compter que sur eux-mêmes, à l’inverse de Willy qui, lui, lorsqu’il est menacé, bénéficie de la protection d’Emmanuel (7).
Il n’y a bien sûr pas qu’Emmanuel qui protège Willy et ses amis : il existe tout un système judiciaire qui veille à ce que les peines soient les plus clémentes possibles lorsqu’un citoyen de Lobbyland a l’outrecuidance de porter plainte parce qu’il a été agressé par un chasseur, ou que ce dernier a tué son chat, son chien ou son conjoint. Emmanuel a d’ailleurs nommé au ministère de la Justice un passionné de chasse qui prend bien soin de veiller au grain, n’en déplaise à un certain Montesquieu, philosophe du 18ème siècle de Lobbyland, auteur de la théorie de séparation des pouvoirs qui s’avère être aujourd’hui l’une des meilleures blagues du pays.
Un homicide ne vaut ainsi qu’un an de prison ferme à son auteur et du sursis à ses complices ayant tenté de maquiller la vérité, du moment qu’il est réalisé avec un fusil de chasse (8).
Quant à la mise à mort d’un animal domestique, une simple amende fait l’affaire (9).
Une impunité dont les affiliés de Willy sont fiers. Après tout, comme ils le disent si bien, il ne s’agit que de malheureux accidents, qui d’ailleurs ne seraient pas arrivés si les victimes avaient pris la peine de ne pas se trouver sur la trajectoire de la balle tirée ou sur la route de leur meute de chiens enragés.
Mais au fait, pourquoi je vous expose tout cela ? Ah oui, simplement pour dire que l’on a beau raconter ce qu’on veut, ce n’est pas en France que l’on verrait un tel niveau de médiocrité et de turpitude.
DJ
(1)
(2) https://www.parisdepeches.fr/2-Societe/2048-France/14184-Chasseurs_chats_polemique_enfle.html
(6) https://reporterre.net/Intimidations-agressions-Quand-les-chasseurs-font-leur-loi