64 loups ont déjà été tués en France, contre l'avis des Français et en infraction avec la loi

par Christophe Magdelaine / notre-planete.info

La chasse aux loups continue en France, au mépris due la biodiversité, de la loi, et de l'avis des Français. Ainsi, la Ministre de l'écologie a publié deux arrêtés fixant les conditions de tirs et le nombre de loups pouvant être tués chaque année. Ces mesures entérinent une politique de destruction dictée par les lobbies agricoles et de la chasse. Plusieurs associations de défense des animaux et de l'environnement demandent le retrait de ces arrêtés et portent plainte contre la France, alors que plus de 60 loups ont déjà été tués.

En France, depuis le début des années 1990, le loup[1] recolonise naturellement des territoires d'où il avait été chassé il y a un siècle. Cette reconquête suscite de vives polémiques qui opposent les éleveurs et chasseurs aux protecteurs des animaux.

Le loup, stigmatisé depuis des siècles, serait à l'origine de nombreuses attaques sur les troupeaux de moutons dans les alpages. Si le régime alimentaire du loup est essentiellement composé d’ongulés (chevreuils, cerfs, sangliers, mouflons et chamois), il est également opportuniste et ne dédaigne pas d’autres proies comme de petits mammifères, des baies, des fruits, des charognes même en état avancé de décomposition, des déchets, mais aussi... Le bétail élevé à l'extérieur et en priorité les moutons. Il s'attaque généralement aux plus faibles individus : jeunes, handicapés ou très vieux (CSPNB).

Rappelons qu'en France, le loup (canis lupus) est officiellement une espèce strictement protégée. Malgré cela, des loups sont toujours régulièrement abattus sur dérogation préfectorale alors qu'ils sont déjà victimes du braconnage et des empoisonnements.

De nouveau, Ségolène Royal, la Ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a pris deux arrêtés datés du 30 juin 2015 :

Ces arrêtés dépassent largement le cadre de la "défense" à l'égard d'éventuels loups qui rôderaient autour des troupeaux puisqu'ils peuvent désormais être abattus :

  • même si le bétail n'a pas été attaqué et n'est pas menacé ;
  • même si le bétail n'est pas protégé ;
  • jusqu'à six mois après le constat de "dommages importants et récurrents d'une année à l'autre dans les élevages ayant mis en œuvre les tirs de défense" et dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup".

Pire, les tirs sont possibles jusque dans le cœur des parcs nationaux, alors que la chasse y est normalement non autorisée (sauf celui des Cévennes). D'un autre côté, les éleveurs continuent d'être subventionnés et indemnisés sans contrepartie ni incitation à protéger leur troupeau.

Le nombre de loups pouvant être tués en 2015-2016 a augmenté de 24 à 36, alors que la population de loups est en baisse d'après le suivi officiel (ONCFS : 301 loups estimés en 2014, 282 loups en 2015). "Les abattages (19 légaux en 2014-2015) ont pourtant montré leur inefficacité depuis des années puisqu'ils n'empêchent par les attaques de continuer sur les troupeaux insuffisamment protégés qui concentrent l'essentiel de la prédation", souligne le collectif.

En outre, ces arrêtés ont été pris alors qu'ils avaient été massivement rejetés par les citoyens lors de la consultation publique de juin 2015. En fait, près de 80 % des Français rejettent la chasse au loup : un sondage IFOP réalisé fin 2013 pour les associations ASPAS et One Voice, montre que 76 % des Français considèrent que le loup a toute sa place dans la nature en France, et que 80 % sont farouchement opposés à son éradication. De même, plus de 77 % des internautes du site notre-planete.info sont défavorables à la chasse aux loups selon un sondage de juin 2014.

Pour les 32 associations membres de CAP Loup, "l'État obéit aux syndicats agricoles et au monde de la chasse, par des mesures contraires à toute idée de coexistence entre le loup et l'élevage." C'est pourquoi, ces associations ont demandé, depuis un an à rencontrer Ségolène Royal pour lui faire part de leurs propositions en faveur d'une meilleure cohabitation entre le loup et le pastoralisme. Malheureusement, la Ministre de l'écologie refuse de recevoir les associations écologistes, tandis qu'elle reçoit les syndicats anti-loups et applique leurs doléances.

"En organisant une chasse aux loups qui met en péril le retour de l'espèce au niveau national et sans chercher à favoriser la coexistence avec les activités agricoles, l'État met la France en infraction par rapport à la convention de Berne et à la Directive Habitats-Faune-Flore. Nos associations portent donc plainte contre la France auprès de la Commission européenne", concluent les associations de CAP Loup qui ont également lancé une pétition.

100 loups déjà abattus depuis leur retour en France

"Avec le tir d'une louve lundi 7 novembre 2016 dans les Alpes-de-Haute-Provence, le nombre de 100 loups abattus « légalement » en France depuis le retour de l'espèce vient d'être franchi" s'indigne CAP Loup.

Une dizaine de loups ont été abattus dans les Alpes après le 15 octobre 2016 alors qu'il n'y a plus de troupeaux en alpage à partir de cette date et donc plus de risque pour les troupeaux...

D'après le décompte de CAP loup, depuis le 1er juillet 2015, 83 loups sont morts dont 64 chassés.
Officiellement, le nombre maximum de loups pouvant être abattus est de 36 par an (de juillet n à juillet n + 1). Or, pour la "saison" 2016-2017, 30 loups ont déjà été tués.

La reconduction du "quota" 2015-2016 pour 2016-2017 a provoqué la colère de tous les défenseurs des animaux. Ainsi, France Nature Environnement, Humanité & Biodiversité et la Ligue pour la Protection des Oiseaux ont saisi jeudi 8 septembre 2016 le Conseil d'État : "les associations estiment que ce plafond est disproportionné et que les nouvelles dispositions autorisant la destruction du loup contreviennent aux conditions strictes permettant de déroger à la protection de cette espèce protégée."

En effet, les associations de défense du loup rappellent que "Le loup est une espèce protégée. La France ne peut déroger à cette protection qu'à la triple condition de l'existence de dommages importants à l'élevage, de l'absence d'autre solution satisfaisante, du maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de l'espèce dans son aire de répartition naturelle." Vu que ces conditions ne sont pas réunies, elles "ne baissent pas les bras et vont se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat."

"Ces images exceptionnelles montrent cinq louveteaux, filmés par un appareil automatique, quelque part dans une forêt des Alpes. Ils sont âgés d'à peine 2,5 mois et jouent paisiblement. Ils sont extrêmement vulnérables : si ils sont découverts ou si leurs parents sont tués, ils ne survivront pas seuls. Parmi toutes les crottes de loups examinées sur place, aucune ne contenait un reste de mouton, malgré la présence aux alentours de troupeaux de brebis non protégés. Ces louveteaux sont nourris par leurs parents avec leurs proies naturelles, des ongulés sauvages. La politique des « tirs de prélèvement » est décidément absurde et révoltante", s'indigne CAP Loup.

Comment la France peut-elle donner des leçons au monde sur la biodiversité et la préservation des espèces sauvages alors que notre gouvernement s'emploie à détruire la présence, très limitée, du loup sur son territoire ? La France n'a décidément rien appris de son histoire et rien compris des grands enjeux environnementaux de ce siècle.

Enfin, pour redonner au loup sa place ancestrale dans les alpages, il faudrait d’abord revoir notre consommation de viande. En effet, les alpages abritent aujourd’hui plus de 2 millions d'ovins rassemblés en troupeaux de plus en plus importants (plusieurs centaines d'animaux en moyenne) (Observatoire des ovins de France 2013, Institut de l'Elevage). Or, près des trois quarts des ovins élevés en France sont dédiés à la production de viande (Agreste 2015). C'est donc là que l'alimentation végéta*ienne a un rôle bienfaiteur sur la biodiversité.

Notes

Le loup (Canis lupus) a l'aspect d'un chien-loup avec des yeux obliques, jaune d'or, les oreilles dressées et plutôt courtes. Le cou et les épaules sont puissants, garnis d'une crinière érectile, l'arrière train est plus bas et la queue touffue pend jusqu'aux talons. La couleur du pelage est assez variable, fauve gris jaunâtre mêlé de noir, toujours plus claire dessous. L'animal présente un léger dimorphisme sexuel : le mâle mesure 100 à 130 cm et la femelle 87 à 117 cm pour une masse respectivement de 25 à 30 kg et de 30 à 35 kg pour les loups d'origine italienne, qui ont recolonisé la France et qui appartiennent à la sous-espèce Canis lupus italicus, un peu plus petite que la forme d'Europe centrale. Le loup est (était) répandu sur l'ensemble de l'hémisphère nord (régions Néarctique et Paléarctique), y compris en Afrique du Nord au moins depuis le début du Pléistocène. Ubiquiste, il s'est adapté à tous les milieux, depuis le désert dans la péninsule arabique, les steppes chaudes et froides d'Asie centrale, certaines forêts de la péninsule indienne, les forêts tempérées et boréales, de plaine ou de montagne, la toundra ainsi que le désert arctique. On en retrouve des restes paléontologiques et archéologiques à des époques correspondant à des paysages et à des climats très variés. Le loup est à l'origine du chien domestique, premier animal domestiqué par les humains, il y a au moins 15000 ans (Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité)

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