Toutes les époques connurent des fractures de la société qui façonnèrent l’Histoire comme la tectonique des plaques bâtit les reliefs de la terre.
Il y eut les affrontements successifs des républicains contre les monarchistes, des laïcs contre les cléricaux, des socialistes contre les maîtres de forges, des pacifistes contre les nationalistes, des démocrates et libertaires contre les fascismes, des progressistes contre les conservateurs.
Et aujourd’hui ?
Il y a les ennemis de la terre, négationnistes des devoirs de l’homme envers l’animal et la nature et nous, biocentristes.
C’est la profonde fracture de notre temps, le grand débat, l’inconciliable querelle comme le furent celles ci-dessus rappelées.
D’aucuns s’étonneraient d’une telle assertion en parlant de la « crise » économique, du chômage, de l’absence de croissance, de la notation des Etats par les agences privées constituées à cet effet, du taux d’endettement public et d’autres choses tellement sérieuses occupant nos médias.
Comme si le rapport au vivant n’était pas le plus grand défi éthique et pratique de notre époque de maîtrise quasi-absolue par notre espèce, en cette ère nouvelle que les scientifiques appellent l’anthropocène, démontrant ainsi que l’homme transforme la planète au même titre que les facteurs géologiques.
Pour une fraction de la société, l’animal demeure une chose, une marchandise, une pure occasion de profit ou pire de divertissements sadiques.
Bien sûr, tout le monde sait que l’animal est un être sensible, capable d’éprouver le principe de plaisir déplaisir, mais les habitudes servent de paravents de la mauvaise conscience.
On gave, on chasse, on égorge, on martyrise les taureaux dans l’arène, on confine des millions de porcs et de poules dans des conditions contraires à leurs exigences biologiques, mais le conformiste s’essuie la conscience sur le tapis de la tradition.
« Allons, dit le formaté : Pourquoi ne le ferais-je pas ? Tout le monde le fait et depuis si longtemps » !
Crimes des foules, petites tortures héritées des ancêtres, conditionnement social que le bon goût commande de ne pas soumettre à l’examen de l’intelligence et du cœur.
L’écologie, science des relations entre les espèces et leur milieu, risquait de contrarier les dogmes de l’anthropocentrisme et les petits intérêts sordides de divers groupes de pressions.
Ces lobbies, naguère nullement contestés et dominants, effectuent un travail remarquablement pervers de récupération et de « déminage » de l’éthique écologiste.
Ils intoxiquent les partis politiques écologistes dits de gouvernement et les grandes fédérations initialement constituées pour défendre la nature en leur faisant adopter des positions environnementalistes, parfaitement compatibles avec le processus de destructions en cours de la biodiversité et avec le maintien d’une exploitation infernale des animaux.
Les écologistes politiques, les fédérations environnementalistes dissertent sur le climat, les déchets, l’énergie, les pesticides empoisonneurs, mais le tout dans une acception anthropocentrique.
La nature est oubliée et se meurt au profit de la « croissance » chère aux spéculateurs et des « traditions », culture des arriérés.
Le conseil général de l’ARIEGE adopte, à l’unanimité de ses 22 membres, une motion demandant le retrait des ours des pyrénées.
Le conseil général de l’ARIEGE participe de la frange négationniste des devoirs de l’homme envers l’animal et la nature.
Il représente les intérêts des ennemis de la terre.
Il n’y a pas de conciliation possible entre eux et nous pas plus qu’il n’y en eut, autrefois, entre républicains et monarchistes, laïcs et cléricaux, anti-fascistes et fascistes mussoliniens ou staliniens.
L’Histoire tranchera ce débat d’idées et de mœurs.
Concrètement, nous qui ne sommes pas des collaborateurs, disons clairement, fermement qu’il faut en finir avec le financement public d’une agriculture contre nature.
Les éleveurs de moutons ne veulent ni ours, ni loups, ni lynx, ni vautours, ni marmottes.
Cessons de les subventionner massivement.
Ce n’est pas à nous qu’ils feront le coup du « bucolique berger » amoureux de sa montagne sauvage.
En revanche, demandons le soutien de la collectivité publique à une agriculture respectueuse de la biodiversité et du bien-être animal.
Tendons la main à tous ceux qui ont compris l’enjeu de la diversité biologique.
Le processus d’anéantissement de la nature est en marche ici et ailleurs.
Si les ennemis de la terre l’emportaient, à terme, la vie serait compromise pour toutes les espèces, y compris pour celle qui se serait avérée nuisible.
En revanche, si le biocentrisme, dépassement et non reniement de l’humanisme, l’emportait la nature et l’homme réconciliés seraient sauvés.
Gérard CHAROLLOIS