Les fautes originelles.

Ce qui pourrait engendrer la chute de l’humanité, faire de l’espèce humaine une impasse évolutive, provoquer l’inhabitabilité de la terre, tient à une injonction fautive proférée, d’abord par les monothéismes, puis par le positivisme rationaliste :

« Soyez maîtres et possesseurs de la nature. Dominez-la, exploitez-la, devenez l’effroi de tout ce qui vit. Domestiquez, expulsez faune et flore sauvages, croissez et multipliez sans fin ».

Prenant le relais de l’impératif divin, l’esprit anthropocentrique apparu en Europe durant les trois derniers siècles explique la catastrophe biologique et éthique de ce temps.

Ces doctrines ont accouché d’une société monstrueuse.

Relisez l’Histoire, y compris celle du XXème siècle.

Ce ne sont que guerres, massacres, maltraitances inspirés par les luttes nationales, religieuses et raciales.

 Observez l’actualité quotidienne.

Les combats, les génocides, les sévices et les meurtres, l’économie de Marché qui n’est qu’une forme de guerre déclarée à la nature et entre les hommes sont les produits des injonctions de domination, de croissance, d’exploitation.

 Pour sauver la vie, il faut muter, inverser les dogmes criminels et énoncer : « Soyez respectueux, contemplatifs, bienveillants en abordant la nature. Ne maîtrisez le monde que pour y extirper la souffrance et non pour le souiller».

 Mais, cette invitation salvatrice se heurte aux habitudes ancestrales, aux traditions et surtout aux intérêts qui, ici et maintenant, l’emportent toujours sur les convictions.

Les bases morales et politiques de l’Occident, devenues normes planétaires, détruiront tout, ne laissant derrière cette civilisation qu’un désert et une immense traînée de souffrances : souffrances des biotopes anéantis, souffrances des animaux de rente considérés comme de simples marchandises, souffrances des hommes eux-mêmes condamnés à n’être que des rouages au service de l’appareil de production – consommation.

 Croître, posséder, dominer, maîtriser, exploiter, prescriptions des vieilles idéologies, qui façonnent consciemment ou non les comportements des humains, signifient nuire.

 Nos politiciens célèbrent encore le culte de la croissance. Ce sont des « croissancistes » (pardonnez ce néologisme transparent).

Après des décennies de croissance continue, ils déplorent la « crise ».

Pour échapper à cette « crise », que proposent-ils ?

D’appliquer le même traitement qui généra la crise : la croissance.

Or, ils entendent par « croissance », l’augmentation perpétuelle des productions de biens, sans se soucier nullement du bonheur généré par ces productions, sans s’interroger sur le coût humain et pour la biodiversité de cette course à l’abîme.

Leur dogme : produire toujours davantage et ce infiniment pour qu’il y ait des emplois.

Mais, pour produire, il faut réduire les coûts, donc les salaires et les normes environnementales, car à défaut de ces régressions constantes, d’autres produiront ailleurs, dans des pays à bas-coût.

Et toute la planète raisonne de même, pillant les ressources, déménageant la nature, courbant les humains sous le joug cruel de la compétition, de la concurrence, du moins-disant social et écologique.

 Alors, faut-il décroître ?

Oui, démographiquement, par la réduction des naissances. En revanche, est souhaitable l’allongement de la vie, car tout être vivant possède un intérêt légitime à vivre.

 Pour le reste, la réponse n’est pas simpliste.

Car, peu importe la croissance, concept creux.

Quand bien même, nous cesserions de croître, l’humain, tel qu’il agit présentement, détruit la nature.

Les concepts de croissance et de décroissance ne sont pas opérants.

On peut améliorer le sort des hommes, refuser l’austérité et l’ascétisme masochiste sans agresser le vivant, sans la course au quantitatif, source de profits colossaux pour une poignée d’oligarques profiteurs d’un système par ailleurs désastreux.

 Cessons de mesurer la « croissance » et raisonnons en terme de progrès.

Qu’est-ce que le progrès ?

 L’amélioration de la vie et la lutte contre deux ennemies : la souffrance et la mort.

 Il est inquiétant de constater que l’humain a élaboré, depuis la plus haute antiquité, des mythes et des rites impliquant une valorisation du sacrifice : sacrifices de jeunes filles, d’enfants, d’esclaves, puis d’animaux sur les autels sanglants du polythéisme, auquels succédèrent les sacrifices fondateurs des monothéismes.

L’animal humain a ainsi valorisé la souffrance expiatoire : autre faute originelle.

 Science et conscience peuvent constituer des issues de secours.

Je dis, science, parce que si, par simple exemple, vous voulez envoyer une capsule sur la lune, il faut connaître, respecter et appliquer les lois de la gravitation et de la pesanteur.

Votre intuition, vos convictions ne vous seraient d’aucun secours pour satelliser une station.

 Il en va de même pour vaincre la maladie, le processus de vieillissement.

 Je dis, conscience, parce que la maîtrise que nous confère la culture, c’est-à-dire la nature de l’humain, impose plus que des devoirs envers le vivant.

Plus que des devoirs, notre maîtrise exige une vertu : l’amour.

Proposons trois stades de développement de l’humanité :


- Autrefois, la civilisation fut celle de la foi, de l’irrationnel.


- Grâce aux Lumières, puis à FEUERBACH, NIETZSCHE et d’autres, la société devint celle de la raison.


- Accédons à la civilisation de l’empathie.


Tout est question de choix.

Une innovation, une technique, une découverte doivent être appréciées en fonction de leurs incidences à l’égard des êtres vivants.

 Il faut changer de paradigme, d’instrument de mesure, de valeurs, d’objectifs.

 La vie, le bonheur, la réconciliation avec la faune et la flore, l’admission des droits des animaux à ne pas être maltraités, le partage du travail pour laisser à chacun le temps de vivre, la justice sociale doivent croître, pas la production, pas le profit.

La pollution, l’exploitation, le mépris de la vie doivent disparaître.

 Cette société nouvelle passe par l’éducation au mépris de la compétition, par le refus de l’écrasement d’autrui.

Bref, il faut changer le socle, les ressorts fondamentaux d’une société dont chacun comprend bien qu’elle va à sa perte.

Ce fait n’échappe pas aux décideurs, aux politiciens.

Mais, quand la question est compliquée, l’homme préfère l’évincer.

On se plaît à poser les questions pour lesquelles on a une réponse.

C’est tellement plus facile.

Chacun sait que le béton, l’asphalte, les infrastructures dévorent l’espace, que des lobbies perdurent à aseptiser la nature pour satisfaire des intérêts catégoriels, que les ressources s’épuisent, que l’atmosphère s’altère avec le climat, que demain la vie sera compromise.

Mais, demain, c’est loin, pour des professionnels de la politique qui pensent au renouvellement de leurs mandats électifs et qui souffrent, pour la plupart d’entre eux, d’un trouble de la personnalité qualifié en psychiatrie : narcissisme !

Il est plus confortable d’urbaniser sans frein, et de délirer sur le thème : « La chasse est respectable et responsable ».

 Muter : c’est difficile et la nature ne vote pas.

Voilà pourquoi la ministre de l’écologie de ce pays, dépourvue de « bravitude » face aux lobbies de la mort, préfère le pastoralisme aux ours, aux loups, aux vautours et à tout le reste.

 Décidément, il y a incompatibilité entre ces politiciens et l’intérêt général appelant à cette mutation comportementale.

 La société planétaire, faute de muter en société de l’empathie, pourrait bien « expier » une faute originelle que les vieilles idéologies prescrivaient en impératif : l’esprit de domination.


Gérard CHAROLLOIS


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