Par David Joly - Vice-Président de la Convention Vie et Nature
Rappelez-vous : même Manuel Valls, aficionado pur jus qui, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, n’avait qu’une obsession, brutaliser et gazer les militants anticorrida pacifiques, en était arrivé à conseiller aux membres de son gouvernement, une fois nommé Premier ministre, de ne pas s’afficher dans les arènes lors de leurs vacances d’été. Motifs : trop ringard et extrêmement négatif en terme d’image.
Depuis, une présidentielle a eu lieu, Manuel Valls est parti à Barcelone afin d’y connaître un énième naufrage politique lors des élections municipales de cette ville, et chez nous fut élu un nouveau président, beaucoup plus jeune que de coutume, nous promettant une chose : une politique moderne, en phase avec la société civile, pas du tout aux ordres des lobbies en tous genres.
Le problème, c’est que pour cela, il s’est entouré majoritairement de rentiers de la politique, issu du vieux monde, totalement largués face aux évolutions des aspirations de notre société, intéressés uniquement par la gestion de leur carrière politique et certainement pas par le devoir de répondre aux attentes des citoyens qui leur incombe.
Alors forcément, avec une telle équipe de choc, il fallait s’attendre tôt ou tard à voir certains d’entre eux exhiber leur fière perversité sur les gradins d’arènes.
Dans ce rôle, on a donc découvert Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, et Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires. Cela s’est passé à Bayonne ce 14 août, lors de l’une des six corridas qui se tiennent dans cette ville depuis le 27 juillet dernier, et ce jusqu’au 1er septembre prochain. Ajoutez à celles-ci quatre novilladas : ces arènes ne sont ni plus ni moins qu’un abattoir à ciel ouvert. Abattoir géré financièrement de main de maître par la municipalité, qui est un modèle de gestion à mettre entre les mains de tout étudiant en école de commerce.
Nous ne nous attarderons pas sur le cas de Jacqueline Gourault, totalement inconnue du grand public. S’être affichée à Bayonne est le seul fait de sa carrière qui a attiré les projecteurs sur elle, c’est dire son efficacité et son charisme.
Non, celui qui a fait très fort, c’est son acolyte du moment. Rappelons que Didier Guillaume, de par le portefeuille ministériel qui lui est rattaché, est en charge notamment du bien-être animal. Chose qu’il sait pertinemment, ayant promis, voilà à peine quelques semaines, des avancées spectaculaires dans ce domaine.
Ne soyons pas dupes : ce n’est pas le fait de voir ce ministre assister à une corrida qui est choquant mais le culot qu’il a de le faire. Parce que l’absence totale d’empathie, de bon sens et d’écoute de la société civile de Didier Guillaume, nous la connaissons depuis un bon moment. Valet de la FNSEA comme tout ministre de l’Agriculture de l’ancien monde qui se respecte, il s’était donné corps et âme en luttant sans relâche afin que la loi ne bouge pas d’un iota suite aux multiples enquêtes de L214 qui avaient mis en lumière l’enfer que subissent les animaux au sein des abattoirs français, ce qui avait généré une commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage, afin de voir disparaître les multiples cas de torture et de mise à mort sadiques qui étaient pratiqués par certains employés d’abattoirs.
Au fond, Didier Guillaume présente une certaine cohérence : il pense que les actes sadiques et pervers ont toute leur place dans les abattoirs. Quoi de plus logique que d’aller reluquer ces mêmes actes lorsqu’ils sont érigés en spectacle ?
Seulement, en tant que ministre en charge du bien-être animal, il fallait oser. C’est comme si on apprenait que Marlène Schiappa, secrétaire d’État en charge de l’égalité homme-femme, avait participé à la dernière assemblée générale de l’amicale des misogynes de France, ou que Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe, avait affiché son soutien inconditionnel au Brexit au moment du vote britannique.
Monsieur Macron, avec des ministres tels que Didier Guillaume et Jacqueline Gourrault, y’a pas à dire, vous êtes presque aussi moderne que Giscard ou Pompidou.