Dans le souci de frapper d’ostracisme les écologistes biocentristes, les lobbies de la chasse, de la tauromachie, de la « zootechnie », c’est-à-dire de l’élevage concentrationnaire, falsifient le grand débat des idées, à défaut de récuser, sur le fond, la valeur de l’éthique nouvelle.
Nos détracteurs, tortionnaires d’animaux, destructeurs de la nature, exploiteurs avides, feignent de discerner dans notre pensée et notre politique une opposition d’intérêts et de considérations entre l’humain et le reste de la biosphère.
Pour eux, nous sacrifierions l’homme au profit de la nature et par antispécisme préférerions les autres espèces à la nôtre.
Qu’il y ait des misanthropes du ressentiment ici et là ne prouve rien en faveur ou à l’encontre d’une proposition éthique et politique.
Historiquement, des penseurs humanistes, dans la lignée des Lumières, posèrent la question de la condition animale et du rapport à la nature bien avant que la paléontologie, la génétique, l’éthologie révèlent une unité fondamentale du vivant.
Jean MESLIER, CONDORCET, Jules MICHELET, Victor HUGO, Rosa Luxembourg témoignent de cette filiation spirituelle alliant l’humanisme et le respect des êtres sensibles.
Présentement, dans l’ordre politique, deux vices absolus doivent être récusés pour concilier le souci de l’humain et celui de la biosphère.
Ces vices ont pour noms : cruauté et culte du profit.
La cruauté existe, même si elle se pare du masque menteur de la tradition, des us et coutumes, des pratiques anciennes.
En Occident, des hommes chassent non pas pour se nourrir, pour se protéger d’agressions redoutables, mais à titre de loisir, d’activité ludique.
Or, tuer pour se distraire est une faute contre l’esprit.
En Occident, mais également dans d’autres régions du monde, des humains érigent en spectacle la torture d’animaux : corrida, combats de coqs, électrocutions en Chine de tigres maintenus dans des cages.
Les lâches convenances, les prudences débiles, interdisent d’énoncer que la rencontre de la souffrance d’un être sensible et de la jouissance d’une foule constitue une perversion, un sadisme dégradant et inquiétant.
L’habitude, la multitude des adeptes, le conformisme social ne retirent rien à l’horreur de ces pratiques qui avilissent l’humain et révèlent sa part d’ombre, cet anéantissement de la conscience que l’on retrouve chez le pervers qui maltraite l’enfant, chez le tortionnaire qui tourmente ceux placés par les circonstances à ses caprices.
Pour changer notre rapport au vivant, il convient d’instruire les humains contre leurs pulsions sadiques les conduisant à étouffer en eux la compassion que nous devons éprouver envers tout être susceptible de ressentir, comme nous-mêmes, la souffrance.
Il faut une forte dose de pusillanimité, à nos contemporains, pour s’accoutumer aux loisirs et spectacles impliquant la mort donnée.
Abolir ces pratiques s’imposent pour accéder à une nouvelle civilisation plus empathique.
Toute violence dirigée contre l’animal immunise contre la répulsion qu’inspire, chez un humain hominisé, la cruauté à l’encontre de ses semblables.
La chasse-loisir n’est qu’une guerre ludique offerte à des frustrés privés de la fièvre de massacrer d’autres hommes.
La corrida est fille des jeux du cirque romain où des esclaves mouraient pour la jubilation des foules toujours promptes à se ruer aux spectacles de supplices.
Mais la cruauté n’est pas la tare la plus répandue dans notre espèce.
L’immense majorité de nos contemporains éprouvent une saine révulsion face à la chasse et à la tauromachie dont la persistance funeste n’est due qu’au poids des lobbies et à la médiocrité de la classe politique.
Une autre tare affecte l’homme contemporain et endeuille nos sociétés.
C’est le culte du profit.
Pour faire de l’argent, des filières se sont constituées pour exploiter les animaux en niant leur qualité d’êtres sensibles. La zootechnie produit de la viande, des œufs et du lait dans de véritables usines où les vaches, les porcs, les poules deviennent de pures marchandises.
Dans ces univers concentrationnaires, les animaux perdent toute identité. Ils n’ont plus de nom et leur sort individuel n’intéresse pas l’éleveur qui raisonne en masse et par milliers d’unités de production.
Dans ces élevages, les besoins physiologiques et éthologiques des animaux sont niés.
L’abattage s’industrialise, pendant que perdurent les modes rituels, superstitieux de mise à mort dans la souffrance pour assouvir les besoins de sacrifices des dieux.
Le culte du profit obsède notre société qui lui offre en pâture les milieux naturels, les animaux et même les humains, victimes inconscientes d’un système nocif.
Le bétail doit être rentable.
Et les humains aussi.
En cela, le biocentrisme est un humanisme qui place l’humain au-dessus de la monnaie, des flux financiers, de la spéculation des prévaricateurs, grands imprécateurs appelant à l’effort, au sacrifice, à la flexibilité, à l’austérité pour autrui, tout en se gavant voracement.
En politique, les agents du Marché rêvent de supprimer massivement les emplois publics. Cinq cent mille pour l’un, trois cent mille pour l’autre !
Telle grande société, à l’instar d’EDF ces jours-ci, se glorifie de supprimer des emplois.
Tel candidat aux élections se propose de fusionner les mutuelles, non pas pour en améliorer les services, mais pour réduire le nombre de femmes et d’hommes travaillant dans ces structures. L’objectif des serviteurs du Marché est de faire des économies.
Ils disent : faisons des économies.
Économies de quoi ?
D’argent.
Ils n’assument pas la portée de leurs compulsions qui se manifestent en vies brisées, en accroissement de la précarité.
Pour eux, une victime de la vie, percevant une aide sociale de 500 Euros par mois est un « assisté » et le proche parent d’un nanti percevant 5000 Euros par mois est un « assistant ».
Congédions les économies d’argent pour économiser la misère, le sous-emploi, la précarité.
Si l’on se souciait, à l’inverse de leur politique, de créer des emplois en méprisant le culte dégradant du profit.
Le profit érigé en dogme supprime les emplois salariés et remplit les usines à viande.
Le sort de l’animal, le sort de la nature et celui de l’humain sont indissociables.
Cultiver la cruauté et la pulsion de mort préparent à la guerre, aux violences, à la banalité du mal.
Célébrer le profit conduit à soumettre le vivant à la loi du Marché qui sert les intérêts d’une petite caste féodale au détriment des êtres vivants.
Le biocentrisme est un nouvel humanisme qui invite l’humain à prendre en charge et en soin la vie sur terre.
Mais incapables de débattre, de réfuter, d’argumenter, les tenants de la société négationniste des droits du vivant, préfèrent feindre de ne pas comprendre cette élévation, cet élargissement du cercle de la bienveillance.
Gérard CHAROLLOIS