De la liberté d’expression au devoir de blasphème, de Charlie Hebdo à Salman Rushdie

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D’aucuns vous diront : « Je suis pour la liberté d’expression, mais ... ».
La suite ne présente plus aucun intérêt intellectuel.
La liberté d’expression des idées, d’une pensée, d’une éthique est absolue ou n’est pas et elle ne souffre pas de « mais ».
Ceux qui vous rétorqueraient que ce principe justifierait les appels au meurtre, à la violence, à la haine seraient soit de bien mauvaise foi, soit inattentifs.
Les appels au meurtre, à la violence et à la haine ne sont pas des idées, des philosophies, des éthiques libres et contradictoires mais des éructations vociférantes.
Les doctrines politiques, les philosophies et les croyances peuvent être librement exposées, défendues, promues et inversement combattues, réfutées, caricaturées.
Le triste mercredi 7 janvier 2015 qui vit l’assassinat de nos amis de Charlie Hebdo ainsi que la récente agression de l’écrivain Salman Rushdie participent des guerres saintes, des martyrs, des sacrifices humains ou animaux, des enfermements dans des identités meurtrières sécrétés par les religions.
Jusqu’à ce jour, toutes les civilisations humaines furent ensanglantées, endeuillées, obscurcies par ces mythes gravés sur une médaille dont une face annonce « l’amour divin » et l’autre la haine du mécréant, du renégat.

Pour combattre le fanatisme islamique en Afghanistan et en Afrique, les occidentaux crurent que les missiles, les bombes, les drones suffiraient à assurer la victoire de la raison, de la liberté et de la sécurité de tous.
Bien sûr, une arme tue tel ou tel chef de bande terroriste, mais n’extirpe pas la racine du mal.
Contre une idéologie criminogène, il eut fallu opposer un antidote idéologique que nos sociétés ne semblent plus en mesure d’assumer.
Un traité d’athéologie offert à tous eut fait plus et mieux qu’une occupation militaire dans les pays victimes d’obscurantismes religieux.
Pourquoi ce nécessaire combat ?
Pour défendre la vie et la liberté.
Que le « croyant », bien heureux de croire, jouisse pleinement de la liberté de son adhésion à un mythe quelconque et fasse une affaire strictement personnelle de son propre salut.
La société lui garantira sa liberté de croyance, de rite, anxiolytique consolateur, sous réserve qu’autrui puisse demeurer étranger à cette idéologie.
Ce que j’énonce ici, en éthique biocentriste, correspond à l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le problème tient à ce que toutes les religions « débordent » et veulent régenter, outre la vie de leurs adeptes, toute la société.
Songez aux débats sur le divorce, l’avortement, le mariage des personnes de même sexe en Europe.
Sur d’autres continents, d’autres religions mettent à mort la femme adultère, l’homosexuel, l’apostat, le blasphémateur.
Face à ces crimes, la lâcheté est une faute.
En psychologie, on doit s’interroger sur le versant noir du fait religieux.
Pourquoi, à travers les âges et les peuples, les dieux ont-il appelé à des sacrifices, des massacres, des châtiments, des expiations effroyables ?
Pourquoi sont-ils fondés sur des supplices, des guerres exterminatrices et n’ont-ils pas valorisé la vie, le plaisir, l’amour, la douceur des jours ?
Je soumets à votre libre réflexion mon désarroi devant ces valorisations du supplice et de la mort prônés par les mythes polythéistes et monothéistes.
Je n’interroge pas les dieux, auxquels je ne crois pas, mais les hommes qui les ont conçus « à leur image » !
Il est évident que, confronté à sa propre finitude et au néant qui suit une vie comme il la précède, l’humain cherche depuis toujours son salut dans une promesse qui rejoint le transhumanisme à savoir, la vie éternelle ou du moins prolongée.
Jusqu’à ce stade de notre civilisation, la raison, la science et la médecine ne peuvent pas rivaliser avec les mythes.
Certes, les connaissances acquises durant ces deux derniers siècles guérissent bien des maladies et en retardent parfois l’issue fatale, mais si elles gagnent quelques batailles, elles perdent toujours la guerre, puisque tout être vivant meurt.
Seule la religion permet de nier la mort et d’annoncer, dans l’au-delà, un banquet perpétuel, des vierges chaleureuses et même une résurrection des corps glorieux à la fin des temps.
Qui ne rêverait pas qu’au bout de sa pénible agonie, un être suprême bienveillant l’accueille en lui disant : « Entre ici, ceux que tu aimes t’attendent déjà ».
Ne retirons pas à l’humain le droit de rêver.
Mais enseignons-lui le respect de toute vie, humaine et animale et, indissociablement, celui de la liberté de pensée et d’exprimer ses propres convictions.

 

Gérard CHAROLLOIS