Pêche électrique : l'association BLOOM porte plainte contre les Pays-Bas

 

 Ce matin, BLOOM a formellement déposé plainte contre les Pays-Bas auprès de la Commission européenne pour avoir illégalement accordé des licences permettant à ses navires de pratiquer la « pêche électrique ».

La pêche électrique consiste à équiper les chaluts de fond d’électrodes afin d’envoyer des décharges dans le sédiment et de d’en déloger les poissons plats qui y sont enfouis. Cette méthode de pêche est vivement critiquée pour son hyper efficacité et ses impacts très violents sur la ressource : les poissons remontés dans les chaluts montrent souvent des brûlures, des ecchymoses et des déformations du squelette consécutives à l’électrocution.[1]

La plainte de BLOOM intervient une semaine avant le vote les 9 et 10 octobre prochains de la Commission de la pêche du Parlement européen qui devra se prononcer sur la proposition de la Commission européenne de déclasser cette méthode de pêche destructrice pour la considérer désormais comme « conventionnelle ».

Des licences illégales

Interdite en Europe depuis 1998,[2] les Néerlandais, ardents défenseurs de cette méthode de pêche, ont obtenu au prix d’un lobbying féroce que la pêche électrique bénéficie de dérogations depuis 2007. La réglementation permet désormais à chaque État membre de l’Union européenne d’équiper en électrodes jusqu’à 5% de sa flotte de chalutiers à perche.[3] Or, les recherches de BLOOM révèlent que les Pays-Bas ont bafoué la réglementation en équipant — au titre de « la recherche et de l’innovation » — 28% de leurs chalutiers à perche soit 84 navires, au lieu des 15 licences maximum dont leurs navires devraient bénéficier.

« Le développement de la pêche électrique en dit long sur l’état déplorable dans lequel se trouvent les ressources halieutiques européennes » analyse Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM. « Les stocks de poissons sont chroniquement surexploités et l’effort de pêche est si élevé que les pêcheurs n’ont pas d’autre choix que de s’engager dans une course à l’efficacité technologique pour tenter d’optimiser leurs rendements. C’est un cercle vicieux auquel il faut mettre fin« .

Une pêche controversée… mais subventionnée !

La pêche électrique n’échappe pas à la règle qui veut que la viabilité économique des pêches les plus destructrices et les moins durables s’avère impossible sans un recours massif aux subventions publiques.

Une recherche non exhaustive a ainsi fait apparaître que les chalutiers néerlandais opérant illégalement avaient bénéficié d’une aide publique de 5,7 millions d’euros depuis le 1er août 2015, dont 3,8 millions d’euros du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).[4]

« C’est désolant de voir que le nouvel outil financier européen pour le secteur de la pêche utilise le prétexte de « l’innovation » ou de la « recherche » pour financer des armements industriels toujours plus performants » estime Laetitia Bisiaux, chercheuse chez BLOOM. « Ce n’est pas ainsi que l’Europe réussira à reconstituer ses stocks de poissons. La Commission européenne — qui organise cette semaine la grande conférence « Our Ocean » à Malte — ne devrait pas permettre ces détournements des objectifs de la Politique Commune de la Pêche au profit des lobbies industriels. Ce laisser-faire met en péril les chances de réussite de la feuille de route européenne. C’est d’un court-termisme inquiétant« .

La France opposée à la pêche électrique

En février 2017, par le biais d’un courrier adressé à la Commission européenne par la ministre de l’Environnement Ségolène Royal, la France s’était très fermement opposée à la pêche électrique.[5]

BLOOM appelle l’ensemble des eurodéputés à suivre la position française et à s’opposer fermement à la pêche électrique, qui incarne un développement de mauvais augure pour la pêche européenne, lors du vote de la Commission PECH les 9 et 10 octobre prochains.

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La plainte de BLOOM porte sur trois griefs :

Un nombre de licences illégal depuis le début
En 2007, la flotte de chaluts à perche des Pays-Bas comportait 372 chaluts à perche. Un maximum de 18 dérogations aurait donc dû être délivré, non pas 22. En 2017, leur flotte de chaluts à perche ne comportait plus que 304 chaluts. Le nombre de dérogations aurait donc dû diminuer à 15, or, il est actuellement de 84.

Des attributions abusives de licence
En effet, 62 licences supplémentaires ont été octroyées au titre de recherche scientifique et dans le cadre d’un « projet pilote ». Cette expansion ­— pour une technique qui est mise en œuvre depuis 2007 — ne peut être qualifiée de projet pilote.

Une tension électrique non réglementaire
Le règlement précise également que la tension est limitée à 15V. Cependant, les navires équipés de chaluts électriques emploient des tensions comprises entre 40 et 60V.

La procédure de plainte :

La Commission européenne indique sur son formulaire qu’elle accusera réception de la plainte dans un délai de 15 jours ouvrables, puis, dans les 12 mois qui suivent, elle examinera la plainte afin de décider s’il convient ou non d’engager une procédure formelle d’infraction contre l’État membre concerné.

Pour en savoir plus :

À propos de la pêche électrique

Il existe encore de grandes incertitudes à propos de l’impact de la pêche électrique, par exemple sur les poissons électro-sensibles (requins et raies), pour lesquels aucune étude n’a jamais évalué leur réponse à de tels champs électriques.

Voir la page de BLOOM sur la pêche électrique

Sur les vidéos suivantes, vous pouvez voir des crevettes et des soles convulser sous l’effet du champ électrique (en laboratoire) :

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