Proposition de réforme du statut de l'animal

 par

Jean-Pierre MARGUÉNAUD

Professeur agrégé de Droit privé et de Sciences criminelles à la Faculté de droit et des Sciences économiques de Limoges

Membre de l'Institut de Droit européen des Droits de l'Homme ( IDEDH EA3976) Université Montpellier I

Directeur de la Revue Semestrielle de Droit Animalier (RSDA)

( Ce texte est extrait du numéro 1/ 2013 de la RSDA p. 179  en ligne dans les prochains  jours sur le site de l'OMIJ et  sur celui de l'IDEDH, le centre de recherche de Montpellier.).

L'appel à un regroupement des forces et des énergies des associations de protection des animaux au soutien d'une proposition de réforme du statut de l'animal en droit français , qui n'est peut-être pas encore parvenu à la connaissance de toutes les organisations concernées, a déjà reçu un accueil particulièrement encourageant. Un nombre significatif d'associations et de fondations lui ont, en effet, apporté leur adhésion[1][1]. Cette approbation a été souvent exprimée sans réserve , parfois sous le bénéfice de quelques observations. Ces échanges enrichissants ont conduit à apporter à la proposition un ajustement et un complément.

L'ajustement concerne les animaux sauvages. Dans la mesure où ils peuvent faire l'objet de sévices graves ou d'actes de cruauté à d'autres occasions qu'une chasse ou une traque proprement dites, l'article 521-1-1 qu'il faudrait ajouter au Code pénal pour les protéger en raison de leur sensibilité, est désormais formulé de manière beaucoup plus générale.Il est, par ailleurs, expressément indiqué que les sévices graves et les actes de cruauté envers les animaux sauvages exposeront leurs auteurs aux peines prévues par l'article 521-1, à savoir deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Le complément, fortement suggéré par des avocats, et plus particulièrement ceux de la Fondation 30 millions d'amis,  souvent confrontés à des réactions franchement hostiles de la part de magistrats  encore très nombreux  que la protection des animaux ne préoccupe pas beaucoup, est destiné à conjurer le risque de détournement procédural de l'extraction des animaux de la catégorie des biens. Ainsi, ce nouveau volet de la proposition de réforme du statut de l'animal vise-t-il à préserver et à amplifier les techniques  juridiques permettant de retirer l'animal concerné par une infraction pénale pour pouvoir le confier, provisoirement ou définitivement, à un organisme protecteur.

La proposition, ajustée et complétée, comprend donc les 3 articles suivants.

 Article 1er

Le Livre deuxième du Code civil est intitulé « Des animaux, des biens, et des différentes modifications de la propriété ».

Le Titre premier du Livre deuxième  du Code civil est intitulé « Des animaux »

Le  Titre premier du Livre deuxième du Code civil est rédigé comme suit :

Article 515-14 Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. En toutes circonstances, ils doivent bénéficier de conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et assurant leur bien-être.

Article 515-15 La transmission des droits relatifs aux animaux se réalise suivant des règles particulières  prenant progressivement en compte leur sensibilité propre.

Article 515-16 Dans l’attente de l’élaboration des règles particulières visées par l’article 515-15 , la  transmission des droits relatifs aux animaux continue de s’effectuer, à titre transitoire,  conformément aux dispositions du Code civil sur la vente et aux textes spécifiques du Code rural et de la pêche maritime.

Article 2

Il est ajouté au Code pénal un article 521-1-1 ainsi rédigé : Les animaux  sauvages vivant en l’état de liberté naturelle étant également des êtres sensibles, ils  ne peuvent faire l’objet,  sous quelque prétexte que ce soit,de sévices graves ou d’actes de cruauté.

Les sévices graves et les actes de cruauté envers les animaux  sauvages sont punis des peines prévues par l'article 521-1

Article 3

Il est ajouté au Livre Quatrième du Code de procédure pénale un Titre XXIX intitulé « De la poursuite, de l'instruction et du jugement des infractions en lien avec les animaux ».Il comprend un article ainsi rédigé:

Article 706-140

A tous les stades de la procédure, les officiers et agents de police judiciaire et autres agents spécialement désignés par la loi, sont habilités à procéder, à quelque titre que ce soit, au retrait de l'animal.

Lorsque, au cours d'une procédure judiciaire ou  des contrôles prévus par la loi,il a été procédé, à quelque titre que ce soit, au retrait de l'animal, son sort est fixé conformément aux règles énoncées par l'article 99-1 du Code de procédure pénale refondu  suivant les indications du quatrième alinéa du présent article.


En cas de condamnation au titre des infractions en lien avec les animaux, le tribunal statue sur le sort de l'animal, qu'il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut décider que l'animal sera confié à titre définitif à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée qui pourra prendre librement toutes les mesures le concernant.


Dans tous les textes relatifs aux animaux, le terme confiscation doit être compris comme  retrait à titre définitif, le terme saisie comme  retrait à titre conservatoire et le terme propriétaire comme titulaire des prérogatives s'exerçant sur l'animal.


A l'évidence, cette proposition pourrait être encore amendée et précisée. Il convient, néanmoins, de ne pas entrer dans une spirale  de réajustements et de compléments semestriels qui ne pourrait conduire qu'à l'enlisement. Il faut aussi se souvenir, toutes proportions gardées, de la sage observation délivrée par Portalis dans le célèbre Discours préliminaire sur le projet de Code civil : «  L'office de la loi est de fixer par de grandes vues, les maximes générales du Droit, d'établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître dans chaque matière ».

Il convient donc, désormais, d'entrer dans une nouvelle phase, ambitieuse et périlleuse, tendant à faire adopter cette proposition. Proposition qui ne changerait pas tout du jour au lendemain mais qui, du jour au lendemain, pourrait tout rendre possible en déverrouillant enfin le débat juridique qui seul peut permettre l'élaboration des règles particulières prenant progressivement en compte la sensibilité propre des animaux. Pour aborder cette nouvelle phase en position de force et d'enthousiasme, il faudrait que les associations et fondations ayant déjà apporté leur soutien le renouvellent de manière à attirer, à aimanter, de nouvelles adhésions d'autres associations, d'autres fondations et, au-delà de personnalités attachées aux progrès de la protection des animaux, de tous les animaux à qui il peut aussi être fait du mal, beaucoup de mal...



[1][1]        A savoir, par ordre alphabétique ;  Alliance Anticorrida ;Association chats des rues ;Association Droits des Animaux ; Association Espaces de Rencontres entre les Hommes et les Oiseaux (AERHO) ;  Comité Radicalement AntiCorrida (CRAC) Europe ;  Collectif Limousin d'Action Militante pour les Animaux ( CLAMA) ; Convention Vie et Nature ;  Fondation Brigitte Bardot ; Fondation 30 millions d'amis ; Sereenity ;  SOS Animal tendresse ; SPA Marseille Provence ; Tol Ardor ; Unicom's dream .

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