De la démocratie

Le malaise ne naît pas de l’opposition entre le peuple et l’élite, mais du fait que celle-ci ne réunit plus les meilleurs.
La rupture de confiance et d’estime entre le peuple et les oligarques de la finance et de la politique résulte de ce que les élites ne sont plus ce qu’elles devraient être.
Je proposerai, ici, quelques réformes institutionnelles aisément réalisables avec de la volonté politique.

Candidature à la présidence de la République :
En 1962, le général de GAULLE proposa au pays, par référendum, l’élection au suffrage universel direct du chef de l’Etat, naguère élu par un corps de grands électeurs.
L’onction du suffrage universel confère à la fonction une autorité morale, un prestige, une ascendance sur tous les autres pouvoirs.
L’on peut déplorer ce mode de désignation, créant un « monarque électif ».
Le peuple Français est profondément attaché à l’élection au suffrage universel direct du président de la république.
Reconnaissons aussi le caractère éminemment démocratique de cette désignation permettant un lien direct entre un homme et un peuple.
Ce qui fait difficulté tient au mode de sélection des candidats à la présidence.
Pour éviter les candidatures farfelues, celles de malades mentaux mégalomanes, celles de sectes illuminées, il convenait de filtrer pour prévenir une explosion de candidatures dépourvues d’intérêts philosophiques et pratiques.
Le système actuel confie aux élus ruraux ce rôle de filtre.
En effet, tout candidat doit être parrainé par cinq cents élus.
Il en résulte, sociologiquement, une prévalence totale d’une France archaïque de petits maires, idéologiquement proches de chasse, pêche, pesticides et traditions.
Des partis de tendances FNSEA et assimilés pourraient présenter deux ou trois candidats.
Un parti écologiste, honni par le rural profond, ne parviendra pas à réunir les cinq cents signatures, à l’exception du parti VERT qui possède ses propres élus et ses alliés et qui atteint ce seuil non sans peine.
Il ne s’agit là que d’un exemple, prouvant l’injustice fondamentale du dispositif de filtre.
Or, il conviendrait que tout courant de pensées, tout candidat représentant une option politique, quel que soit son positionnement sur le curseur gauche/droite, puisse concourir et offrir au pays ses solutions.
Il faut écarter les candidatures « pathologiques » et, inversement, accepter toutes les candidatures porteuses d’idées politiques, sans exception aucune, l’organe filtrant n’étant pas là pour dire un quelconque « politiquement acceptable », mais pour constater le caractère idéologique d’une candidature.
A cette fin, je suggère qu’un organisme composé de hauts magistrats dressent la liste des candidats, selon une norme constitutionnelle édictant que tout courant de pensées, sans exception aucune, puisse soumettre au peuple un représentant, dès lors que cette candidature est sérieuse.
Cela éviterait l’arbitraire, dès lors que des critères légaux précis seraient édictés et que les « sages » chargés de les mettre en application, le feraient en dehors de toute considération partisane.
Présentement, les lois ne sont-elles pas soumises au crible d’un Conseil Constitutionnel ?
Celui-ci gagnerait encore en crédibilité, en s’éloignant de la politique partisane pour devenir une haute cour.

La suppression du sénat :
Par référendum perdu le 27 avril 1969, le fondateur de la 5ème république proposa au pays une réforme des régions et du sénat.
Celui-ci fusionnait, dans ce projet, avec le conseil économique et social et devait assister l’assemblée nationale dans l’examen des futures lois.
Qu’est-ce que l’actuel sénat ?
Une chambre des représentants d’une France archaïque, un aréopage de chantres des lobbies passéistes (chasse et agromafia).
Conçue à l’origine pour tempérer les velléités révolutionnaires de la « chambre des députés », le sénat conservateur représente un pays rural qui constituait le pays réel jusqu’au milieu du 20ème siècle.
Objectivement, cette assemblée ne manque pas d’élus de haute qualité. Ses travaux éclairent parfois les débats et améliorent certains textes.
Toutefois, en sa majorité quasi-organique, il demeure le « sénat conservateur » de la troisième république.
Il serait souhaitable d’en faire autre chose.
Si l’on entend maintenir, pour la qualité des lois, le bicamérisme, il y aurait lieu de le faire élire au suffrage universel direct et à la proportionnelle intégrale.
Si l’on entend constituer un organe consultatif, il fusionne, comme dans le projet de 1969, avec le conseil économique et social, devenant un conseiller du législateur.

Le référendum d’initiative populaire :
Par pure démagogie, la droite au pouvoir en 2008 fit adopter par le congrès une réforme constitutionnelle, prévoyant un référendum d’initiative populaire.
Toutefois, le dispositif n’a jamais fonctionné à ce jour et l’on ne risque guère de se tromper en annonçant qu’il ne servira jamais.
Il est assorti de telles conditions de lourdeur et de restrictions que le peuple n’aura jamais à l’utiliser, la majorité parlementaire et le président pouvant bloquer la très hypothétique initiative populaire.
Soulignons, à ce stade, la « malhonnêteté intellectuelle » de certains politiques qui feignent, dans divers domaines, de prendre des mesures et qui dupent délibérément l’opinion, en confondant l’effet d’annonce et la pratique.
Bien sûr, nous entendons l’objection de ceux qui redoutent une multiplication d’initiatives fantaisistes susceptibles de fatiguer la démocratie.
Là aussi, nous devons tenir compte des débordements farfelus.
Des restrictions doivent être posées pour conserver le sérieux de l’institution.
A l’échelon national, je préconise que cent mille citoyens puissent soumettre à référendum un texte législatif à la haute cour constitutionnelle qui en appréciera le sérieux, la recevabilité au regard des normes juridiques supérieures.

Propagande et argent public :
Dès le 18ème siècle, les hommes de la liberté comprirent l’importance de la presse.
Elle façonne l’opinion publique tant par les informations qu’elle diffuse ou tait, que par la culture qu’elle promeut.
A notre époque, les oligarques de la finance maîtrise parfaitement l’outil de manipulation mentale que constitue la presse et en particulier la télévision.
Deux ou trois milliardaires, amis du leader de la droite de l’argent, ont ainsi acheté des chaînes privatisées, non pas pour jouer au journaliste, mais parce qu’ils ont compris le mécanisme de contrôle du pouvoir, via l’opinion publique.
Le rôle déterminant joué par l’argent dans les élections pervertit la démocratie.
Une étude aux USA révèle que les résultats électoraux sont directement corrélés au budget des campagnes des candidats.
Les lobbies achètent l’élection et des relations malsaines, souvent délictueuses, se tissent entre certains partis politiques et les bénéficiaires des marchés publics par ailleurs détenteurs des journaux, radios et télévisions.
Là aussi, des lois purement symboliques intervinrent, mais l’impunité effective dont bénéficie le parti de la droite de l’argent dont le candidat en 2012 explosa le plafond des dépenses prouve le caractère d’onction épiscopale de ces normes.
Des sanctions effectives doivent éliminer de la vie publique les fraudeurs et une plus grande diversité du paysage médiatique doit être assurée, sous peine de la dégradation civique à laquelle nous assistons présentement.

Démocratie et droits de l’homme :
Ne confondons pas la démocratie (pouvoir du peuple, donc de sa majorité) et respect des droits fondamentaux de l’humain.
Ainsi, le nazisme, le fascisme mussolinien, le stalinisme furent démocratiques, en ce sens qu’à un moment donné de l’histoire, des peuples adhérèrent majoritairement, et parfois très majoritairement, à ces idéologies et à leurs leaders, à leurs guides suprêmes, génialement inspirés.
Or, ces régimes totalitaires, soutenus par des masses immenses d’hommes, nièrent les droits humains les plus élémentaires.
Peut-on concevoir qu’à la majorité, un peuple décide de priver de liberté, voir de vie, d’autres humains ?
N’y aurait-il pas des limites à apporter à la démocratie pour prévenir les crimes d’un passé si récent ?
Je réponds à ce défi :
Par-dessus les lois et la constitution, la liberté de mode de vie et de pensée, les droits fondamentaux de la personne, doivent demeurer à l’abri, garantis par des conventions, telle l’actuelle convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, texte dont les juges sont les gardiens vigilants et indépendants du souverain.
Si je déplore, au nom de la démocratie, que le peuple souverain ait perdu le contrôle de la monnaie, si je conteste l’indépendance de la banque centrale, j’affirme, en revanche, que les organes juridictionnelles qui protègent les droits et libertés doivent échapper aux aléas électoraux, aux emportements de l’opinion pour que jamais une majorité ne puisse opprimer, voire mettre à mort, une minorité.

Gérard CHAROLLOIS

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