L’agriculture et le temps des impuissances

Imprimer

Le « libéralisme » occidental comporte bien des avantages lorsqu’on le mesure à l’aune des régimes autoritaires, théocratiques, corrompus et criminels qui obscurcissent encore notre époque.
Préférable sans doute à tous les autres, il n’en comporte pas moins des tares que les gens de mieux doivent distinguer pour y remédier.
Nos démocraties parlent, mais n’agissent pas.
Qu’il s’agisse d’une guerre en Ukraine à laquelle on ne met pas fin par une intervention effective qui reconduirait l’agresseur à sa frontière, qu’il s’agisse d’une dérive sociale qui éloigne une poignée de milliardaires hors-sol du reste des humains, qu’il s’agisse de la mort de la biodiversité ou de l’altération du climat, les gouvernants occidentaux parlent et se battent jusqu’au dernier Ukrainien, jusqu’à la disparition de la Nature, jusqu’à l’émergence d’une humanité dissociée avec extinction d’une classe dite moyenne et l’apparition de deux mondes totalement séparés : celui des oligarques et celui les gens ordinaires.
C’est que face aux événements, aux lobbies et aux forces brutales, la pusillanimité règne et la démocratie sécrète ses permanents CHAMBERLAIN et DALADIER.
Du courage, messieurs les gouvernants ! Pour ne pas avoir la guerre plus le déshonneur !
Mais quittons nos stratèges et revenons à nos moutons.

Le chef de l’Etat passe une journée entière au salon de l’agriculture, selon la tradition qui veut que tout politique de la république prouve sa dévotion au monde agricole qui, jusqu’à la moitié du siècle passé, formait la moitié de la population.
Aujourd’hui, la politique du productivisme forcené fait disparaître le paysan et amène à quatre cent mille le nombre des exploitations agricoles.
Que demande la FNSEA ?
Des pesticides, toujours des pesticides, et moins de contraintes environnementales et moins de normes onéreuses au nom de la prévention de la maltraitance animale dans l’élevage.
Le leader de ce groupement ajoute (sur ce point à juste titre), qu’il ne faut pas pénaliser « l’agriculture française » en lui imposant des restrictions que ses concurrentes ne respecteraient pas.
Si je donne raison sur ce point à la FNSEA, j’en tire la conséquence inverse.
La France ne doit pas sacrifier la biodiversité sur l’autel du productivisme, mais contraindre les autres pays à adopter des mesures de sauvegarde de la Nature en refusant les importations de produits obtenus dans le mépris de cet impératif premier : maintenir la viabilité de la biosphère.
Bien sûr, les dirigeants politiques invoquent leur impuissance permanente et générale en s’abritant derrière de faux obstacles du type de : l’Europe n’adopte pas ces normes et que dira l’Organisation Mondiale du Commerce ?
En fait, l’Europe a bien souvent donné des leçons d’écologie à la France.
Songeons aux directives relatives à la protection des oiseaux du 2 avril 1979 reprise le 30 novembre 2009 et la directive faune flore habitats du 23 mai 1992, directives honnies par les chasseurs.
Songeons que la France freine les mesures en faveur des poules en cages et ne se rencontre jamais à la pointe du combat pour la cause animale et de la Nature.
Les politiques ne devraient pas être les commis des lobbies et des petits intérêts trop privés.
L’esprit de Résistance pour défendre la démocratie, les droits de l’homme et ceux de la Nature et du vivant ne souffle guère chez les prétendus avocats de ces valeurs essentielles.
Toutes les études, notamment conduites en Allemagne et en Grande-Bretagne, confirment que depuis 1990, 80% des insectes ont disparu.
Les pesticides sont la cause première de cet effondrement du socle de la biodiversité, socle sur lequel repose toute la chaîne alimentaire : oiseaux mammifères, amphibiens, reptiles.
Les champs deviennent des déserts de vies et même l bouses des bovins traités chimiquement empoisonnent les insectes coprophages.
C’est que l’impératif de l’agriculture FNSEA s’appelle la rentabilité maximisée ne tolérant aucun parasite végétal ou animal.
Cette agriculture stérilise et aseptise la Terre.
Les scientifiques l’explicitent. Les décideurs le savent mais ne décident rien.
Quant aux « jeunes gens » (de tous âges) qui osent dénoncer ces faits établis, les gouvernants embarrassés les qualifieront d’extrémistes, de gauchistes irresponsables, d’utopistes farfelus.
Le pesticide sent le « bon sens paysan », « la terre qui ne ment pas », même quand on l’empoisonne.
Après les discours généreux en faveur de l’écologie, les « marchons, marchons » en restant sur place, viennent les éructations « beaufs » : « l’environnement, ça commence à bien faire » !
Pour l’agriculture, il faudrait admettre qu’une part des productions doit être abandonnée à la biodiversité.
Bien sûr, les rendements s’en ressentiront, mais l’orientation nouvelle doit concerner la production mondiale et non uniquement celle de l’hexagone.
La France, reine du pesticide dont elle est la première consommatrice en Europe, pourrait prendre la tête d’une croisade pour cette révolution qui réconcilierait l’humain avec le vivant.
Contre les lobbies, contre les dictateurs, pour prévenir le pire, ne soyez pas, messieurs les gouvernants, victimes du syndrome de MUNICH !
Ne capitulez pas.
Les droits de l’homme, la démocratie, la Nature, les droits du vivant demandent du courage, de la vérité, de la lucidité.
Ne laissez pas se perpétrer des écocides, des crimes contre l’humanité, des cruautés insondables contre les animaux ou contre les humains !
Tout se tient.
La vie et la liberté : ça se défend !
Elles en valent la peine.

Gérard CHAROLLOIS