Madame la Ministre,
Nous avons l’honneur de vous exprimer la consternation de la Convention Vie et Nature, association d'opposition éthique à la chasse, en considération de vos récents propos « contre nature ».
Permettez-nous, dès l’abord, d’attirer votre attention sur le fait que selon toutes les enquêtes d’opinion, nos contemporains, conscients, d’une part, de la mort de la nature, d’autre part, du caractère sensible de l’animal, souhaitent instaurer avec la faune un autre lien que celui de la destruction.
Vous pourrez, sur ce point, consulter les divers sondages réalisés ces dernières années par les instituts spécialisés, sondages confirmant qu’une immense majorité de citoyens demandent une meilleure protection de l’animal, fut-il sauvage, contre les mauvais traitements.
Face à cette majorité et à l’encontre de cette prise de conscience, existent ici des groupes de pressions ultra-minoritaires, mais trop bien structurés, dotés de moyens financiers importants et bénéficiant de la complaisance de trop d'élus.
La chasse loisir s’organise notamment sur des bases corporatistes héritées du gouvernement de VICHY (ordonnance du 28 juin 1941 ayant créé les sociétés départementales des chasseurs).
Or, ce lobby se caractérise par un refus obstiné de toute adaptation aux conditions matérielles et morales d’un monde qui a changé. Ce lobby intrigue constamment pour tuer le plus possible, le plus longtemps possible, le plus d’espèces possible et sans restriction.
Contrairement à vos déclarations, la chasse à la française n’est ni respectable, ni responsable et, en énonçant une inexactitude, vous heurtez tous ceux qui savent la nocivité de cette chasse : braconnages de petits oiseaux à la matole, au lecque, au gluau, massacre de nuit des oiseaux d’eau sans aucune sélectivité, entrave aux droits des non-chasseurs.
Enfin, c’est avec regret que nous recevons vos propositions de transformer les parcs nationaux, conçus initialement pour préserver la nature, en parc à moutons de rente.
Voilà qui va à l’encontre des objectifs scientifiques et qui méconnaît les aspirations des citoyens.
Il est indéniable que les organisations agro-cynégétiques d’éleveurs refusent la biodiversité : lynx, loups, ours, vautours, marmottes et demain bouquetins.
En pratique, cet élevage ovin de montagne est maintenu artificiellement par perfusion d’argent public, 50% du revenu des éleveurs provenant de subventions.
Ecologiquement, le pastoralisme, n’en déplaise à une vision bucolique contraire au fait, s’avère désastreux, puisque les éleveurs souhaitent aseptiser la montagne.
Economiquement, cet élevage n’est pas viable, à terme.
Socialement, d’aucuns pourraient vouloir maintenir cette activité, mais il faut constater que par-delà leurs récriminations contre les prédateurs boucs-émissaires, les éleveurs sont insatisfaits de leurs ressources et conditions de vie.
Dès lors, il conviendrait de reconsidérer la politique d’aide en la subordonnant à la présence de la faune.
Si notre agriculture subventionnée n’admettait pas une cohabitation avec la nature, comment pourrions-nous attendre des agricultures précaires d’Afrique et d’Asie un partage de l’espace nécessaire avec la grande faune de ces pays ?
Le devoir de votre ministère est de tenir un langage de vérité et de fermeté face à ceux qui veulent anéantir les loups et les ours.
Le devoir de votre ministère est de traduire, en décisions politiques, les souhaits majoritaires de nos concitoyens en faveur de moins de destructions et de plus de protection de la biodiversité.
Constatons, malheureusement que les échos de votre récente rencontre avec les dirigeants de la chasse et vos annonces contre le loup méconnaissent ces devoirs.
La Convention Vie et Nature qui milite pour sortir de la chasse et du piégeage, reste ouverte au dialogue permettant de sauver une nature que nous voulons riche, diversifiée, généreuse.
Recevez, Madame la Ministre, l’assurance de nos salutations distinguées.
Gérard CHAROLLOIS
Président de la Convention Vie et Nature