L’écologie, le philosophe et les délires paranoïaques

 Un vent mauvais souffle sur le monde et les idées perverses qui ensanglantèrent le siècle passé renaissent avec l’oubli de la cruelle leçon terminée en 1945.
Les mauvais sentiments, la haine, la violence, la thanatophilie, les identités meurtrières, l’idéal du jeune SS aux poings de fer, les pourfendeurs du féminisme, des homosexuels, des gauchistes, des pusillanimes redeviennent à la mode.
Peuples, que vous avez la mémoire courte !
Dans la veine de cette idéologie qu’il faut bien qualifier de réactionnaire, je découvre une vidéo dans laquelle deux professeurs de philosophie, Luc Ferry et Michel Onfray (qui nous avaient naguère offert de bien meilleures pensées) fustigent les écologistes indistinctement et invitent quelques intervenants qui passent de la condamnation philosophique aux éructations hargneuses à l’encontre de la seule pensée neuve qu’ait produite notre époque et dont la diversité et les contradictions fructueuses font la richesse.
Parce que fort justement, Madame le maire de Poitiers supprime les subventions à un aéroclub en indiquant opportunément qu’il serait souhaitable que les enfants rêvent à d’autres choses qu’à mécaniser le ciel, celle-ci devient une émule d’Hitler qui veut régir les rêves des hommes.

Comme si l’on ne devait pas aspirer à une autre société, sans que ce souhait éducatif débouche sur l’arrivée d’un ordre botté et casqué !
Le maire de Bordeaux refuse-t-il de dépenser soixante mille euros pour amener un immense sapin sur une place de sa ville lors des fêtes de fin d’année, et le voici dépeint en ennemi farouche des fêtes de fin d’année, en censeur de Noël.
J’observe d’ailleurs que ces contempteurs des écologistes se gardent bien de dire d’où ils parlent.
Pour les ennemis de la terre, les écologistes sont à la fois des technophobes irrationnels et les jeunes gens qui récitent les rapports du GIEC feraient bien d’ignorer la science et de s’occuper d’autre chose à leur âge.
Et puis voici, dans cette vidéo à charge contre l’écologie, l’agriculteur de service qui oublie une évidence : si la France comptait, il n’y a que 50 ans, dix millions « d’exploitants agricoles », il n’en reste aujourd’hui que quatre cent mille sans que les véganes ou les VERTS de tous poils y soient pour quoi que ce soit.
C’est l’agrochimie et l’élevage concentrationnaire qui ont fait disparaître les « exploitants agricoles » et pas notre salutaire « agribashing ».
Alors, technophobes et délirants paranoïaques les écologistes ?
Oui, il y a des écologistes irrationnels, complotistes, adeptes de la sorcellerie, du charlatanisme, négationnistes des sciences et de la raison.
Mais ce que refusent de voir nos calomniateurs, c’est que ces délires inquiétants affectent la société entière et nullement les seuls écologistes.
Les électeurs de TRUMP et nos réactionnaires locaux ne voient-ils pas partout un vaste complot pédophile, des réseaux souterrains, des comités secrets, des manipulations infâmes et monstrueuses impliquant les puissants, comme d’autres voyaient partout la main sombre des francs-maçons, de la juiverie. Les fantasmes fleurissent sous tous les cieux.
Il conviendrait, messieurs les professeurs de philosophie, d’aiguiser vos esprits en recherchant les causes de ces délires collectifs visant de nos jours essentiellement la science.
Sans trop développer ici, car tel n’est pas mon sujet du jour, je consens à vous montrer une piste explicative :
Ce délire paranoïaque tient à une accélération inédite dans l’histoire des hommes, des connaissances et des techniques couplée à un effondrement, du moins en Occident, des vieux dogmes religieux, cadres sécurisants, repères commodes.
Il fallut des milliers d’années pour inventer et améliorer la roue.
En un siècle, l’homme passa du tout premier avion à la navette spatiale.
La médecine guérit aujourd’hui des maladies que l’on percevait comme fatales il n’y a qu’une génération, à l’instar de la leucémie infantile et du lymphome hodgkinien.
Ces bouleversements suscitent chez certains esprits des angoisses devant la vitesse de la maîtrise qui est loin d’avoir atteint son apogée.
Il en résulte des fuites dans l’irrationnel, le farfelu, la construction d’un monde imaginaire.
Or ce phénomène de paranoïa collective n’a rien à voir avec l’écologie que stigmatise nos penseurs à coups de marteaux.
L’écologie est d’abord une science.
C’est aussi une éthique tenant au biocentrisme, c’est-à-dire à la valeur de la vie et au respect de la nature, non pas parce que la nature est bonne, mais parce qu’elle est.
Si je condamne les éoliennes, les OGM, les pesticides, une croissance quantitative et non qualitative, ce n’est pas par peur, mais par choix positif du vivant.
Plus que notre santé, les pesticides ont fait disparaître 80% des insectes en Europe et cela est inacceptable.
Les manipulations génétiques sont souhaitables lorsqu’elles visent à faire reculer la souffrance et la mort, elles sont abjectes lorsqu’elles amplifient l’anéantissement de la biodiversité.
En un mot, être écologiste, c’est être contre la chasse, pas contre la science et la raison.
C’est travailler à l’émergence d’une société prospère et hédoniste mais réconciliée avec la nature et les animaux.
Alors, amis philosophes, ne prenez pas si vite un coup de vieux.
On n’a besoin de réflexions de qualité dont vous nous aviez gratifiés naguère, et non d’invectives ajoutant au vent mauvais qui s’est levé.
Ne cédez pas à la mode rétrograde et appréhendez la complexité puisque vous en êtes capables.

Gérard CHAROLLOIS

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