Le biocentrisme édicte que tout être vivant possède un intérêt légitime à vivre et à vivre dans la dignité et la liberté, c’est-à-dire dans le respect de ce qui le détermine.
Or, l’animal humain érige volontiers des barrières, des frontières, des exclusions pour se sentir bien au chaud enfermé dans sa tribu, sa cité, sa nation, son ethnie, sa religion, sa corporation, son clan, citadelles inaccessibles aux autres et inexpugnables pour les esprits faibles qui la peuplent.
D’aucuns, croyant bien faire, nient les différences, les nuances, les capacités spécifiques pour asseoir une fragile égalité de considération, comme s’il fallait une identité pour obtenir un accès au respect des êtres.
Qu’un individu soit plus performant dans tel ou tel domaine, qu’un groupe humain soit plus doué pour telle ou telle activité physique ou intellectuelle ne change rien à la dignité qu’il convient de reconnaître à chacun par-delà les aptitudes et les compétences.
Pour Martin HEIDEGGER, grand philosophe un temps inscrit au parti nazi, l’animal était « pauvre en monde ».
Or, le loup perçoit des effluves et connaît le monde autrement mais pas moins que notre penseur de la technique contre la race.
Pour un canidé parcourant une piste, l’humain est « pauvre en monde ».
Dans notre société bouleversée par l’expansion prodigieuse des connaissances et des moyens, le racisme de grand-papa est mal vu. Celui qui, tel Edouard DRUMONT, écrirait de nos jours « la France juive » se retrouverait en correctionnelle et cloué au pilori par les médias.
Celui qui, tel Joseph-Arthur de GOBINEAU, invoquerait une supériorité intrinsèque de la race blanche sur la race noire, serait banni de la sphère intellectuelle.
Réjouissons-nous, non pas de ces anathèmes frappant ces pensées, mais du fait que plus guère d’esprits contemporains songeraient à écrire ces pamphlets qui obtinrent, en leur temps, de grands succès de librairie.
L’humain deviendrait-il éthique, intelligent, généreux au point de comprendre que les différences qui heureusement existent ne justifient aucune exclusion du cercle de la dignité ?
Gens de mieux, rassurez-vous, il vous reste bien des combats à mener.
Bien sûr, il y a la condition animale puisque les « bien-pensants », les formatés perdurent à ricaner devant les plaidoyer en faveur de la cause du vivant et les lobbies veillent à maintenir tous les êtres vivants non-humains au rang de marchandise et de souffre-douleur.
Les ostracismes et les discriminations entre les hommes persistent sous des formes qui échappent aux radars du vacarme médiatique.
J’évoquerai ici un mal ridicule : le jeunisme.
Il y a des niais pour choisir les candidats, lors des scrutins politiques, en fonction de leur âge, comme si, pour parler comme le regretté Georges BRASSENS, un jeune con valait mieux qu’un vieux des neiges d’antan.
L’âge ne fait rien à l’affaire.
Une jeune femme noire peut être plus estimable qu’un vieil homme blanc, mais le contraire peut aussi exister.
Le sexe, la couleur de la peau ou l’âge sont totalement indifférents à l’estime que l’on peut porter à une personne, sous peine de faire du « racisme » en un sens ou en l’autre.
Ce que j’appellerai l’âgisme fait fureur dans notre société.
Si pour un Africain d’antan, « un vieillard qui meurt était une bibliothèque qui brûle », pour un contemporain formaté à la compétition, au rendement, à la concurrence féroce, un vieillard qui meurt est un alzheimérien de moins, un pensionné évacué, un inutile qui a bien voulu lâcher la barre.
Pour quelques jours seulement, les médias grégaires bruissent du malaise des salariés des maisons de retraites.
Petit souvenir professionnel personnel : il m’a été donné, durant des années, de présider la chambre d’un tribunal traitant des recours des tutelles et curatelles. La greffière appelait les affaires les unes après les autres, comme il se doit. Or, lapsus révélateur, elle criait fréquemment dans le couloir : "Madame la directrice de la maison d’arrêt" au lieu et place de "la maison de retraite".
Société, que fais-tu de tes aînés ?
Ainsi, sur la terre des hommes, animaux, femmes, enfants, vieillards sont encore bien maltraités.
Alors camarade, cours plus vite, le vieux monde est encore là.
Gérard CHAROLLOIS