Fascistes ? Surtout brutes avinées et arriérées.

Ce texte a été écrit par Gérard Charollois, indigné par un évènement qui nous a été relaté par une personne témoin d'une scène indigne de notre temps ... Ce témoignage est reproduit après l'article ci-dessous.


La prise de conscience du caractère sensible de l’animal, le souhait de sauver la biodiversité, la préoccupation face à la mort de la nature, génèrent chez l’immense majorité de nos contemporains une mentalité nouvelle faite de sympathie pour le vivant.
Cette immense majorité souhaite la présence du loup, de l’ours, du lynx et des oiseaux dans nos forêts, nos montagnes.
Mais une minorité haineuse, violente, brutale et primaire veut tuer, aseptiser, détruire la vie et se révèle d’une agressivité délictueuse envers toute personne évoluée, consciente, éclairée.
Le témoignage ci-dessous illustre l’arriération de ces milieux agrocynégétiques.
Leur marginalité pourrait rendre dérisoire et vaine cette violence de voyous, si sénateurs et élus locaux ne croyaient pas démagogiques de relayer leur haine contre la nature.
Cessons de gaspiller de l’argent public en subventions d’une agriculture de montagne non viable sans cette fonctionnarisation du mouton et subordonnons l’aide sociale opportune à la présence des loups, des lynx et des ours en montagne.
Les ennemis de la terre agissent en fascistes, sans doute.
Mais ils n’ont même pas la conscience politique de leurs mœurs de brutes débiles.
Je crains que l’assimilation faite par notre témoin soit insultante pour les fascistes eux-mêmes.

Gérard CHAROLLOIS

Le témoignage ...

Spectacle de haine au cinéma de Tende Dimanche 2 août.

Une affiche m’invitait à voir un film intitulé « Marche avec les loups », en présence du réalisateur, celui-là même qui a signé, il y a une paire d’années, « La vallée des loups », que j’avais beaucoup appréciée en tant qu’amoureuse des grands espaces et des animaux sauvages. Alors, je suis montée à Tende avec deux amis, juste pour voir ce film et me remplir la tête d’images tout aussi sauvages, surtout en cette époque de contraintes. Mais en arrivant devant le cinéma, je découvre, comme d’autres spectateurs, une pancarte de bois, suspendue en hauteur et à bonne distance des piétons, qui porte une inscription faite à la peinture noire, sur le nombre de moutons tués par les loups cette année. Je ne me doute alors pas que la séance va être très « compliquée ». Prenant place dans un cinéma où se sont déjà installées quelques familles avec leurs enfants qui viennent, pour les mêmes raisons que moi, s’émerveiller d’un film sur la nature, je vois quelques personnes aller et venir, l’air préoccupé, et discutant entre elles. Je ne peux alors imaginer ce qui va suivre. Quelques minutes plus tard, un cortège de jeunes gens escortés d’autres, bien plus âgés, fait irruption dans la salle, portant des tricots blancs bariolés de slogans hostiles au loup, mais également, semble-t-il, au réalisateur du film. Equipés de grosses cloches de troupeaux, ces agitateurs sèment immédiatement le trouble dans la salle, qui se remplit peu à peu de sympathisants des éleveurs, mais aussi de spectateurs neutres, sidérés. Arrivent dans la salle des gardes du Mercantour, promoteurs du film, dont la mine sombre trahit autant l’inquiétude que la consternation. Les parents, touristes et villageois mélangés, qui sont venus se détendre avec leurs jeunes enfants, commencent vraiment à s’inquiéter devant l’agressivité croissante des revendicateurs. Visiblement, nombre de ceux qui clament leur hostilité au loup sont ivres ; un habitant de Tende me le confirmera plus tard, m’assurant qu’ils étaient attablés au bar depuis plusieurs heures. Parmi eux, quelques jeunes femmes tout aussi agressives, voire bien davantage que les garçons, dont une agitatrice de cloche, véritable passionaria, ivre de furie et de vulgarité… Je vois et j’entends alors les « échanges » entre les éleveurs et les différents acteurs de la projection du film, si on peut qualifier ça d’échanges. Les éleveurs, meute grossière, hurlent, sonnent leurs cloches, applaudis par des sympathisants locaux, et d’autres, visiblement acquis à leur cause par souci de reconnaissance sociale, mais qui semblent déjà dépassés par la hargne de leurs meneurs. Et puis, l’un des éleveurs, un jeune italien, portant un béret basque et un t-shirt écrit d’un pathétique slogan injurieux, lance à la cantonade « ceux qui sont pour le loup, levez la main ». Que se serait-il passé, si certains avaient osé jouer à ce jeu? Auraient-ils été passés à tabac ? C’est ce qui semblait être le risque, vu l’agressivité croissante des éleveurs… Lorsqu’enfin la lumière tombe, annonçant la projection imminente, le cinéma est noir de monde ; certains spectateurs, que des amis locaux m’ont confirmé être de jeunes chasseurs, ouvrent alors en grand les fenêtres du cinéma. Je ressens une profonde inquiétude car ils nous cernent, et à ce moment là, leur violence verbale redouble. Je me sens prise au piège. Je découvre alors que le jeune réalisateur de la vallée, Rémi Masséglia, venu avec sa femme, sa famille et quelques amis, projette la bande-annonce du film documentaire qu’il tourne depuis quelques années, avec sa fille de 2 ou 3 ans comme principale protagoniste. M. Masséglia, qui habite la vallée, filme le monde sauvage, et principalement sa quête du loup, mettant en scène l’innocence de sa petite fille dans la nature, sur les traces du grand prédateur, revenant, avec tendresse et intelligence, sur le mythe du « Grand méchant Loup ». La bande-annonce donne lieu à des hurlements de haine et des injures affreuses, comme « enculé » ou « fils de pute », alors même que des images d’une enfant en bas-âge tenant sa peluche passent à l’écran, en présence de ses deux parents… 1 Et puis, la bande-annonce finissant et enchaînant sur le film « Marche avec les loups », il devient vraiment impossible d’entendre quoi que soit. Les vociférations des éleveurs sont soutenues par certains chasseurs de Tende, et une jeunesse locale, complice sans détour de la haine qui éclate au grand jour. Très vite, les revendications qui se voulaient anti-loup se muent en xénophobie envers tous ceux qui ne sont pas du coin ; et ils sont nombreux, ce soir-là, dont une moitié d’enfants… Je peux entendre « rentrez chez vous, cassez-vous, fils de pute ; ici, on est chez nous ; on est fiers de notre identité » ; et un homme jeune de se lever, hurlant à l’encontre des éleveurs hors de contrôle « vous traumatisez les enfants », ce à quoi, la horde, la meute ivre de haine, lui répond par des insultes décomplexées. L’homme, accompagné de ses enfants en pleurs, quitte la salle, applaudissant au « spectacle ». Sur ce, les gendarmes arrivent, à mesure que la tension et la consternation montent, mais ne semblent pas pouvoir calmer la situation. Ce que j’ai vu ce soir-là, au cinéma de Tende, de la part de ces éleveurs, est un acte fasciste. Il n’y a pas d’autres mots. Des hommes violents, ivres (mais pas que) et menaçants, empêchant la diffusion d’un film, dans un état de droit. Certains sympathisants restés à l’extérieur, et que je sus après coup chasseurs, arguaient qu’on ne venait pas voir ce film « par hasard ». J’assistai à quelques tentatives de dialogue entre des parents amoureux de la nature et des anti-loup, mais ces derniers, occupés à vociférer, ancrés dans leurs certitudes, rendaient toute discussion impossible. Ils étaient nombreux, haineux, menaçants, injurieux, face à des gens qui, comme moi, avaient juste envie d’aller au cinéma. Alors, je suis partie, écœurée, abattue par tant de haine aveugle, et sidérée par l’image donnée ce soir-là par la jeunesse de la vallée, celle de Tende en premier lieu. Mais une paire d’élus de Breil sur Roya étaient partie prenante de la horde. Et puis, Jean-Pierre Vassallo, le maire de Tende fraîchement réélu, est arrivé. Plusieurs connaissances restées sur place me l’ont racontée ; elles espéraient un apaisement, mais le maire a donné raison aux éleveurs, les soutenant, cautionnant par la même occasion leur comportement fasciste, leurs actes et leur haine, malgré les deux administrations présentes ce soir-là : la Gendarmerie et le Parc du Mercantour. Cela est proprement inadmissible. J’aime beaucoup la nature et ses bêtes, dont le loup et les moutons font partie ; je n’étais pas venue au cinéma pour me conforter dans des certitudes anti-pastorales que je n’ai pas. J’étais juste venue pour voir un film de nature. Et j’en suis ressortie consternée, sans voir le film, car des individus au comportement fasciste, des éleveurs et des chasseurs, et quelques complices de circonstance, m’en ont empêchée. Ce qui d’ordinaire, n’est l’apanage que de réels groupes d’intégristes politiques ou religieux. Je n’ai rien contre les bergers ; mais au cinéma de Tende, ce soir-là, il n’y en avait pas. Les bergers ont bien trop à faire dans les montagnes, pour venir revendiquer ce que leur travail revendique de lui-même. Le spectacle donné par ces jeunes, voire très jeunes éleveurs, aidés par l’alcool et quelques bêtes agitateurs ramassés pour faire nombre, est proprement consternant. Le loup a vite disparu des injures, pour céder la place à un racisme envers tout ce qui n’est pas de leur territoire et ne se revendique pas de leurs « traditions ». Peut-on accepter cela en 2020, en France, pays qui se dit démocratique ? Ces manifestants haineux auraient pu, s’ils n’avaient tragiquement manqué de dignité et de respect envers le public venu au cinéma, être entendus et débattre, mais ils ne l’ont pas voulu. Etre soutenus par le maire, au sein même d’un cinéma municipal, a donné raison à leur ignorance et à leur haine, qui ont effacé le propos même de leur coup de force. Ces éleveurs, soutenus par une phalange de chasseurs toujours prêts à assurer leur part de violence et à perpétuer leur vision du monde, on montré le visage sombre d’une activité qui souffre du loup, certes, mais qui ne lui doit pas son déclin, loin de là. 2 La concurrence des viandes étrangères et la violence de l’économie de marché sont les vraies raisons qui devraient être dénoncées. Ainsi que la politique des syndicats agricoles, FDSEA en tête, qui œuvrent de tout leur soûl pour transformer les alpages en tirelires. Les éleveurs, sans parler des bergers, sont eux-mêmes les premières victimes de ceux qui prétendent les soutenir, les précipitant dans un abîme qui s’ouvre. Le loup n’est qu’un arbre qui cache la forêt, qu’une perturbation parmi d’autres bien plus tragiques, même s’il est légitime que certains, défendant leur gagne-pain, ne pourront jamais l’aimer. Mais que dit-on, dans le milieu de l’élevage, des quelques centaines de milliers de brebis qui meurent chaque année, victimes de la foudre, des maladies, des parasites ou des chiens errants, tragédies auxquelles les loups sont étrangers ? Que dit-on des troupeaux incontrôlables de 2000 têtes, gardés par une paire d’éleveurs qui refusent toute aide, par orgueil déplacé ? Que je sache, on ne cesse pas d’être un homme quand on appelle à l’aide. Un véritable malaise touche le monde pastoral depuis quelques décennies, avant même le retour des loups. Mais la nature, qui ramène ceux des siens que l’Homme avait exterminés jadis pour se faciliter la vie, contrairement à nos proches voisins italiens, inclut aussi l’Homme parmi son cheptel. Certains de ces hommes, qui revendiquent être la nature, voudraient la voir uniquement docile et à son service. Mais il n’en sera jamais ainsi, justement parce que c’est « dans la nature des choses ». Posséder des troupeaux bien plus petits, accepter l’aide de ceux qui souhaitent voir cohabiter correctement les loups et les brebis en alpage, serait un très bon début. Le groupe agressif et intolérant à l’œuvre dimanche dernier, qui réclamait aux autres ce qu’il était proprement incapable de leur donner, se proclamait de traditions ancestrales qui ont vécu, qui sont d’un autre temps. Notre époque n’est plus celle de nos grands-parents, et la sauvagerie qu’on dénonce devient l’arme d’un désespoir instrumentalisé par le milieu politique, ce qui est une véritable honte. Les défenseurs du loup, hormis quelques rares intégristes qui se déguisent en amoureux de la nature pour masquer de sombres fins idéologiques, ne sont pas contre les bergers, loin de là. Ils savent le bien de la coexistence, au bénéfice évident de tous, et de la biodiversité. Ils ne demandent pas mieux que de proposer des solutions. Mais la frange obscure du pastoralisme, soutenue par les fusils d’une autre frange rétrograde et fermée à toute évolution, ne fera qu’entraîner le pastoralisme vers sa fin, car si ces comportements indéfendables se multiplient, les gens finiront par se lasser de leur violence, à une époque où la protection de l’environnement devient une véritable nécessité et une cause grandissante. Ce qui est advenu au cinéma de Tende le dimanche 2 août est un scandale qui souillera une profession déjà menacée par l’argent-roi, et qui aura fait ressurgir le spectre d’un racisme pathétique dont on croyait les montagnes plus épargnées que les villes, traumatisant pour longtemps quelques enfants innocents au passage… Dans ce contexte, c’est bien aux responsables politiques de prendre leurs responsabilités pour apaiser en écoutant toutes les parties, plutôt qu’en se revendiquant d’une pseudo-identité, comme le font déjà les mouvements identitaires du département. Il est du devoir des élus d’écouter, de solutionner, et non de diviser, simplement pour conforter leur petit électorat.

Une habitante consternée de la vallée de la Roya

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