Il y a plusieurs décennies déjà que la Côte d’Azur a été assassinée par ses élus locaux, les promoteurs immobiliers et nombre de ses habitants obsédés par l’obtention d’un maximum de constructibilité de leurs terrains.
Personnellement, je vécus de 1980 à 1984 à Ollioulles, petite commune à l’Ouest de TOULON où je possédais mon domicile, implanté sur un terrain de six mille ares, vaste espace pour une malheureuse région surpeuplée, victime de la marée de béton, d’infrastructures routières, de lotissements s’étendant de Marseille à Monaco, sur la bande littorale.
Il me fut proposé de lotir mon bien, de réaliser une excellente opération spéculative, lorsque aspirant à la nature, je résolus de fuir cette urbanisation honteuse pour un Périgord momentanément préservé de la fièvre immobilière.
J’ai refusé de participer à cette spéculation nauséabonde, de me joindre à l’assassinat d’une région, tout en sachant que mes acquéreurs commettraient cet outrage en édifiant six maisons là où il y avait encore quelques arbres.
La quiétude de la conscience vaut bien le sacrifice d’une opération lucrative.
J’avais trop observé la faiblesse des uns, la corruption des autres, lorsque l’appât d’un gain trop facile fait oublier la conséquence monstrueuse d’un processus qui a abouti à détruire le sud méditerranéen, à anéantir sa biodiversité, ses espaces naturels.
Elus locaux, souvent réactionnaires, et mafia font le reste.
Que surviennent des épisodes parfaitement prévisibles de pluies intenses comme en connaît le sud-Est de la France, surtout en automne, quand les eaux chaudes de la méditerranée alimentent en humidité des masses d’air en conflit de température et que les montagnes de l’arrière pays bloquent les cellules orageuses, que là où existaient des zones d’extension des cours d’eau l’urbanisation sévit, l’inondation dévaste les lotissements, entreprises et infrastructures.
Que faut-il faire ?
Pour les prométhéens de la spéculation, point de quartier.
La nature doit céder la place au profit.
Assécher la mer ?
Les productivistes l’auraient proposé. Mais, ce n’est pas possible et surtout la mer rapporte de l’argent.
Réduire l’ensoleillement qui élève la température des eaux de surface de la Méditerranée ?
Elus locaux et mafia immobilière le voudraient bien. Mais, ce n’est pas techniquement possible et le tourisme réclame du soleil et de la chaleur et le tourisme, c’est de l’argent.
Et puis, les firmes ne savent pas encore faire.
Alors : Raboter les Cévennes et les alpes qui freinent la circulation des dépressions ?
Impossible et surtout, là encore, il y a de l’argent à gagner en exploitant l’industrie du tourisme.
Reste, une solution proposer par les élus locaux et promoteurs :
Transformer les rivières, ruisseaux et torrents en fossés antichars, bien calibrés, pour accélérer l’écoulement des eaux pluviales.
Tant pis, pour ce qui persiste de nature dans ces zones humides.
Voilà où conduit le libéralisme économique, la quête du profit, l’absence de protections légales effectives des espaces naturels.
Voilà à quoi aboutit une certaine décentralisation mal conduite, faisant des élus les otages des pressions individuelles, des petites corruptions ordinaires.
Il faut bien faire plaisir à l’électeur en rendant constructible son petit lopin de terre et satisfaire le promoteur qui investit dans la commune et sait gratifier.
Un » bon maire » rêve ainsi de développement, de résidences et de zones artisanales, pour ne pas faire de sa commune une « réserve d’indiens ».
Il est décidément plus aisé de « désenclaver » un territoire que les esprits.
Et si l’urgence, l’intérêt général supérieur, le choix de l’avenir étaient de planter des arbres et non de couler du béton et du bitume, de créer des réserves naturelles et non des lotissements, de résister aux mafias et non de flatter les féodalités !
Si vous ignorez encore ce que sera le monde des tenants de la croissance perpétuelle, des adorateurs du marché, des dévots du libéralisme économique, allez visiter la côte d’azur.
Mais avant, assurez-vous que des pluies annoncées ne rendent pas la leçon trop rude.
Gérard CHAROLLOIS