Robert Ménard s'affiche partisan de la corrida, mais il a au moins un mérite : il reconnaît que lors des manifestations de protestation, ce sont les aficionados qui sont violents.
Par Jean-Paul RICHIER
Robert Ménard manifestant en 1999 contre la visite du président chinois Jian Zemin
Le 5 août dernier, Robert Ménard, le récent maire de Béziers, était l'invité de l'émission de RMC Les Grandes Gueules. Alain Marschall l'interrogeait sur la féria à venir :
« - La corrida, c'est le 15 août, c'est passé de mode, la corrida, ça n'a plus de raison d'être au XXIe siècle, vous allez encore avoir droit aux manifestants anticorrida
- Non j'ai pris un arrêté pour interdire les manifestations…
- Tout à l'heure vous disiez…
- Faut me laisser finir !
- …tout à l'heure vous disiez sur la Palestine : on a le droit de manifester en France
- Absolument !
- … et là vous prenez un arrêté anti-manifestation !
- Non non, attendez, laissez-moi finir ma phrase : à côté des arènes. Je ne veux pas que les gens se cassent la figure. Je protège les anticorrida ! Je protège les anticorrida parce qu'ils vont se prendre une branlée, comme on dit chez moi, par les types qui vont sortir des arènes, qui sont en plus des joueurs de rugby, qui vont leur casser la gueule. Non, moi je suis pour la corrida, je vais à la corrida, j'aime la corrida. Y a des gens qui n'aiment pas. Vous n'aimez pas ? Personne ne vous oblige à y aller. Vous voulez manifester contre ? Vous manifestez contre. Mais, à l'intérieur des arènes, c'est fermé, les arènes, il faut qu'il y ait des corridas. La féria sera une belle féria où il y aura 4 corridas, je vous y invite volontiers, et on commencera par une jolie messe…
Aha, le souci de Robert Ménard est donc d'interdire les manifestations parce que les manifestants courent des risques ? En ce cas, celui qui s'est fait passer durant des années pour le chantre de la liberté d'expression doit appeler maintenant les opposants, dans maints pays du Moyen-Orient, du Maghreb ou d'Afrique sub-saharienne, à ne surtout pas se mettre en danger en protestant. Bon, on a compris depuis des années que la cohérence n'est pas la vertu cardinale de M Ménard…
Mais alors, entre partisans de la corrida et ses opposants, de quel côté est donc l'agressivité et la provocation ?
Ce 15 août à Béziers, un commando d'extrémistes fanatiques tentait de barrer la route des arènes :
Heureusement, un aficionado s'est courageusement dévoué pour tenter d'établir un dialogue intelligent avec eux :
Il faut au moins accorder à Robert Ménard un mérite : il reconnaît sans ambiguité, dans ses propos ci-dessus rapportés, de quel côté est la violence.
Un bémol cependant : je ne sais pas si le sympathique gentleman qui prenait à partie Thierry Hély était un rugbyman (enfin, disons un *ex*-rugbyman…), mais je serais joueur de rugby, je n'apprécierais guère cette référence de M Ménard. En effet, il y a peu de choses en commun entre un affrontement sportif à armes égales, et le charcutage d'un bovin stressé qui charge inlassablement un morceau d'étoffe.
Evidemment, le hic, c'est que ces propos du maire de Béziers, tels que formulés, peuvent clairement être interprétés comme une incitation pour les aficionados à cogner sur les opposants à la corrida.
Il semble que Robert Ménard ait des points communs avec André Viard, le représentant auto-proclamé des aficionados français, qui notait par parenthèse dans un des billets ci-dessous qu'EELV avait « reçu infiniment moins de votes aux dernières législatives que le Front National ».
Ainsi, il y a un an, sur le site officiel de l'Observatoire National des Cultures Taurines, dont il est le caudillo, ce dernier promettait « Si les arrêtés municipaux ne sont pas respectés, [la permissivité] sera peut-être demain à l'origine d'un bain de sang, si les aficionados perdent patience et décident de prendre leur défense en mains. »
Douze jours plus tard, dans un éditaurial de son blog Terres taurines, il en appelait à la « justice », « avant [que les aficionados] ne cèdent à la tentation de règler le problème à l'ancienne, c'est à dire en éteignant les lumières avant la baston ».
Et à nouveau dix jours après, il caressait « le risque de voir naître ici et là des milices qui se donneront pour mission de nettoyer le pourtour des arènes » si « ceux qui viennent y bafouer l'ordre ne sont jamais sanctionnés. »
La cohérence d'André Viard n'a rien à envier à celle de Robert Ménard, puisque dans un des billets ci-dessus, il s'exclamait « Depuis quand le soutien à l'illégalité est-il devenu une vertu citoyenne ? »… et prenait fait et cause dans le même billet pour le braconnage du bruant ortolan dans les Landes, espèce protégée en France comme dans l'Union Européenne.
La suite de l'entretien des Grandes Gueules portait sur la messe que Robert Ménard allait organiser dans l'arène :
« - Ah ben voilà le maire qui organise la messe, maintenant, dans l'État laïc le maire organise la messe !?
- Il y a toujours eu une messe dans la chapelle des arènes, elle sera sur la piste des arènes. Pourquoi ? Parce que j'en ai marre des choses réservées aux VIP, aux privilégiés, maintenant tout le monde pourra assister à la messe au début des férias. »
Nous voilà rassurés : 42 taureaux et taurillons charcutés avec des instruments de métal jusqu'à la mort (4 corridas et 3 novilladas), ça vaut bien une messe. Dame, pourquoi les cathos de souche n'auraient pas leur Aïd El Kebir à eux, et en bien plus fun, non mais des fois ?!
D'autant que le philosophe Michel Serres a pu avancer que la corrida était une célébration du sacrifice du bélier par Abraham à la place d'Isaac, tout comme l'Aïd est une célébration du sacrifice du bélier par Ibrahim à la place d'Ismaël. Rappelons aussi qu'une des hypothèses étymologiques privilégiées de l'interjection « ¡Olé! » est « Allah! », remontant aux sept siècles d'Al-Andalus.
Enfin moi, ce que j'en dis, c'est juste pour faire plaisir aux électeurs de M Ménard, qui partagent avec lui son amour des cultures sans frontières…
J-P R.